Ce qui alimente la crise énergétique – Prévisions de Saxo Bank

Communiqué, Saxo Bank

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«Depuis fin 2020, nous affirmons que l’économie réelle a trop peu de place dans les programmes économiques et financiers des gouvernements, des banques centrales et de la transformation verte», déclare Steen Jakobsen.

Saxo Bank, spécialiste du trading et de l’investissement en ligne, a publié aujourd’hui ses prévisions pour le premier trimestre 2022 pour les marchés mondiaux, ainsi que ses principales idées de trading concernant les actions, le marché des changes, les devises, les matières premières, les obligations et toute une série de thèmes macroéconomiques centraux ayant un impact sur les investisseurs et les marchés.

«Depuis fin 2020, nous affirmons que l’économie réelle a trop peu de place dans les programmes économiques et financiers des gouvernements, des banques centrales et de la transformation verte», déclare Steen Jakobsen, économiste en chef et CIO de Saxo Bank, dans l’introduction des prévisions trimestrielles.

«Le moment de vérité. pour la croissance de l’économie réelle, est la crise énergétique que nous connaissons actuellement, qui va se poursuivre en raison de décennies de sous-investissement dans cet espace et du manque de financement continuel des énergies fossiles, qui constituent encore l’essentiel de l’apport énergétique de notre économie. Ces questions se placent au cœur de notre thème «le monde est trop petit». En 2021, nous avons assisté à des hausses des prix de l’énergie et de l’électricité inédites depuis les années 1970. Les prix de l’électricité en Europe ont atteint dix fois la moyenne à long terme, en partie à cause de perturbations d’approvisionnement à l’étranger, mais aussi en raison de la baisse de la production due à la fermeture des centrales nucléaires en Allemagne, alors que les sources d’énergie alternatives ne sont pas encore capables de pallier ce manque.»

La transformation verte alimente la crise énergétique

Pour résumer, nous avons créé un monstre: la transformation verte, qui alimente la crise énergétique. Plus nous agirons sans plan concret de passage à l’énergie verte tant désirée, plus nos économies se verront perturbées par une production inadéquate, surtout si la demande en énergie inélastique dépasse la capacité de production.

La réponse politique a jusqu’à présent consisté à proposer un engagement encore plus fort envers l’énergie verte et à ignorer l’amélioration nécessaire des réseaux et des transmissions existants, ainsi que les possibilités de meilleure utilisation de l’énergie conventionnelle. La pire erreur des politiques est leur incapacité de reconnaître que l’énergie alternative ne peut à elle seule alimenter l’avenir selon les niveaux de consommation actuels.» Ce dont le monde a besoin, c’est d’un projet Manhattan 2.0, cette fois non pas pour construire une bombe encore plus grande, mais pour trouver et élaborer des sources d’énergie à plus forte densité et à faible empreinte carbone, vraisemblablement basées sur la fission et la fusion nucléaires.

La grande révolution en 2022 sera de commencer à bâtir notre avenir énergétique sur une fondation réaliste, et non sur un rêve.

Valeurs boursières: la crise pourrait faire des titres énergétiques des gagnants à long terme

«L’année dernière, une crise énergétique mondiale s’est lentement développée avant d’éclater ces derniers mois en Asie et en Europe. La hausse des prix de l’énergie, principal thème des présentes prévisions trimestrielles, pèse sur les consommateurs et sur les entreprises. Elle pousse tous les prix à la hausse et réduit les marges en raison de coûts directs de fonctionnement plus élevés, tandis que les pressions inflationnistes secondaires touchent les industries d’une autre manière. Elle fait aussi grimper les taux d’intérêt, impactant directement le taux d’escompte des futurs flux de trésorerie disponibles et diminuant ainsi les cours boursiers.

De nombreuses raisons portent à croire que les prix de l’énergie resteront élevés dans un avenir proche en raison du sous-investissement, des critères ESG et de la transformation verte. Elles vont inciter les investisseurs à s’exposer à l’ensemble du secteur de l’énergie, afin d’équilibrer leur portefeuille face à un excès de titres technologiques et de croissance», déclare Peter Garnry, Responsable de la Stratégie Actions chez Saxo Bank.

Le secteur de l’énergie ne joue plus qu’un rôle insignifiant sur les marchés des actions

«En janvier 1995, avec 10% du S&P 500, le secteur de l’énergie constituait le cinquième plus grand secteur par capitalisation de marché dans la plus grande économie et le plus grand marché des actions du monde. Il a ensuite connu une incroyable période d’essor jusqu’en juin 2008, alors que le prix du Brent brut atteignait 140 dollars/baril. Durant cette période, le secteur mondial de l’énergie a surperformé le marché des actions global de 7,5% par an, générant un rendement total en USD de 16,2% annualisés».

Coupe des investissements dans le monde réel

«De nombreuses raisons expliquent la crise énergétique actuelle, certaines à court terme et d’autres à long terme. Les plus évidentes sont la volte-face de la Chine vis-à-vis du charbon, l’abandon du nucléaire par l’Allemagne, la géopolitique russe, la part croissante du GNL dans le marché du gaz naturel, le sous-investissement dont sont victimes le pétrole et le gaz, et la modification des conditions météorologiques, qui réduit les productions éolienne et hydraulique d’électricité.»

L’inflation verte et les tensions au niveau de l’offre soutiennent les matières premières

«Une nouvelle fois, l’offre tendue et les pressions inflationnistes vont soutenir les rendements des matières premières cette année. La décarbonation du monde va favoriser le scénario d’inflation verte, dans lequel l’offre inélastique en matières premières, due en partie aux réglementations de type ESG, ne permettra pas de répondre à l’augmentation de la demande, qui alimentera elle-même la hausse des cours, et empêchera certains investisseurs et certaines banques de soutenir les activités d’extraction et de forage», explique Ole Hansen, Responsable de la Stratégie Commodity chez Saxo Bank.

Énergie: En Europe, la fragilité d’un marché de l’énergie concentré sur la décarbonation est devenue de plus en plus évidente au cours des six derniers mois. Le résultat en a été l’inflation verte, alimentée par des prix du gaz et de l’énergie punitifs, qui mettent en danger les industries les plus énergivores tout en attaquant violemment le pouvoir d’achat des consommateurs et la reprise économique.» Ole Hansen, Responsable de la Stratégie Commodity chez Saxo Bank, poursuit:

«En Europe, le gaz est perçu comme la solution relais entre le charbon et les énergies renouvelables, mais l’Asie n’arrive pas à se détacher du charbon, surtout en Chine et en Inde, où la hausse de la demande en charbon est venue répondre à la hausse de la demande en électricité. En conséquence et malgré le besoin de décarboner le monde, l’augmentation de la quantité d’électricité générée à partir du charbon dans le monde est estimée à 9% en 2021, un nouveau record. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la demande va atteindre un nouveau record cette année, et se stabiliser à un niveau qu’elle est susceptible de conserver au cours des deux prochaines années.»

Les métaux industriels ont fortement progressé en 2021, mais la plus grande partie du bond de 32% enregistré par l’indice London Metal Exchange ayant eu lieu au cours du premier semestre, l’année s’est terminée dans une certaine… incertitude.

Le passage à un avenir moins intense en carbone devrait entraîner une forte hausse de la demande en certains métaux clés, mais la perspective de la Chine est aujourd’hui la principale inconnue, notamment concernant le cuivre, pour lequel une grande partie de la demande chinoise émane du secteur immobilier. Toutefois, étant donné la faiblesse des nouveaux approvisionnements miniers, nous pensons que les obstacles macroéconomiques provenant du secteur immobilier chinois devraient commencer à se modérer début 2022.

Les métaux précieux ont été le seul secteur ayant connu des baisses l’année dernière, mais compte tenu des vents contraires provenant de la hausse des rendements obligataires et du dollar, la performance négative de l’or d’environ 3,6% s’est avérée acceptable pour un portefeuille diversifié. Matière première la plus sensible au dollar et aux taux d’intérêt, l’or va partiellement orienter sa courbe en fonction de ces deux marchés. L’or est souvent utilisé par les gestionnaires de fonds comme protection contre les événements inattendus, qu’ils soient macroéconomiques ou géopolitiques.

Agriculture: L’indice FAO des prix des produits alimentaires a terminé 2021 sur une hausse annuelle de 23%, le sucre et les huiles végétales enregistrant les plus fortes hausses. Nous nous attendons à une certaine modération en 2022, mais les risques climatiques et météorologiques restent source d’inquiétude en ces temps de resserrement de l’offre. S’ajoute à cela une envolée des prix des engrais liée au gaz qui, alliée à celle du prix des carburants, pourrait entraîner une baisse de l’utilisation des fertilisants dans les cultures.

Macroéconomie: erreurs de la politique énergétique européenne

«La crise énergétique européenne a mis des années à se dessiner. L’année 2021 s’est terminée sur des prix records. Le gaz naturel est aujourd’hui plus cher en Europe que le pétrole. Au lieu d’annoncer la suppression progressive du charbon à la suite de la COP26, la triste réalité de la transition verte en Europe est que le charbon progresse (pour une analyse détaillée de la transformation verte au sein de l’UE, voir nos perspectives pour le quatrième trimestre).

Un échec politique

Au cours des dernières années, l’UE a activement encouragé les énergies renouvelables, qui ne peuvent fournir d’apport énergétique constant, et incité à la fermeture des réacteurs nucléaires, pourtant piliers de l’énergie européenne à faible intensité de carbone. Tels sont les deux péchés originels de la politique de transition verte européenne, et la raison pour laquelle les consommateurs paient aujourd’hui une facture bien plus élevée. Au lieu de s’éloigner des énergies fossiles, l’Europe dépend de plus en plus des importations de gaz naturel, conserve ses centrales à charbon et s’écarte du chemin de la décarbonation.

De l’espoir

La situation est grave, mais pas désespérée. Pendant les fêtes de fin d’année, la Commission européenne a publié sa proposition de taxonomie, un système de classification qui établit une liste des activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement. Le gaz fossile et le nucléaire y apparaissent comme sources d’électricité verte, sous certaines conditions. Y inclure le nucléaire a bien sûr été une sage décision. Le Parlement et le Conseil européen disposent à présent de quatre mois pour examiner cette liste et émettre d’éventuelles objections.

Les pays antinucléaires (l’Autriche, l’Allemagne et les Pays-Bas) ont protesté contre cette inclusion du nucléaire, mais ne disposent pas d’une majorité qualifiée au sein du Conseil pour la rejeter. Pour ce faire, il faudrait qu’au moins 20 États membres, représentant au moins 65% de la population européenne, s’y opposent. Une objection du Parlement est peut-être plus probable dans la mesure où elle ne requiert qu’une majorité simple. Nous aurons notre réponse d’ici juillet. Espérons que le nucléaire gardera sa place dans la taxonomie», déclare Christopher Dembik, Responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank.

Obligations: la baisse du marché obligataire n’épargnera personne

La crise énergétique aura de sérieuses conséquences sur le marché des obligations, parce qu’elle entretient les pressions inflationnistes, et fait perdre leur intérêt aux instruments à revenu fixe qui offrent des spreads limités par rapport à leur indice de référence. La forte inflation entraîne des politiques monétaires plus agressives partout dans le monde, y compris de la part des banques centrales, comme la Banque centrale européenne, certainement la plus accommodante de toutes. Il est donc inévitable que les investisseurs veuillent éviter le risque de taux plus élevés cette année, ce qui va augmenter la volatilité des marchés. Pourtant, à la lumière de la forte croissance économique, les crédits à notation inférieure pourraient s’avérer moins vulnérables que les obligations de premier ordre», affirme Althea Spinozzi, Spécialiste senior Fixed Income chez Saxo Bank.

Zone euro: la hausse des taux va continuer de soutenir les spreads de crédit

«La BCE se retrouve piégée entre deux feux: celui de la hausse de l’inflation et celui du ralentissement de la croissance. Tant que les politiques ne considéreront pas l’inflation comme une vraie menace, la banque centrale conservera une politique monétaire fortement expansionniste. Mais si l’inflation est prise au sérieux, elle sera alors obligée de s’engager dans des politiques monétaires plus restrictives. La BCE a annoncé l’été dernier qu’une cible d’inflation de 2% lui permettrait de mieux atteindre son objectif de stabilité des prix.»

Les investisseurs obligataires doivent prêter attention aux pays périphériques, notamment au spread entre les emprunts d’État italiens et allemands

«Les restrictions récemment imposées au coeur de la nouvelle vague de COVID vont peser sur le fort taux de croissance italien. Le départ du président de la République Sergio Mattarella ouvre en outre la voie à une nouvelle crise politique, qui pourrait se conclure par une nouvelle élection si Mario Draghi décidait de vouloir s’installer au Quirinal. Il est donc à peu près sûr que le spread entre les emprunts d’État italiens et allemands à 10 ans (BTP/Bund) va se creuser tout au long de l’année, notamment au premier trimestre en raison de l’incertitude politique. Dans le scénario le plus haussier, qui verrait Mario Draghi rester à la tête du gouvernement en tant que Premier ministre, le spread BTP/Bund pourrait monter jusqu’à 160 pb. Toutefois, si l’ancien dirigeant de la BCE décidait de quitter son poste actuel pour briguer celui de président de la République, le spread pourrait alors s’élever à 200 pb. Il pourrait même dépasser ce seuil en cas de nouvelles élections», déclare la Spécialiste senior Fixed Income chez Saxo Bank.

Changes: rendement moyen pour les grands changements de 2021, et forte volatilité

USD et CNY(CNH): Un mur budgétaire et une Fed prête à augmenter ses taux coûte que coûte tandis que la BPC se montre plus accommodante

«En ce début d’année, la Fed se montre plus agressive à chaque apparition qu’à la précédente. La Chine, quant à elle, se montre plus accommodante: elle annonce son soutien à une économie chinoise lourdement impactée par les décisions officielles contre les excès de son immense secteur immobilier et de ses sociétés de technologie, qui ont nui aux marchés et à l’économie réelle. La politique de 'tolérance zéro' vis-à-vis de la COVID est venue ajouter d’autres limitations à l’activité économique.»

EUR et JPY: Un yen beaucoup trop faible. La capitulation de la BCE pourrait soutenir l’euro

L’euro et surtout le JPY ont enregistré de mauvaises performances au quatrième trimestre, l’Europe constatant une envolée des prix du gaz naturel et de l’énergie vers des sommets bien supérieurs aux anciens records. Celle-ci est due en partie à la réduction de l’approvisionnement en gaz naturel en provenance de Russie et à la situation géopolitique en Ukraine, qui pèse encore lourdement au moment de la publication de cet article», déclare John J. Hardy, Responsable de la stratégie Forex chez Saxo Bank.

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