L’avenir s’assombrit pour l’énergivore protocole «preuve de travail»

Mads Eberhardt, Saxo Bank

3 minutes de lecture

La forte consommation d’électricité du protocole «preuve de travail» utilisé pour extraire le bitcoin et l’ether ne devrait pas passer inaperçue.

Alors que le monde traverse une crise énergétique inédite, la forte consommation d’électricité du protocole «preuve de travail» utilisé pour extraire le bitcoin et l’ether ne devrait pas passer inaperçue. Alors qu’Ethereum devrait y mettre fin cette cette année, Bitcoin conserve ce protocole de «preuve de travail» et continue à consommer beaucoup d’électricité, ce qui ne s’effectuera pas sans grandes difficultés.

Bitcoin va s’attirer les foudres des politiques en raison de sa consommation d’électricité

Depuis son lancement en janvier 2009, Bitcoin se sert du protocole «preuve de travail» pour vérifier les transactions sur son réseau. Ce protocole est hautement énergivore, car il s’appuie sur d’innombrables serveurs. Malgré l’utilisation de quantités élevées d’électricité et d’une grande capacité de serveurs, le réseau Bitcoin n’est en mesure d’exécuter que 6 transactions par seconde.

Selon l’Université de Cambridge, Bitcoin représenterait environ 0,5% de la consommation électrique mondiale – soit plus que les Pays-Bas – sans compter l’utilisation des ressources nécessaires pour la production des serveurs. Dans un monde en crise où l’électricité est une ressource précieuse, consommer 0,5% de la production mondiale ne passera pas inaperçu. Pour ne rien arranger, la forte hausse de la consommation d’électricité de Bitcoin a été enregistrée en même temps que celle du cours de sa monnaie, les «mineurs» de Bitcoin pouvant se permettre de dépenser plus en électricité et en équipement de minage tout en préservant leur rentabilité. Si le cours du Bitcoin augmente à l’avenir, la consommation d’électricité devrait en faire autant, et cela ne fera qu’empirer la situation.

Source: Université de Cambridge (https://ccaf.io/cbeci/index; données également disponibles au format CSV)
Le pré carré de quelques pays

La capacité totale de minage du Bitcoin, également connue sous le nom de taux de hachage ou hashrate, se concentre souvent autour d’une poignée de pays. Avant les fortes mesures de répression de la Chine à l’encontre des cryptomonnaies en mai 2021, le pays représentait environ 71% du hashrate. Cette répression a eu pour effet de diviser presque par deux le taux total de hash rate de Bitcoin, et il aura fallu presque six mois à ce taux pour retrouver son niveau précédent.

Après la répression, les mineurs chinois ont déplacé leur équipement dans d’autres pays, notamment vers les États-Unis et le Kazakhstan. La part chinoise du hashrate total est quasiment inexistante aujourd’hui. Alors qu’il ne représentait qu’une part infime du taux mondial, le Kazakhstan, avec sa population de tout juste 19 millions d’habitants, est aujourd’hui le deuxième mineur mondial, avec 18% du hashrate total. Lui qui connaissait habituellement une croissance annuelle de sa demande en électricité de 1 ou 2% a enregistré une hausse de 8% l’année dernière, menant à de graves coupures et privant parfois d’électricité une partie de la population. Le gouvernement kazakh a exprimé son souhait de limiter le cryptominage. Le hashrate global du Bitcoin a chuté de 13,4% en début de mois, alors qu’Internet était coupé en représailles aux protestations contre les prix des carburants. Cet épisode a une nouvelle fois montré que le taux de hachage du Bitcoin est l’apanage d’un petit groupe de pays où la confiance envers cette activité peut évoluer rapidement.

Bitcoin doit opter pour le changement

La discussion autour de la consommation d’énergie serait certainement toute autre s’il n’existait pas d’alternative au protocole de preuve de travail. Aussi, les plus ardents défenseurs de Bitcoin, qui pendant des années ont vanté la preuve de travail pour son plus haut niveau de sécurité et ses meilleurs résultats, se trouvent aujourd’hui à court d’arguments face à sa principale concurrente, la preuve d’enjeu.

La preuve d’enjeu est un protocole par le biais duquel les détenteurs de cryptomonnaies d’origine peuvent participer à leurs positions, et ainsi valider eux-mêmes des transactions plutôt que de passer par des mineurs. Au cours des dernières années, la majorité des nouvelles cryptomonnaies se sont basées sur la preuve d’enjeu, le concept a donc fait ses preuves.

La deuxième plus grande cryptomonnaie, Ethereum, prépare depuis des années sa transition de la preuve de travail vers une preuve d’enjeu à l’occasion de sa mise à jour ETH 2.0. Celle-ci, qui devrait réduire la consommation totale d’énergie d’Ethereum de 99,95%, devrait être finalisée cette année. Elle prouve qu’il est non seulement possible d’introduire de nouvelles cryptomonnaies basées sur la preuve d’enjeu, mais aussi d’adopter ce protocole quand on a débuté avec la preuve de travail. En plus de quasiment supprimer la facture énergétique d’Ethereum, ETH 2.0 va rendre sa société beaucoup plus évolutive en matière de production transactionnelle potentielle.

À une époque où le débat sur la durabilité est bien nécessaire, et où nous faisons face à la plus féroce crise énergétique depuis des décennies, la preuve de travail est le boulet que traîne derrière lui le marché des cryptomonnaies. De nombreux défis attendent Bitcoin et le cryptomarché s’ils veulent devenir plus qu’une simple classe d’actifs spéculative, et leur image d’énorme centre de données aux yeux du commun des mortels ne sert certainement pas leur cause. Le débat sur la durabilité étant susceptible de s’intensifier à l’avenir, les investisseurs privés, les établissements bancaires et les développeurs pourraient être tentés de s’éloigner de Bitcoin et des autres cryptomonnaies basées sur le protocole de preuve de travail.

Selon nous, ce protocole de consensus sera dans l’avenir fragilisé dans le contexte d’une forte crise énergétique, d’un environnement réglementaire en évolution permanente et par la volonté grandissante des acteurs de se montrer durables.

A lire aussi...