Le retour des obligations?

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Sur fond d’inflation toujours élevée poussant les banque centrale à relever davantage leur taux, des opportunités se multiplient sur les titres à revenu fixe de durée plus longue.

  • Une inflation se maintenant à un niveau élevé met les banques centrales sous pression, les poussant ainsi à relever encore davantage leur taux directeur.
  • Pour les titres à revenu fixe de durée plus longue se présentent à nouveau des opportunités de rendement plus élevé.
  • Dans un portefeuille multi-actifs, les obligations peuvent atténuer les pertes éventuellement subies par les actions dans un contexte conjoncturel difficile.

Les deux dernières semaines ont été marquées par le décès de la reine Elizabeth II. Avec son règne prend fin toute une ère pour le Royaume-Uni. En même temps, dans le monde de l’économie et sur les marchés financiers, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre. Les taux d’intérêt continuent de monter, car l’inflation demeure obstinément à un niveau élevé. Ceci constitue un environnement d’investissement difficile, puisque les pertes patrimoniales font mal, surtout quand elles viennent s’ajouter à l'augmentation du coût de la vie. La bonne nouvelle est que les placements à revenu fixe présenteront à l'avenir un meilleur profil risque/rendement. Les obligations sont susceptibles de constituer à nouveau un solide rempart.

Un laborieux retour à la normalité

Comme la monarchie britannique, le marché obligataire n’est pas près de disparaître de sitôt. Et pourtant, compte tenu de l’actuel contexte inflationniste, certains analystes remettent en question le rôle que jouent les emprunts obligataires dans un portefeuille. Il est vrai que cette année, les rendements des titres à revenu fixe n'ont pas été bons jusqu'à présent. Or, les rendements des obligations sont négatifs parce que les taux d'intérêt ont augmenté en partant d'un niveau dont nous savions tous qu'il ne pourrait jamais être maintenu. Lorsqu'on traverse une période exceptionnelle sur les marchés - caractérisée par des interventions sans précédent des banques centrales - il est illusoire d'espérer un retour rapide à la normale.

Un taux d'inflation sous-jacente de 6%, c'est inacceptable

Selon le rapport sur les prix à la consommation aux Etats-Unis, le taux annualisé de l'inflation sous-jacente a été supérieur à 6% au cours des six derniers mois. Pour la Réserve fédérale américaine (Fed), cette situation n’est pas acceptable. L'inflation ne touche plus le seul secteur de l'énergie. En dehors de celui-ci, les prix de nombreux biens et services accusent également une forte hausse. De plus, il règne aussi une forte tension sur le marché de l’emploi. La Fed continuera donc à relever les taux d'intérêt jusqu'à ce qu'elle en ressente de l’aversion ou qu’elle perçoive des signes indiquant que quelque chose va s'effondrer - les emplois, la croissance, l'immobilier ou les marchés. Actuellement, le marché considère 4,5% comme un taux plafond, et en conséquence, certains économistes ont revu leurs prévisions à la hausse. Mais on pourrait tout aussi bien atteindre un pic de cinq, voire six pour cent. En partie, de nouveaux relèvements des taux pourraient être motivés par la crainte d’une perte de crédibilité.

La hausse des taux d’intérêt met fin à la reprise économique

L’incertitude nuit à la performance des investissements. C’est avec un décalage long et variable que la politique monétaire produit son effet sur l’économie réelle, et nous ne savons pas encore quel sera l'impact des hausses de taux d'intérêt passées - un constat qui vaut non seulement pour les États-Unis, mais aussi pour le Royaume-Uni, la zone euro et toutes les économies qui ont augmenté leurs taux cette année. Les conditions monétaires mondiales se sont durcies et les revenus réels ont été mis sous pression dans le monde entier. Une récession globale semble donc de plus en plus probable.

Le retour des obligations?

Manifestement, le modèle d'investissement 60/40 ne fonctionne pas en ce moment, car au cours du premier semestre, les obligations et les actions ont conjointement connu une baisse. Attardons-nous quelques instants sur les obligations. Nous avons des taux de rendement plus élevés. C’est la raison pour laquelle le profil du retour hypothétique sur investissement s’est modifié. Il est évident qu'avec des rendements plus élevés - comme ceux d’aujourd'hui, par rapport à n'importe quelle période des dix dernières années sur le marché du Trésor américain - le profil risque/rendement est meilleur. Cela a été rendu possible par un resserrement de la politique monétaire. A mon avis, c’est un argument en faveur des placements à actifs multiples. Détenir à la fois des obligations et des actions assure une meilleure diversification qu’il y a encore deux ou trois ans. En admettant que les taux d'intérêt se rapprochent d'un niveau où l'on pense qu'ils pourraient être abaissés en cas de ralentissement économique, l'allocation obligataire pourrait, dans un tel cas, rattraper une grande partie des pertes subies par les actions.

Les courbes de rendement au centre de l’attention

Si les banques centrales continuent à augmenter leurs taux d'intérêt, la probabilité d'une récession s’amenuise. Cela signifie que les courbes de rendement s'aplatiront ou s'inverseront davantage, à moins que les attentes inflationnistes à moyen terme ne perdent leur ancrage. Des courbes plus plates ou inversées signifieraient que les rendements obligataires augmentent moins que les taux d'intérêt au jour le jour. La Fed pourrait donc relever son taux directeur à cinq ou six pour cent, mais les rendements des obligations d'Etat augmenteraient-ils alors de 300 points de base (pb) supplémentaires? J’en doute. Si tel était le cas, les perspectives seraient encore plus sombres pour les actions. Et si tel était le message de la Fed, la seule stratégie valable à adopter serait une exposition aux titres à revenu fixe à court terme pour profiter de l'augmentation du portage jusqu'à ce que les taux d'intérêt atteignent leur point culminant. En revanche, si le marché a raison et que le pic ne dépassera pas les 4,5%, les placements à revenu fixe à plus long terme gagneront en attractivité dans un portefeuille d'investissement diversifié.

Portage attrayant

Les obligations d'entreprises présentent un profil risque/rendement similaire, avec le risque supplémentaire que les rendements pourraient être affectés par la corrélation positive entre les spreads et les actions. Je pense cependant que davantage que les actions, le crédit a pressenti un environnement difficile, notamment aux Etats-Unis où les spreads des obligations de qualité ‘investment grade’ se situent dans la partie supérieure de la marge bénéficiaire de ces dix dernières années. Certes, on pourrait faire valoir que les spreads de crédit ne sont compatibles qu'avec un atterrissage en douceur et non avec une récession marquée, mais les actions américaines ne tiennent guère compte d'une possible interruption de la croissance ou d’une diminution des bénéfices. Le portage des obligations d'entreprises est également attrayant, avec des rendements supérieurs à 5% pour l'investment grade et d'environ 8,5% pour les titres à haut rendement.

Dans l’attente des signaux envoyés par la Fed

Les rendements obligataires peuvent encore nettement s’accroître et le prochain événement attendu est la réunion de la Fed, le 21 septembre. L'ampleur de l'ajustement des taux d'intérêt et les commentaires du président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, influenceront le climat commercial. Si les taux d'intérêt étaient relevés de 75 pb, cela représenterait alors 300 pb d'augmentations cumulées. Par rapport aux cycles précédents, ce serait très agressif pour une période relativement courte. Depuis le milieu des années 1980, il n'y a eu que deux cycles ayant connu une augmentation plus importante des taux après une hausse de 75 pb: durant les périodes 88/89 et 04/07. Dans les deux cas, cela a débouché sur une récession. Au cours des dernières années de ces cycles, les rendements des obligations d'Etat se situaient à 14% pour le premier et à 9% pour le second.

Une aubaine britannique?

Pour terminer, revenons au Royaume-Uni et permettons-nous une remarque sur les actions britanniques. Il règne incontestablement de l’incertitude sur le plan politique, car un nouveau gouvernement va arriver au pouvoir et l'économie est actuellement affaiblie. Mais on peut s’attendre à ce que la politique menée soutienne la croissance, et nous aurons bientôt des détails sur l'ampleur du paquet fiscal prévu. Les actions intéressantes ne se trouvent toutefois pas dans le top 100, mais dans les secteurs des petites et moyennes capitalisations, un domaine où l’activité de fusions et d’acquisitions se poursuit sans faiblir. Si les incitations fiscales du gouvernement permettent de stimuler la croissance, il est possible que se présenteront à nous bien d'autres occasions de faire une bonne affaire.

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