Le dollar se dépréciera-t-il en 2023?

Jan Viebig, ODDO BHF

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En 2022, le dollar et le franc ont bénéficié de la fuite vers des monnaies supposées stables à la suite du choc d'offre. Ce dernier devrait prendre fin dans le courant de l’an prochain.

Avec un volume d'échanges quotidien de 6,6 trillions de dollars, le marché des changes est la plus grande place financière au monde. Partout et à toute heure, une devise est échangée contre une autre. Les motifs qui sous-tendent ces échanges sont aussi divers que les acteurs du marché eux-mêmes, rendant les variations de devises difficiles à prévoir. Toutefois, il existe des indicateurs permettant d'identifier la direction à long terme de l'évolution d'une paire de devises.

Parité de pouvoir d'achat

L'un de ces indicateurs est la parité de pouvoir d'achat, selon laquelle les biens et services devraient s'échanger au même prix après ajustement des effets du taux de change. Prenons l’exemple d’un Big Mac de chez McDonald’s coûtant 4,65 euros dans la zone euro et 5,15 dollars aux Etats-Unis en juillet 2022. Selon la parité de pouvoir d'achat, le taux de change «équitable» EUR/USD serait de 5,15 USD/4,65 EUR = 1,11. Si l'on compare ce taux avec le taux de change réel, l'euro aurait dû s'apprécier d'environ 7,5% par rapport au dollar en juillet 2022. Pour des paniers de biens plus larges qu’un simple Big Mac, l'euro devrait actuellement s'apprécier d'environ 34% par rapport au dollar, et le dollar se déprécier d'environ 29% par rapport au yen, préservant ainsi le principe de prix uniforme (parité de pouvoir d'achat).

La hausse des rendements aux Etats-Unis a été la principale raison de la dépréciation de l'euro par rapport au dollar cette année.

La parité de pouvoir d'achat ne tient pas suffisamment compte des coûts de transport, des influences politiques et spéculatives sur le marché des changes. Le dollar devrait donc se déprécier, du moins à long terme.

Écart de rendement

Un deuxième indicateur important est le différentiel de taux d'intérêt ou de rendement entre deux zones monétaires. En principe, la règle suivante s'applique au marché des changes: si, par exemple, la Réserve fédérale américaine augmente son taux d'intérêt directeur, le rendement des obligations libellées en dollars augmente et donc aussi, l'écart de rendement entre les obligations en dollars et en euros. Par conséquent, les placements en dollar deviennent plus attrayants pour les investisseurs, les capitaux affluent dans la zone dollar, la demande de dollars augmente et la monnaie s'apprécie. La hausse des rendements aux Etats-Unis a été la principale raison de la dépréciation de l'euro par rapport au dollar cette année. Il en va de même pour le couple dollar/yen: si l'écart de rendement USD/JPY augmente, le yen a tendance à se déprécier. Les taux d'intérêt directeurs devraient atteindre un pic en juin 2023 aux Etats-Unis et devraient augmenter sur une durée plus longue en Europe. Les écarts de rendement vont donc diminuer. Tout ceci plaide en faveur des investissements dans la zone euro.

Endettement et politique

A regarder la forte augmentation de la dette publique, il y a de quoi s'inquiéter pour les trois monnaies. L'augmentation astronomique de la dette publique japonaise, passée de 63% du PIB en 1990 à 264% en 2022, est particulièrement frappante. Elle trouve son origine dans la bulle immobilière qui a éclaté en 1990, conduisant les entreprises et les ménages japonais à épargner et à réduire leur endettement. Les liquidités ont été thésaurisées en grande quantité au lieu d'être dépensées. La consommation est restée faible et l'économie a connu des années de stagnation et de déflation. Pour sortir de cette situation difficile, le gouvernement japonais a lancé d'innombrables plans de relance, suite auxquels la dette publique japonaise a augmenté. Les risques pour la monnaie japonaise pourraient se manifester du fait de nouvelles augmentations des déficits budgétaires, de la baisse du niveau élevé de l'épargne privée et de la diminution des excédents de la balance courante.

Compte tenu des «orgies de crédit» du passé, dollar, euro et yen ne jouissent pas d’une confiance excessive. Il faudra choisir entre la peste et le choléra.

Aux Etats-Unis, le ratio dette/PIB a doublé depuis 1990 pour atteindre aujourd'hui 122%. Avec des déficits courants chroniquement élevés, une baisse de la demande étrangère pour les obligations d’Etat américaines et une banque centrale qui réduit ses avoirs obligataires, les risques aux États-Unis n'ont pas diminué. Dans la zone euro, la dette publique atteint désormais 93%. La menace d'une deuxième crise de l'euro plane si l'Italie ne parvient pas à maîtriser sa dette extrêmement élevée. D’éventuelles erreurs de politique monétaire exposent les trois monnaies à une forte volatilité. Compte tenu des «orgies de crédit» du passé, ces trois monnaies ne jouissent pas d’une confiance excessive. Il faudra choisir entre la peste et le choléra.

Diversifier entre les principales zones monétaires peut contribuer à amortir les fluctuations à court terme. A long terme, il est préférable de détenir des capitaux dans des actifs tangibles, comme des actions, et de répartir ses actifs entre différentes zones monétaires. La bonne nouvelle pour les investisseurs en euros: en 2022, le dollar et le franc ont bénéficié de la fuite vers des monnaies supposées stables à la suite du choc d'offre. Ce dernier devrait prendre fin courant 2023. Si cette hypothèse se vérifie, les monnaies refuge de 2022 - dollar et franc - devraient corriger à nouveau et l'euro, s'apprécier. L'espoir a la vie dure en zone euro.

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