Don’t Fight the Fed!

Arthur Jurus, ODDO BHF

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Avec les scénario de nouvelles hausses des taux directeurs par les banques centrales, notre politique d'investissement reste claire: nous continuons à maintenir une duration courte.

L'explosion des taux d'inflation a contraint les banques centrales des grands pays industrialisés à changer radicalement de cap cette année. Sur l'année, les hausses de taux d'intérêt s'additionnent jusqu'à présent à 375 points de base aux Etats-Unis et à 200 points de base dans la zone euro. Cette semaine, la Fed et la BCE augmenteront de 50 points de base leur taux directeur à respectivement 4,25-4,50% et 2% (taux de dépôt).

Des hausses de taux plus lentes ne signifient toutefois pas que le cycle d'augmentation des taux se termine. Le durcissement monétaire se poursuivra. Les deux banques centrales ont précisé que l'évolution actuelle de l'inflation nécessite de nouveaux durcissements monétaires. Aux Etats-Unis, le taux d'inflation a dépassé son point culminant cet été. Le déflateur des dépenses des consommation personnelles hors énergie et alimentation évolue depuis la fin de l'année dernière autour de 5% et ne faiblit pas. L'évolution des salaires poursuit sa progression haussière en 2022. En outre, les dépenses de consommation corrigées des prix ont évolué de manière assez robuste aux États-Unis. L'indice ISM indique une expansion pour le secteur non manufacturier. Enfin, Powell constate dans son discours de fin novembre que «Malgré certains développements prometteurs, nous avons encore un long chemin à parcourir avant de rétablir la stabilité des prix.»

Les marchés s'attendent actuellement à ce que le taux directeur américain atteigne son pic cyclique à un peu moins de 5% au cours du deuxième trimestre 2023. Cela pourrait signifier, par exemple, que deux hausses de 25bp seront annoncées en février et mars 2023. Toutefois, compte tenu de l'inflation élevée, nous restons sceptiques quant à la possibilité d'en rester là. Dans notre scénario de base, le taux d'intérêt de la banque centrale américaine devrait être relevé au-delà de la barre des 5% et se maintenir à ce niveau en 2023.

Si la récession aux Etats-Unis était rapide et que le scénario de stagflation prédominait, alors les taux directeurs resteraient élevés plus longtemps que ne le prévoient les marchés.

En zone euro, le taux d'inflation pour la zone euro était également en baisse en novembre pour la première fois depuis la mi-2021. L'inflation est fortement influencée par l'évolution des prix de l'énergie. Si l'on observe les prix actuels et les marchés à terme, tout porte à croire que l'évolution des prix de l'énergie en 2023 sera moins source de hausse des prix qu'en 2022. Néanmoins, les taux d'inflation l’an prochain resteront largement supérieurs aux objectifs des banques centrales. Les investisseurs anticipent ainsi le pic des taux d'intérêt légèrement en dessous de 3%. La baisse du taux d'inflation total devrait toutefois être nettement plus lente en Europe qu'aux Etats-Unis. Contrairement aux Etats-Unis, les prix à la production ont récemment augmenté de plus de 40% en Europe. Les prix élevés à la production se répercutent généralement sur les prix à la consommation avec un certain retard. Nous pensons actuellement que le taux de dépôt sera relevé à plus de 3% au cours de l'année prochaine.

Par ailleurs, la BCE discutera de la réduction de ses stocks d’actifs. Celle-ci reste vague quant à la réduction de ses stocks d'obligations. Les réflexions débutent seulement concernant un éventuel «Quantitative Tightening» (QT). Selon l'économiste en chef de la BCE, Philip Lane, la BCE n'a pas l'intention de procéder à des ventes, mais de faire fondre les stocks en fonction des échéances. Nous espérons une communication plus claire de la BCE sur ce sujet ce jeudi. La raison évidente de la réticence de la BCE à réduire son portefeuille d'obligations est qu'une vente rapide d'obligations pourrait entraîner une hausse des rendements des obligations italiennes, et constituer une charge pour les nombres Etats membres de la zone euro déjà fortement endettés.

La hausse des taux d'intérêt et la réduction des portefeuilles d'investissement par les banques centrales sont des risques majeurs pour les détenteurs d'emprunts d'Etat à long terme. La courbe des taux est déjà à nouveau inversée. Aux Etats-Unis, les taux d'intérêt à 2 ans (environ 4,3%) sont déjà nettement plus élevés que les taux d'intérêt à 10 ans, qui s'élèvent à environ 3,5%. L'écart entre les taux à 2 ans et à 10 ans aux Etats-Unis est actuellement le plus élevé depuis 40 ans. Au cours des 50 dernières années, une courbe des taux inversée a été un indicateur fiable d'une récession. Les marchés parient sur le fait que la Fed baissera à nouveau les taux dès 2023 en raison de la récession attendue. Néanmoins, si la récession aux Etats-Unis était rapide et que le scénario de stagflation prédominait, alors les taux directeurs resteraient élevés plus longtemps que ne le prévoient les marchés.

Notre politique d'investissement reste claire: nous continuons à maintenir une duration courte. Nous-nous attendons à de nouvelles hausses des taux directeurs par les banques centrales: «Don't fight the Fed». En outre, nous investissons davantage dans les obligations d'entreprises à court terme, car celles-ci proposent des rendements intéressants. Les obligations d'entreprise sont souvent intéressantes lorsqu'une récession a commencé, que les écarts de rendement ont déjà fortement augmenté et que les éventuelles défaillances de crédit sont déjà prises en compte. L'année 2023 pourrait être intéressante pour les détenteurs d'obligations d'entreprise, compte tenu de la forte hausse des écarts de rendement ces dernières semaines. Là où il y a des risques, il y a toujours des opportunités.

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