Le décalogue de Syz pour 2022

Anne Barrat

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Sauf panique des banques centrales, l'année prochaine devrait voir un cercle économique vertueux favorable aux actifs risqués s’installer. Boucles d’Or est de retour.

De gauche à droite: Adrien Pichoud, Valérie Noël et Antoine Denis.

Réunis pour évoquer les perspectives pour l’année 2022, les experts de Syz ont à tour de rôle exprimé leurs vues sur les grandes tendances qui devraient présider à son bon déroulement. C’est en effet un scénario d’environnement macro-économique tempéré qu’ont décrit Valérie Noël, Head of Trading, Antoine Denis, Head of Advisory, et Adrien Pichoud, Chief Economist, avec la complicité de Charles-Henri Monchau, CIO de la banque Syz. Ni surchauffe, ni stagflation, ni récession ne sont à craindre par les investisseurs, invités à méditer les dix points qui suivent.

  1. La croissance des pays développés tu apprécieras
    La dynamique positive instaurée par la reprise tout au long de 2021 va perdurer en 2022 selon Adrien Pichoud qui explique: «La stabilisation du rythme de croissance à un niveau élevé et la normalisation de l’inflation, qui ralentira de manière technique et se rapprochera des attentes des banques centrales, se combineront pour produire un scénario «Boucles d’Or», c’est-à-dire ni trop chaud ni trop froid comme dans le conte signé Robert Southey». Et de rejeter le spectre des risques de stagflation et de récession qui «ne se matérialiseront pas». Son de cloche différent du côté des marchés émergents, dont la croissance s’inscrira dans la mouvance de 2021, moins dynamique que dans les pays développés. La dichotomie de croissance entre pays développés et émergents devrait donc perdurer en 2022 sur fond de politiques fiscales moins accommodantes chez les seconds.
  2. De la poursuite du cycle haussier des actions tu profiteras
    L’année 2021 a été marquée par la surperformance des matières premières sur fond de pénurie, organisée ou non. Le tiercé gagnant de 2021 – matières premières n°1, actions n°2, Fixed Income n°3 (bon dernier) – se reproduira-t-il en 2022? Question au cœur de l’allocation d’actifs à laquelle Antoine Denis apporte une réponse toute en nuance, tout en favorisant un changement de leadership au profit des actions: «La croissance des prix des matières premières n’est pas soutenable. Elle correspond à une situation extra-ordinaire au sens littéral, celle de la crise de COVID et de ses conséquences.» Un ralentissement est donc inévitable, à court terme parce que l’Opep envisage d’augmenter l’offre, à moyen terme parce que les énergies fossiles sont en sursis. Cela dit, les matières premières ne sont pas un bloc unique. L’Uranium, par exemple, revient au centre du débat avec le nucléaire, promettant des opportunités dans cette classe d’actifs pour 2022. Ce sont néanmoins les actions qui devraient tirer leur épingle du jeu, avec les solutions d’innovation de la transition énergétique notamment. Le dernier de la classe restera le Fixed Income, tout simplement parce que «there is no alternative» (TINA): les taux d’intérêt resteront bas dans les pays développés. 
  3. La confirmation du grand retour des petits porteurs tu observeras
    Pleine de surprise, l’année 2021 a vu se confirmer le retour des petits porteurs sur les marchés, amorcé dès les premières mesures de restriction et autres confinements à l’aube du printemps 2020. Simple engouement lié à l’exubérance des marchés donc à des visées purement spéculatives ou tendance séculaire? «Changement de paradigme durable, répond Valérie Noël: les petits porteurs, agiles sur les applications de partage d’information et de trading se sont pris au jeu. Tout laisse à croire qu’ils seront présents en 2022. Démocratisation de la finance et agressivité des plateformes de trading online obligent, ces nouveaux acteurs sont la preuve que la finance n’est plus réservée à une élite.» Avis aux amateurs, acheter des actions de SPAC ou des fractions de Tesla est devenu un jeu d’enfants. Facile mais pas sans risque.
  4. A l’addiction des banques centrales aux taux bas tu ne seras pas indifférent
    Quand le bilan des banques va-t-il enfin cesser de prendre du poids? «Pas tout de suite répond Adrien Pichoud. Dans le meilleur des cas, il se stabilisera, mais rien ne donne à penser qu’il déclinera.» La peur du vide, le vertige? Difficile par essence d’envisager l’après d’une expérience sans précédent. Plus prosaïquement, le montant des dettes accumulées, que ce soit au niveau des administrations publiques, des ménages, et des entreprises, est tel que revenir en arrière semble impossible. Sinon, les taux réels redeviendraient positifs, le poids de la dette insupportable. Tant que les taux sont bas, financer la dette ne pose pas de problème, l’exemple du Japon le montre. Une remontée des taux pour s’éloigner symboliquement des taux COVID est une tentation à laquelle la Fed pourrait céder en 2022, Auquel cas on passerait d’une politique extrêmement accommodante à très accommodante. Ni plus, ni moins.
  5. De la revanche des GAFAs tu t’amuseras 
    Si les GAFAs ont pris du retard cette année en termes de valorisation, il ne faut pas les sous-estimer, d’abord parce que leurs dépenses en R&D cumulées représentent trois plus que les dépenses annuelles en R&D de la Suisse. Leur potentiel de croissance est illimité: sur cinq ans leur chiffre d’affaires a augmenté de plus de 23% fois contre 12% pour le S&P 500. Investir dans ces valeurs technologiques, dans les Metavers d’aujourd’hui et de demain, est un must. Pour les Chinoises d’entre elles, même si des réserves subsistent au regard de potentiels revirements réglementaires, avoir ou conserver un pied dedans a tout son sens.
  6. De la bonne santé du franc suisse tu te réjouiras
    Pour Valérie Noël, «la santé florissante du franc suisse sur le marché des changes reflète les fondamentaux de l’économie helvétique, qui affiche une des balances commerciales les plus élevées au monde.» Cette robustesse est particulièrement manifeste pour le couple franc euro, dans un corridor depuis cinq ans, ou le couple franc yen. Le dollar pourrait s’apprécier par rapport au franc en 2022 sous l’impulsion de la Fed; des arbitrages ponctuels et tactiques, rien qui ne remettrait en cause la valeur du franc.
  7. La crise énergétique tu relativiseras
    La crise énergétique actuelle est avant tout un problème d’offre: le niveau de la demande est toujours en-deçà de celle de l’avant COVID. Autrement dit, si l’offre revenait au niveau de l’avant COVID, les prix du pétrole s’effondreraient. Une hypothèse tout à fait envisageable, avant tout dépendante de jeux et enjeux géopolitiques difficilement prévisibles.
  8. Une allocation thématique et holistique tu choisiras
    En 2022 comme ces dernières années, une approche thématique s’imposera qui consacrera les tendances structurelles – e-commerce, santé 2.0, agritech, énergies (uranium et nucléaire notamment). Elle verra une accélération de la montée en puissance des actifs illiquides, private equity et dettes privées, qui auront toute leur place aux côtés des actifs liquides dans une perspective de croissance et de diversification. 
  9. Aux cryptos tu t’exposeras
    L’année 2021 aura été charnière pour les cryptos, en passe de gagner de devenir une classe à part entière. Le bitcoin a doublé sa capitalisation boursière pour passer à plus de 1’000 milliards de dollars. Résultat: ce qui était rare ne l’est plus, de plus en plus de banques, naguère frileuses, s’y mettent, rencontrant l’appétit grandissant des investisseurs – 80% des clients américains demandent à leur banque une exposition aux cryptos. Franchir le pas? La Suisse est pionnière en la matière, les exemples ne manquent pas: en septembre 2021, la Finma a autorisé la négociation des valeurs mobilières numérisées sous forme de jetons; le canton de Zug accepte le Bitcoin et l’Ethereum pour payer ses impôts. Et ce n’est que le début.
  10. Les libres conseils de Syz tu considéreras
    A la question «quel est votre champion pour 2022?», les experts répondent en ordre dispersé: les sociétés financières européennes; la volatilité; le private equity dans les sociétés technologiques.

Un cocktail à consommer avec (ou sans) modération 

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