Prêt à reprendre le flambeau

Nicolette de Joncaire

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«Les clients savent que ce qu’ils me disent ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd», explique Nicolas Syz.

A la tête du private banking de la Banque SYZ depuis un an et demi, Nicolas Syz est venu un peu tardivement à la finance. «Je n’ai pas démarré ma vie professionnelle dans l’optique de rejoindre le monde financier» nous explique-t-il. Souriant, détendu, il a pourtant l’air parfaitement à l’aise aujourd’hui dans son habit de banquier privé. Retour sur un commencement.

Aux dires de votre mère, vous êtes tombé amoureux des parfums quand vous avez commencé votre carrière chez Firmenich. Et pourtant, vous êtes maintenant banquier. Que s’est-il passé?

Chez Firmenich, j’ai passé beaucoup de temps à rendre visite aux consommateurs de nos produits pour comprendre comment ils les utilisaient, quel rôle jouait l’odeur et l’odorat dans leur environnement, ce qui déterminait leur choix.  Cela m’a ouvert les yeux sur le rapport aux clients et je me suis m’intéressé à leurs envies et à leurs besoins réels. Il n’y avait là qu’un pas à la banque privée qui se définit très largement en termes de relations interpersonnelles. Sans oublier que Firmenich, comme SYZ l’est maintenant devenue, est une affaire de famille. De là, j’ai ensuite fait mes «classes financières» chez UBS pour y apprendre les aspects plus techniques et être un jour capable de reprendre le flambeau.

Comme votre frère, vous habitez Zurich alors que le siège de la banque est à Genève. Pour quelles raisons?

C’est vrai mais Genève reste le siège et Marc et moi-même sommes ici plusieurs jours par semaine.  Nous habitons à Zurich pour plusieurs raisons: en premier lieu, parce qu’il est indispensable de développer le potentiel de la Suisse alémanique qui ne saurait être sous-estimé. Ensuite parce que croiser une vision zurichoise et une vision genevoise nous permet d’avoir une approche moins biaisée, d’autant plus que nous sommes l’une des seules banques privées à être vraiment biculturelle. Enfin, n’oubliez pas que notre famille est suisse-allemande, tant du côté de mon père que de ma mère.

Nous misons sur l’investissement
discrétionnaire et l’advisory.
La Banque SYZ a beaucoup changé depuis début 2019. Pouvez-vous y revenir?

Le Groupe SYZ a grandement évolué durant l’année écoulée. Nous avons opéré des changements stratégiques et fondamentaux de notre activité, et ce, afin de nous concentrer sur un modèle qui répondra à l’évolution des besoins de nos clients à l’avenir. Comme vous le savez déjà, Yvan Gaillard, précédemment Chief Operating Officer du Groupe, est maintenant CEO de la banque et mon père Eric est complètement sorti des aspects opérationnels. L’année 2019 a généré d’excellents résultats d’abord pour notre clientèle discrétionnaire pour les portefeuilles en USD, en CHF et en EUR où nous sommes dans les meilleurs parmi nos pairs et cette performance continue également en 2020, une année sans précédent pour nous tous. La banque a ainsi grandement contribué aux bénéfices du groupe l’an dernier. La Banque SYZ a également continué à centraliser les services de banque dépositaire assurés depuis la Suisse, et à se concentrer sur les principaux marchés afin de proposer aux clients le meilleur service possible. Dans le cadre de la mise en œuvre de cette stratégie, nous avons procédé à plusieurs recrutements à Genève, à Zurich et dans le Tessin. Notre attention est désormais entièrement tournée vers la valeur ajoutée provenant de stratégies et de régions qui sont notre cœur de cible. Sur le plan des stratégies, nous misons sur l’investissement discrétionnaire et l’advisory ainsi que sur le pôle d’excellence en matière d’alternatif que représente SYZ Capital sous la direction de mon frère Marc.

Parlant d’alternatif, SYZ a une tradition dans le domaine des hedge funds. Qu’en est-il aujourd’hui?

Le Groupe SYZ a été fondé sur un certain nombre de principes, notamment la conviction selon laquelle nos clients privés devraient avoir accès à des solutions alternatives pour que leurs portefeuilles génèrent des rendements non corrélés au marché. Dans cet esprit, nous avons ajouté en 2018 un troisième pilier à notre activité, lequel présente un intérêt direct pour nos clients privés et dont ils peuvent tirer parti. SYZ Capital, le centre d’excellence du Groupe en matière de placements alternatifs, permet aux investisseurs qualifiés d’investir aux côtés de la famille Syz dans des sources de rendement illiquide telles que les placements directs en private equity, les fonds thématiques, les fonds multi-gestionnaires et les hedge funds. Une classe d’actifs qui ne cessera de grandir dans le contexte des taux actuels et qui offre une diversification des risques intéressante.  

Vous avez donc conservé une partie de votre asset management lors de la cession à IM Global?

Effectivement, nous avons conservé plus de 80% ou environ 10 milliards de gestion d’actifs: les hedge funds d’une part ainsi que le fixed income en francs suisses. Notre volonté était de sortir de la distribution de fonds qui est un marché à grande échelle et de nous concentrer sur la Suisse qui est devenu notre unique booking center.

L’importance d’avoir des conversations honnêtes autour de la qualité de nos
services et la satisfaction de nos clients est clef pour assurer notre pérennité.
Votre clientèle se caractérise-t-elle par une typologie d’entrepreneurs?

Nous avons beaucoup de clients entrepreneurs, ainsi que des hommes et des femmes qui veulent investir sur le long terme. En tant que famille entrepreneuriale, nous sommes alignés avec les produits que nous proposons à nos clients ce qui, bien évidemment, modifie la perception du risque. Cela se retrouve même dans le cadre de la gestion discrétionnaire ou de la caisse de pension de nos employés que nous gérons nous-même.

En quoi le fait d’être le fils de l’un des co-fondateurs de la banque impacte-t-il votre relation avec vos clients?

Cela change beaucoup de choses et permet des conversations qu’un gérant ne pourrait pas forcément avoir. Les clients savent que ce qu’ils disent ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Les critiques n’en sont que plus positives ce qui permet de mieux dégager des tendances globales. L’importance d’avoir des conversations honnêtes autour de la qualité de nos services et la satisfaction de nos clients est clef pour assurer notre pérennité. Il apparait clairement dans ces discussions que les problématiques de nos clients sont très proches de celles que nous vivons. Celles de la transmission patrimoniale et du changement générationnel en particulier font écho aux nôtres.

Vous ouvriez récemment un bureau de représentation en Turquie. Pour quelle raison?

Ce bureau de représentation s'inscrit dans la stratégie de croissance de la banque, qui consiste à étendre sa présence sur les marchés mondiaux clés tout en assurant les services de la banque dépositaire depuis la Suisse. La Turquie est le point d’entrée sur l’Europe de l’Est et un passage presque obligatoire vers le Moyen-Orient. La banque peut ainsi non seulement se rapprocher de ses clients dans la région, mais aussi mieux cerner les conditions de marché et les opportunités d’investissement en Turquie.

Comment avez-vous navigué les marchés pendant la crise?

Depuis 2015, nous nous sommes appropriés les processus de gestion institutionnelle systématique, qui nous aide à rationnaliser la manière de gérer les fonds de nos clients privés.  Face à la crise actuelle, l’une de nos missions consiste à aider nos clients à atteindre leurs objectifs à long terme et à prendre de bonnes décisions afin de préserver et d’accroitre leur capital. C’est cette gestion rationnelle de l’investissement, sans émotions, qui nous a permis de réagir en amont afin de traverser la période de manière sereine. D’une allocation de 52% en actions en début d’année, nous étions passés à 27% le 13 mars avant de l’augmenter parfois agressivement à nouveau ces derniers mois. Et n’oubliez pas que, grâce aux investissements alternatifs, nos portefeuilles sont diversifiés vers des actifs décorrélés des marchés.

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