Le Bitcoin est-il une bonne protection contre l’inflation?

Stéphane Ifrah

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Chronique blockchain. Avec l’inflation, il faudrait se reporter sur des actifs réels: matières premières, œuvres d’art et, n’ayons pas peur de le dire, Bitcoin.

Les statistiques du coté de l’inflation sont inquiétantes et on se demande ce que les banquiers centraux vont bien pouvoir faire. Dans les années 1980-1990 lorsque ces derniers ont été confronté à ce phénomène, ils n’ont pas hésité à monter démesurément les taux d’intérêts afin de juguler l’inflation qui était galopante à l’époque. On était sur la fin des «30 glorieuses» et l’économie restait florissante. Surtout le niveau d’endettement était très limité comparé à aujourd’hui. Une hausse des taux violente n’a donc eu que très peu d’impact sur la solvabilité des ménages ou des entreprises et a juste permis de faire baisser les pressions à la hausse sur les prix. On a connu un crash immobilier dans le milieu des années 1990 suite à la forte tenson sur les taux d’intérêt. Une fois cet ajustement fait, le marché est reparti fortement.

Accepter un grand «reset» de l’économie suite à son endettement, qui était déjà important à l’époque, aurait permis d’assainir le marché. 

Aujourd’hui la situation n’est pas du tout identique. En effet, on a accumulé une dette colossale suite à la crise des «subprimes» et suite au COVID, non seulement au niveau des Etats qui ont joué leur rôle d’amortisseur mais aussi au niveau des banques centrales qui sont complètement sorties de leur mandat en s’adjugeant des prérogatives qui auraient certainement fait retourner leurs créateurs dans leurs tombes. Tous les codes de prudences et de bonne gestion ont volé en éclat à la vue du précipices face auquel l’économie se trouvait. Elles ont suivi le chemin de moindre résistance pour justifier leurs actions. L’autre chemin aurait été d’accepter un grand «reset» de l’économie suite à son endettement qui était déjà important à l’époque, une destruction créatrice à la Schumpeter. Sur le moment ça aurait été certainement douloureux pour de nombreux acteurs et en particulier les banques, mais cela aurait permis d’assainir le marché. 

On ne peut pas réécrire l’histoire et ce qui est passé est passé. Du coup, on se retrouve dans une situation où les Etats comme les banques centrales ont accumulé des trilliards de dette supplémentaire en à peine une décennie et on a du mal à voir la porte de sortie pour revenir à une certaine orthodoxie nécessaire. Après tout, imaginerait-on des ménages pouvoir s’endetter de la sorte en toute impunité? Et un Etat, ça n’est qu’un regroupement de ménages d’une certaine manière. Cette situation a été permise pour une raison principale: le droit divin des banquiers centraux. En effet, ils ont pu financer ces déficits du fait de leur capacité à imprimer à volonté sans contrepartie et de leur capacité à maintenir les taux bas. Ils ont ainsi permis aux gouvernements de s’endetter sans contrainte ce que ces derniers n’ont pu refuser. Ils ont également volé au secours du secteur privé en cautionnant à posteriori leurs égarements passés.

Ce qui est certain c’est qu’il faut faire défaut de manière directe ou indirecte sur cette dette non soutenable.

Aujourd’hui, pour de nombreuses raisons l’inflation a fait son retour après de nombreuses années. Le problème de l’inflation est qu’il pénalise fortement la population en l’appauvrissant car les salaires ne suivent pas cette hausse des prix. Cela risque donc à plus ou moins long terme de provoquer un fort mécontentement dans la population. Le discours des banquiers centraux pendant cette dernière décennie a été de dire qu’ils pourraient remonter les taux en cas d’inflation pour rassurer les marchés sur leur politique peu orthodoxe. Le sujet maintenant que le risque inflationniste n'est plus un risque mais une réalité, c’est que l’endettement ne permet plus une hausse des taux sous peine de précipiter le système financier dans une faillite certaine.

Les banquiers centraux sont donc à présent dans une impasse. Ce qui est certain c’est qu’il faut faire défaut de manière directe ou indirecte sur cette dette non soutenable et seulement permise par des taux d’intérêt arbitrairement bas. Ils ont prouvé qu’ils ne souhaitaient pas un défaut direct sur les dettes et cela d’autant plus qu’ils en ont accumulé des trilliards donc qu’ils en subiraient également les conséquences. Le seul «défaut» (au niveau de la société) acceptable devient celui de l’inflation. En effet rembourser les dettes avec de l’argent dévalué permet de nominalement rembourser sans perte les épargnants. C’est pour cela que le discours officiel est que l’inflation n’est que transitoire et qu’en conséquence il n’y a pas besoin de contrer celle-ci avec une hausse des taux vigoureuse. Echec et mat. En conséquence, le vieil adage «don’t fight the Fed» voudrait qu’il faille se reporter sur des actifs réels: matières premières, œuvre d’art et n’ayons pas peur de le dire, Bitcoin. Pour les actions et l’immobilier, c’est moins évident car ils sont beaucoup plus dépendants des marchés de la dette qui pourraient être agités dans les mois à venir.

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