La ville à la campagne

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Pandémie, confinement… La grande ville n’a plus la cote, et la technologie pourrait fournir à certains le moyen d’y échapper.

«Il faudrait mettre les villes à la campagne, l’air y est plus sain», disait déjà un humoriste au milieu du XIXe siècle1. Au sortir du confinement, l’aspiration vient de trouver un nouvel élan. Finis les appartements exigus, les métros bondés, les bureaux en open space, les grandes tours et les quartiers d’affaires! Vive le travail à distance, l’équilibre de vie, le grand air et les routes ouvertes. Les sondages montrent que le risque de pandémie s’est ajouté à la liste déjà longue des désagréments de la ville et concourt avec la pollution, le prix des logements et le coût de la vie, à pousser les citadins hors des grandes agglomérations, à la recherche d’une maison avec son coin de verdure.

Cela sonne-t-il le glas des grandes métropoles? Certains craignent déjà le début d’une nouvelle décadence, marquée par la fuite des activités économiques, des classes moyennes et une fragmentation sociale encore plus marquée entre des zones délaissées et les «beaux quartiers». En attendant, le risque est de voir les sièges des grands groupes quitter les villes ou du moins y réduire leurs surfaces d’activité ; une menace directe sur les finances locales. On pense ainsi au New York des années 1970, avant sa renaissance 20 ans plus tard.

Si l’on est prêt à déménager,
ce n’est pas tout à fait n’importe où.

Le sort n’en est pas tout à fait jeté pour autant. L’expérience du confinement a également servi de révélateur: l’hyper centre reste un point d’attraction et de ralliement essentiel. La jeune génération ultra-connectée apprécie de s’y retrouver tant pour le travail que pour ses loisirs. Il est possible que le monde de la finance, qui occupait jusqu’ici le haut du pavé mais qui a appris à s’organiser à distance, se délocalise et soit remplacé par la nouvelle économie. Ainsi une industrie chasserait l’autre, comme ce fut le cas auparavant avec le monde des usines et les ateliers. Pour la ville, l’enjeu est de taille car il s’agit de réinventer les mobilités. Aux transports publics surchargés, les voyageurs préfèreront espacer leurs déplacements, ou choisir d’autres moyens de locomotion… La tendance était déjà bien avancée en Europe, les centres historiques se ferment aux automobiles, au profit de l’aménagement de pistes cyclables. Les une ou deux roues – de préférence électriques – sont en train de prendre l’ascendant. De ce point de vue, les villes doivent relever le défi d’une nouvelle attractivité, et un programme d’investissement en équipements et infrastructures de communication.

L’enjeu n’est pas moindre pour la «province». Car si l’on est prêt à déménager, ce n’est pas tout à fait n’importe où. Prenons l’exemple de la France. Hormis peut-être les collapsologues, les candidats au «retour à la terre», ne sont pas pour autant prêts à abandonner leur mode de vie. Les destinations en vue cette fois-ci seraient plutôt des agglomérations petites ou moyennes, loin des côtes déjà surpeuplées, dans la périphérie de certaines métropoles régionales ou encore très bien reliées à Paris par la route ou le TGV. A côté des déjà populaires Orléans et Tours, on trouve ainsi Montauban, Limoges, Le Mans, Arras, Quimper ou encore Poitiers et Angoulême. Bref, des villes suffisamment grandes pour disposer des équipements et services publics nécessaires (écoles, hôpitaux) et j’oserais dire plus encore d’internet haut débit! Ces cités, dont la population stagnait ou presque depuis de nombreuses années, pourraient donc connaitre un nouvel essor, leur défi restant celui de l’aménagement de leur territoire et des investissements en équipements adéquats. La France vient d’annoncer le lancement en septembre d’une nouvelle tranche d’enchères pour l’attribution des blocs de fréquence de la 5G, avec engagements de couverture du territoire.

Si la ville se met à la campagne,
la campagne viendra-t-elle en ville?

La campagne elle, accueillera-t-elle ces nouveaux venus à bras ouverts? Ce n’est pas si sûr. Les exemples de cohabitations difficiles se multiplient, des procès contre des coqs ou des clochers aux exigences de mise en retrait des épandages pour cause de proximité avec de nouveaux lotissements, les griefs ne manquent pas du côté de la campagne, qui a vu son territoire rogné par l’expansion des grandes métropoles.

De leur côté, les grandes villes se réinventent: des ruches sur les toits et le miel de l’Opéra de Paris vous attendent, des champignonnières retrouvent les sous-sols et des jardins collectifs poussent sur les terrassent, tandis que les murs se végétalisent. Si la ville se met à la campagne, la campagne viendra-t-elle en ville? Les images de nos centres urbains désertés, rendus involontairement aux animaux parfois les plus inattendus, pourrait nous le ferait croire.

Ces exemples éminemment français trouveront leur sens aussi ailleurs en Europe. Mons «centralisés», les pays comme l’Allemagne, la Suisse ou l’Italie risquent fort de suivre des tendances similaires. Il est moins facile de se prononcer pour les Etats-Unis ou l’Asie où d’autres paramètres sont à prendre en considération.

La pandémie et le «grand enfermement» devraient en tout cas rebattre les cartes d’un marché immobilier dont les envolées spéculatives ont peut-être été brisées.

 

1 Attribuée à Alphonse Allais, l’expression est de Jean Louis Auguste Commerson, dans son encyclopédie bouffonne parue en 1860.

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