Banques, le retour en grâce

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Les banques, vecteurs de la création monétaire, sont en première ligne dans la crise du COVID-19. L’occasion de solder les comptes de 2008.

Avec des taux au-dessous de zéro, la Banque Centrale Européenne a trouvé le moyen d’intensifier son soutien aux banques de la zone en leur offrant des facilités de crédit allant jusqu’à -1% pour des prêts à 3 ans1. Ces nouvelles largesses viennent renforcer un dispositif mis en œuvre depuis 2014 et visant à accroître les capacités de prêt du système bancaire en direction notamment des entreprises de la zone. Et de fait, les prêts aux entreprises non financières se sont constamment accrus depuis cette date, accompagnant la reprise de l’activité et de l’investissement de la région.

Avec la crise du COVID -19, le système bancaire européen retrouve ainsi sa place centrale dans les dispositifs de soutien aux économies en détresse. Le taux élevé de bancarisation, la remontée des coûts du crédit financier – quand il n’a pas disparu – ont renforcé ce rôle, mis à mal depuis la crise des subprimes. S’y sont ajoutés de larges programmes publics de garanties de prêts, tandis que la BCE, et à sa suite la Commission Européenne, assouplissaient un certain nombre de règles prudentielles qui tendaient à pousser les banques à rechercher et conserver toujours plus de cash.

Avec plus de 45% des encours distribués, le crédit bancaire reste en Europe le principal levier de financement des entreprises.  Ceci le différencie depuis longtemps du système bancaire américain, dont la part dans le financement des entreprises n’atteint pas 20% de l’ensemble des crédits. Les banques européennes se sont donc naturellement retrouvées au cœur du dispositif de soutien financier aux entreprises. Ce fut d’autant plus évident que l’important maillage bancaire a permis d’atteindre les entreprises petites et moyennes qui constituent plus de 90% du tissu entrepreneurial de nos régions.

La volatilité des marchés et leur accès réservé aux grands, voire très grands groupes,
laissent une place importante à la transformation bancaire.

Rappelons que les banques sont des établissements de crédit, que se sont-elles qui créent la monnaie – et non la Banque Centrale2 – suivant l’axiome bien connu mais trop souvent oublié, «les crédits font les dépôts». Cette formule retrouve toute son importance dans la «vascularisation» de l’économie. La volatilité des marchés et leur accès réservé aux grands, voire très grands groupes, laissent une place importante à la transformation bancaire. Contrastant avec cette mobilisation européenne, il semble que le système bancaire américain ait moins bien répondu aux attentes des plus menacés. La presse outre-Atlantique s’est largement faite l’écho de la captation – considérée comme indue – par les très grands groupes de la première campagne de prêts garantis par l’Etat, soulevant une vague générale de protestations.

Mais même dans ce contexte, les défis qui attendent les banques sont considérables. Tout d’abord à court terme, nombre d’entre elles vont devoir faire face à des pertes sur certaines de leurs activités et à une augmentation probable des non-remboursements de prêts, ce qui pèsera durement sur leurs bilans. De plus, le maintien de taux d’intérêt à des niveaux très bas et l’aplatissement des courbes de rendements, compromettront leur rentabilité. Certes, les néo-banques sont restées à l’écart de cette campagne de prêts, car la plupart d’entre elles ne sont pas des établissements de crédit. Elles n’en constituent pas moins de sérieux concurrents sur nombre de segments d’activité. Et le moins que l’on puisse dire est que la crise actuelle n’a fait que renforcer la demande de services à distance. Ainsi la question de la refondation du système bancaire se pose toujours avec autant d’acuité.

La crise actuelle – qui n’est pas une crise financière comme celle de 2008 – a certainement mis en lumière les failles des systèmes de contrôle et d’organisation qui ont émergé ces dix dernières années.  Cela ne veut pas dire pour autant qu’un simple retour en arrière s’amorce. Au contraire, stress test grandeur nature, la pandémie pourrait bien accélérer la refonte du secteur, tant au niveau européen que national. Dans cette perspective, il n’est pas certain que le modèle de banque-assurance, universelle soit le plus adapté aux contraintes prudentielles et concurrentielles actuelles. Certaines maisons s’engagent sur la voie des multi services non bancaires. D’autres semblent retrouver le chemin de la séparation stricte des activités pour ne se concentrer que sur un segment spécifique de marché. Le retour en grâce de la banque ne signe pas la fin de ses difficultés, ni ne lève toutes les méfiances. Le chantier de l’union bancaire européenne reste à parachever.

 

1 Dans le cadre des programmes dits TLTRO de -0,5% à -1% pour des facilités de crédit à 3 ans, ou dans le cadre PELTRO à -0,25% pour les prêts de 8 à 16 mois.
2 Voir notre précédent article «Inondées de cash» du 24 mars 2020.

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