La technologie à un prix raisonnable

Nicolas Mougeot, Indosuez Wealth Management Suisse

2 minutes de lecture

Si les bénéfices continuent de croître à un rythme satisfaisant, la sensibilité du secteur aux rendements obligataires constitue un challenge.

Après deux années de performances robustes, les entreprises technologiques américaines ont marqué le pas cette année, le Nasdaq 100 abandonnant plus de 20% depuis début janvier. Le ratio cours/ bénéfices (C/B) à 12 mois de l’indice a fortement reculé, passant de 30x en 2021 à environ 21x actuellement. Ce niveau est-il attrayant, ou une nouvele baisse est-elle envisageable? D'un point de vue historique, le Nasdaq 100 se négocie encore avec une légère prime par rapport au ratio C/B précédant la pandémie (19,2x en moyenne entre 2016 et 2019). Comme les conditions de marché étaient légèrement différentes à l'époque, un modèle d'actualisation des dividendes peut contribuer à déterminer si le Nasdaq 100 est à sa juste valeur. La valeur d'un indice boursier dépend principalement de trois facteurs:

  • Les bénéfices attendus, car les actions sont achetées pour leurs flux de trésorerie futurs;
  • Le rendement des obligations, par le biais du facteur d'actualisation des bénéfices futurs;
  • La volatilité, par le biais de la prime de risque des actions.

Un modèle d'actualisation des dividendes appliqué au Nasdaq 100 indique que le marché intègre actuellement:  

  • Une croissance des bénéfices de 5,5% par an
  • Des rendements obligataires égaux à 3%, ce qui correspond au rendement des bons du Trésor américain à long terme.
  • Une volatilité proche de 30% cette année, avant un retour vers 15%. Ces paramètres se traduisent par une juste valeur d'environ 12 500 points et un ratio cours/bénéfices à 12 mois de 21x.
À QUOI FAUT-IL S'ATTENDRE?

La saison des résultats du premier trimestre a été globalement positive, y compris pour les valeurs technologiques américaines. Même si les marges bénéficiaires risquent d’être comprimées à l'avenir, l'inflation devrait favoriser la croissance des bénéfices en termes nominaux. Mais dans l’environnement actuel, les perspectives à court terme des entreprises technologiques comptent moins que les rendements obligataires. Ces derniers sont depuis un certain temps les principaux moteurs des multiples boursiers des valeurs de croissance, une situation qui pourrait se prolonger. La chute de plus de 20% du Nasdaq 100 est principalement due au fait que les rendements obligataires américains ont doublé depuis début janvier – ils avoisinent désormais 3%, contre 1,5% en début d'année. Plusieurs scénarios sont envisageables:

LE SCÉNARIO DÉFAVORABLE: UNE INFLATION PLUS ÉLEVÉE

Si l'inflation reste élevée, la Fed pourrait être contrainte de relever les taux au-delà des anticipations du marché, ce qui risquerait de propulser le rendement des obligations américaines à 10 ans vers 3,5%. Dans un tel scénario, la valeur théorique du Nasdaq 100 est susceptible de chuter jusqu’à 10'000 points, ce qui correspond à un multiple de 17x (17 fois les bénéfices à terme).

LE SCÉNARIO FAVORABLE: UNE INFLATION CONTRÔLÉE

À ce stade, le scénario central de la Fed est un ralentissement de l'inflation sous 3% en 2023. Si la croissance économique se maintient et que la volatilité des marchés actions se stabilise autour de 20%, la juste valeur du Nasdaq 100 devrait se situer dans la fourchette 13'500-14'000.

De nombreux autres scénarios sont cependant possibles, y compris celui d'une récession, mais cela ne correspond pas à notre hypothèse de base à l’heure actuelle. Une analyse de sensibilité de la valeur théorique du Nasdaq 100 au rendement obligataire et à la volatilité démontre que les rendements obligataires jouent un rôle essentiel dans la valorisation des titres technologiques – une augmentation de 50 pb des rendements obligataires ne serait même pas compensée par un recul de 10% de la volatilité (10 points de volatilité). Tout changement dans les prévisions de bénéfices pour les 12 prochains mois affecterait également le Nasdaq, mais de manière plus linéaire (une augmentation/diminution de 1% de la croissance des bénéfices sur 12 mois entraînant une augmentation/diminution de 1% de l'indice).

Le secteur de la technologie est donc confronté à des vents contraires: si les bénéfices continuent de croître à un rythme satisfaisant, la sensibilité du secteur aux rendements obligataires constitue un challenge. Malgré le récent repli du marché qui offre un meilleur point d'entrée en termes de valorisation, nous recommandons la prudence sur les valeurs technologiques, susceptibles d’être pénalisées par une nouvelle hausse des rendements obligataires. Les investisseurs devraient rester à l’écart des entreprises technologiques chères et cibler «la technologie à un prix raisonnable» – les acteurs affichant des valorisations plus raisonnables, c’est-à-dire des sociétés dont le prix a chuté d’au moins 20%, dont le ratio C/B à terme est inférieur à 25 et dont la croissance des bénéfices reste bien orientée.

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