La surperformance des actions européennes peut-elle durer?

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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Après une décennie de sous-performance notoire vis-à-vis du marché américain, les actions européennes ont repris le dessus depuis plusieurs trimestres. Quelles en sont les raisons?

Après une décennie de sous performance notoire vis-à-vis du marché américain, les actions européennes ont repris le dessus depuis plusieurs trimestres. Dès l’été 2022, nous mettions en avant dans cette même tribune les raisons pour lesquelles nous étions positifs sur le marché européen (Contre toute attente, l’Europe résiste). Ce mois-ci, nous détaillons les facteurs qui expliquent ce rebond largement inattendu, et les raisons pour lesquelles cette surperformance peut durer.

D’un point de vue général, le sentiment des investisseurs internationaux vis-à-vis des actions européennes reste largement défensif. Pourquoi, après une décennie de déceptions, ce marché pourrait-il soudainement connaître un sursaut pérenne? Telles étaient les questions des investisseurs (hors zone euro), incrédules, lorsque nous défendions le cas d’investissement. La guerre, la crise énergétique, la BCE, la récession, étaient autant de facteurs suffisants pour décourager la prise de risque. Pour autant, c’est souvent lorsque le pessimisme est largement répandu qu’une amélioration marginale des circonstances provoque un rebond de marché. Les britanniques ont une expression pour illustrer ce concept: «climbing a wall of worries makes a bull market».

En cette fin avril 2023, le CAC 40 a battu des records alors que le DAX et le FTSE 100 sont proches des plus hauts. Certes, le SMI est toujours 12% en deçà du point haut. Mais dans l’ensemble, le STOXX Europe 600 se traite 5% en dessous de son record alors que le S&P 500 et le Nasdaq sont approximativement à -15 et -20%, respectivement.

L’inflation redescend à un rythme trop lent pour que les banques centrales envisagent de baisser les taux d’ici la fin de l’année.

De notre point de vue, il y a trois grands facteurs qui expliquent la surperformance de l’Europe:

  • Tout d’abord, les actions américaines, et notamment la Technologie qui pèse lourdement dans les indices de référence, a tendance à souffrir dans les phases de hausses de taux. Les valeurs technologiques sont structurellement chèrement valorisées et versent peu de dividendes. Dans un modèle d’actualisation des flux futurs mais aussi dans la réalité des marchés, leur cours de bourse est très vulnérable aux hausses de taux d’intérêts. A l’inverse en Europe, le poids plus élevé des financières tend à soutenir le marché dans les phases de hausses de taux. Lors du cycle de hausse des taux de 2003 à 2007, l’Europe avait connu une même phase de surperformance qui avait duré quatre ans (voir graphique).
  • Ensuite, les rachats d’actions font leur grand retour en Europe. Selon les données Bloomberg, le volume des rachats d’actions pour le STOXX 600 Europe s’élève à plus de 220 milliards d’euros en 2022, un record depuis 15 ans. La tendance se poursuit en 2023 selon les estimations de nos analystes chez Kepler Cheuvreux. Le rendement total pour les actionnaires (i.e. dividende plus rachat d’actions) s’est élevé à plus de 5% en 2022 et devrait rester à ces niveaux en 2023.
  • Enfin, l’Europe connaît un mini-cycle de reprise économique, contre toute attente. De nombreux lecteurs seront peut-être surpris en lisant cela. Les médias regorgent en effet de références à la récession, voire à une «immense crise financière qui menace» pour les plus alarmistes. En fait, la baisse des coûts de l’énergie et les mesures de contingence mises en place pour éviter une crise énergétique permettent aujourd’hui à l’industrie allemande d’envisager l’avenir plus sereinement. Les résultats des enquêtes IFO en Allemagne, ou PMI plus généralement en Europe, montrent un rebond de l’activité économique en ce début 2023. Compte tenu de ces surprises favorables, la probabilité d’une récession a été revue à la baisse par le consensus des économistes. Cela a donné lieu à des révisions positives des prévisions de bénéfices pour les entreprises européennes en 2023 et 2024, ce qui a soutenu le marché actions.

En conclusion, il nous semble que les facteurs mentionnés ci-dessus sont susceptibles de prolonger la surperformance des actions européennes au cours des prochains trimestres. L’inflation redescend à un rythme trop lent pour que les banques centrales envisagent de baisser les taux d’ici la fin de l’année. Les rachats d’actions se poursuivent et la saison des résultats a plutôt bien démarré. Il va sans dire qu’il y a des facteurs d’incertitude qui pèsent dans la balance. Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’excès de pessimisme. L’Europe a réussi à relever un défi incroyable, à savoir diversifier à un rythme record ses sources d’approvisionnement en énergie. Un ralentissement est probable au cours des prochains trimestres, voire une contraction temporaire de l’activité économique. Dans ce contexte, nous sommes fortement surpondérés sur le marché britannique. Le FTSE 100 a un profil très défensif de par sa composition sectorielle, et bénéficie d’une forte exposition à la reprise économique en Chine. C’est un marché qui verse aussi un dividende élevé. Il permet donc aux investisseurs de s’exposer aux actions européennes sans pour autant prendre des risques exacerbés.

Graphique: l’Europe surperforme les Etats-Unis dans les phases de hausse des taux

Source: Kepler Cheuvreux. Les chiffres relatifs aux performances et aux données de marché ont trait ou se rapportent à des périodes passées et ne sont pas un indicateur fiable des résultats futurs.  

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