SVB, incertitudes et l’envolée des cryptodevises

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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La faillite de SVB aux Etats-Unis et les craintes autour de Credit Suisse plus récemment ont redonné de l’élan aux thèses qui font l’apologie d’un système financier décentralisé.

Les craintes sur la stabilité financière ont refait surface après la faillite de SVB. Face à l’incertitude, le cours de bourse des banques européennes a été fortement chahuté et d’aucuns ont sauté sur l’occasion pour tirer une énième fois la sonnette d’alarme. Selon ces thèses, le système financier est un château de carte qui tôt ou tard s’effondrera avec fracas. La faillite de SVB n’est que le début du processus et les maillons de la chaine vont tomber un à un. En toute logique, le bitcoin, l’ethereum et d’autres cryptodevises de premier plan ont connu un fort rebond dans le sillage de la faillite de SVB et de sa prise de contrôle par le régulateur américain. Le rationnel étant que la sortie de cette crise se fera nécessairement par de la création monétaire qui dépréciera la valeur des monnaies traditionnelles.

Ces thèses alarmistes ignorent souvent les arcanes du système financier moderne et centralisé, certes complexes. Tout d’abord, SVB ne fait pas faillite à cause d’un portefeuille de créances douteuses et peu transparentes qui seraient largement répandues dans le bilan d’autres banques, mettant en péril l’écosystème bancaire traditionnel. Les problèmes de SVB sont liés à un manque de diversification de sa base de clientèle (les start-up et certains acteurs établis de la tech). Ces derniers, faisant face à un assèchement des financements, ont retiré leurs dépôts. Pour faire face à ces retraits au passif, SVB a été forcé de liquider des actifs à perte. Paradoxalement, il s’agit de pertes sur les bons du Trésor américain, l’actif sans risque par excellence, qui a causé les besoins de recapitalisation de SVB. Initialement tout du moins, cette fuite des dépôts n’est pas liée à des doutes sur la solvabilité de la banque, mais plutôt pour des effets d’arbitrage sur la rémunération des dépôts ou pour faire face à des besoins de trésorerie de la part des déposants.

Aussi, le système financier en 2023 n’est pas le même qu’en 2007. Le comité de Bâle est passé par là et les banques internationales sont beaucoup plus solides qu’à l’époque. En Europe, elles sont aussi beaucoup moins dépendantes des marchés pour refinancer leur passif, avec un ratio de prêts sur dépôts proche de 100% en zone euro selon les données publiées par la BCE. Certes, la pression règlementaire est moins contraignante pour les banques de second plan. Une des conséquences de cet épisode sera indéniablement un durcissement de la règlementation pour ces acteurs.

Une deuxième conséquence sur laquelle le marché spécule à l’heure actuelle concerne la capacité de la Réserve Fédérale à poursuivre sa lutte contre l’inflation dans ces conditions. La stabilité financière fait en effet partie «implicite» du mandat de la Fed. De notre point de vue, les tensions récentes pèseront sur ses décisions de politique monétaire et impliquent un biais plus dovish dans une logique «first, do no harm» et «wait and see». Mais comme à l’accoutumée, les marchés s’engouffrent dans les brèches avec excès. Non, la Fed de va sûrement pas baisser les taux le mois prochain, mais va probablement faire une pause plus tôt que ce qu’elle avait envisagé il y a quelques semaines.

Enfin, il faut apprécier cette crise à l’aune de l’expérience accumulée ces dernières années par les régulateurs en matière de gestion de l’instabilité financière. De la faillite de Lehman Brothers à la panique des marchés autour du grand confinement de 2020, les régulateurs ont été sur tous les fronts et ont su faire preuve de rigueur et de créativité pour restaurer la confiance. Méfions-nous donc des discours apocalyptiques, qui ne font souvent que relayer un effort de commercialisation de nouvelles cryptodevises bien moins transparentes que la finance traditionnelle.

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