Des inversions de tendance se profilent

Philippe Ferreira, Kepler Cheuvreux Solutions

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Alors que la fin d’année approche, un cycle se termine, un nouveau cycle prend forme.

Alors que l’on arrive au terme d’une année particulièrement difficile, les marchés sont de nouveau portés par l’espoir que le régime d’inflation va se normaliser et que les banques centrales sauront faire preuve de souplesse.

Réflexe instinctif lié à la formation d’habitudes après plus d’une décennie de politiques monétaires accommodantes ou vrai tournant sur les marchés? Ce n’est pas la première fois que cette configuration de marché haussière se met en place cette année. Au cours de l’été dernier, les actions et les obligations avaient aussi été portées par les mêmes espoirs. Ce rebond avait pris fin autour de la conférence de Jackson Hole fin août, lorsque la Réserve Fédérale a sifflé la fin de partie.

Les choses sont-elles différentes aujourd’hui? Le rebond actuel est-il pérenne? La seule différence par rapport à l’été dernier est que de l’eau a coulé sous les ponts. En effet, les mêmes problématiques géopolitiques perdurent, les mêmes incertitudes sur la capacité de l’économie à encaisser le choc de taux subsistent, et l’inflation reste proche des plus hauts de l’été dernier, voire plus haut en zone euro.

Les tensions sur les chaînes d’approvisionnement ont diminué, tel que l’illustrent les prix à la production qui sont désormais mieux orientés.

Cela peut sembler étrange mais le fait que de l’eau ait coulé sous les ponts n’est pas anodin dans les circonstances actuelles. En effet, on s’approche désormais de la fin du cycle de resserrement monétaire, qui devrait s’achever au T1-2023 en zone euro et aux Etats-Unis. Aussi, les Européens ont eu le temps de mettre en place des mesures de contingence pour faire face à la crise énergétique et reconstituer leurs stocks de gaz naturel. Enfin, ces derniers mois ont aussi permis de progresser dans le rééquilibrage de l’offre et de la demande agrégée au niveau mondial. Les tensions sur les chaînes d’approvisionnement ont diminué, tel que l’illustrent les prix à la production qui sont désormais mieux orientés. La diminution des délais et du coût du fret maritime y contribue également. Le contre-choc Covid qui a exercé une pression haussière sur les prix est en train de se dissiper au fil du temps, alors que la Chine commence à alléger les contraintes sanitaires associées à sa politique zéro Covid.

A l’approche de l’année 2023, les perspectives sont donc différentes qu’à l’été dernier. Quelles en sont les implications de marché? Nous pensons que l’écartement des primes de risque auquel on a assisté au cours des derniers trimestres devient une opportunité. L’année 2022 a été marquée par une inversion notable du couple rendement risque. La théorie financière et la performance des marchés sur longue période montrent que la prise de risque est évidemment rémunérée. Ce n’était pas le cas cette année et c’est anormal. Cette situation devrait se normaliser l’année prochaine. Nous avons commencé à nous positionner sur ce sujet fin septembre dernier, en repondérant les actions européennes et certains des secteurs les plus cycliques qui avaient fortement corrigé.

En conclusion, et c’est le corollaire du point précédent, des inversions de tendance lourdes se profilent et les investisseurs doivent s’y préparer. Au sein des actions, la sous performance des primes de risque croissance et qualité devrait s’inverser. Sur le marché des devises, nous pensons que le dollar suivra une tendance baissière en 2023, ce qui aura des conséquences positives sur d’autres classes d’actifs comme la dette émergente. Enfin, sur les marchés obligataires, la prime de risque de duration et le crédit investment grade présentent un couple rendement – risque attractif après leur sous performance cette année.

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