La Suisse après la tempête…

Anick Baud, Bruellan

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Le marché a rebondi depuis ses plus bas mais attention aux prochaines publications de résultats qui pourraient venir jouer les trouble-fêtes.

Comme largement commenté depuis des semaines, ce qui a caractérisé cette crise a été la sévérité du choc d’une part mais également sa brièveté. Lors des précédentes récessions dans les pays développés, l’activité se repliait pendant 9 à 12 mois en moyenne, provoquant une baisse du PIB variant entre -1% et -2,5%. Dans le cas présent, si la contraction, voir l’arrêt total pour certains secteurs, de l’activité n’a duré que deux mois, la baisse de la production devrait par contre atteindre 5 à 12% en 2020, avec de fortes variations selon les pays.

Pour la Suisse, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) table désormais sur un recul de 6,2% du PIB 2020, soit une prévision légèrement moins sombre que celle publiée en avril. Pour 2021, par contre, le rebond devrait être plus contenu et la hausse atteindre 4,9%, contre +5,2% envisagé précédemment. Quant au centre de recherche conjoncturel du KOF, il prévoit un recul de 5,1% cette année et un rebond de 4,3% l’an prochain. Si cette chute du PIB sera la plus importante que le pays a connu depuis 1975, il n’en demeure pas moins que la Suisse devrait se remettre plus rapidement que ses voisins. Une des raisons tient à la réponse extrêmement rapide, pragmatique et de grande ampleur que les politiques économiques et monétaires ont apportées au choc du Covid-19.

On le rappelle, la Confédération a mis en place des mesures totalisant CHF 72 milliards, soit plus de 10% du PIB, dont 31 milliards sous forme de nouvelles dépenses et 41 milliards par le biais de diverses garanties. La dépense principale concerne l’assurance-chômage qui, face à la situation sans précédent, se devait d’être renflouée rapidement. Jusqu’ici, on estime que plus de 163'000 entreprises suisses ont recouru au chômage partiel, soit 33 fois plus que lors de la précédente crise économique en 2009. Cela concerne 1,9 millions de travailleurs, soit près de 45% de la population active, mais ne veut pas dire pour autant que les employeurs ont effectivement utilisé ce chômage partiel. Par expérience, on sait que les entreprises ont moins recours à cette possibilité que ne le laissent penser les demandes. Une fois le recours au chômage partiel terminé, soit vraisemblablement en fin d’année, le taux de chômage en Suisse devrait augmenter assez fortement et pourrait bien dépasser les 4%, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 1997.

Le marché boursier a connu une hausse que personne n’aurait
osé envisager mi-mars, aux premiers jours du confinement.

La BNS n’a pas été en reste, puisqu’en plus des mesures prises dès le début de la crise pour soutenir les banques dans leur activité de prêts aux entreprises (allègement de la charge liée aux intérêts négatifs et assouplissement du volant anticyclique), elle est intervenue massivement sur le marché des changes pour contenir l’envolée du franc suisse, fortement recherché dans un contexte de grande incertitude. La très forte hausse depuis le début de l’année des avoirs en comptes de virement des banques auprès de la BNS (+ CHF 98 milliards) prouve à quel point cette dernière a été active sur le marché des changes pour empêcher une appréciation trop brutale et rapide de la devise helvétique. On constate néanmoins une baisse d’activité tout récemment, le franc suisse s’étant légèrement affaibli face à l’euro, ce qui nous conforte dans l’idée que la BNS ne devrait pas abaisser ses taux davantage dans les prochains mois.

Malgré le contexte morose des dernières semaines, le marché boursier a connu une hausse que personne n’aurait osé envisager mi-mars, aux premiers jours du confinement. En rebondissant très fortement depuis leurs points bas du 23 mars, les indices actions ont, semble-t-il, rapidement anticipé une reprise de l’économie, soutenus également par les abondantes liquidités mises à disposition par les différentes banques centrales. Ils ont aussi été portés par un phénomène nouveau appelé «FOMO» (Fear of Missing Out), à savoir la peur des investisseurs qui étaient sortis du marché de manquer le rallye – les poussant à réinvestir.

Le marché suisse, représenté par le SPI, a ainsi regagné plus de 25% depuis son point bas et est pratiquement positif sur l’année.

Même si nous conservons une vue positive et constructive sur les actions, une importante volatilité, à la hausse comme à la baisse, est attendue dans les prochaines semaines et ce au gré des nouvelles concernant l’évolution de la situation sanitaire et ses répercussions. Nous serons aussi très attentifs aux premières publications de résultats semestriels dès début juillet, qui pourraient venir jouer les trouble-fêtes et mettre un terme à cette hausse quasi-ininterrompue depuis le 23 mars. En effet, d’importantes révisions à la baisse des estimations bénéficiaires, et plus particulièrement sur le segment des petites et moyennes capitalisations, ne sont pas exclues alors que les analystes ont jusque-là très peu ajusté leurs attentes pour les sociétés suisses.

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