Coup de frein pour les fournisseurs du secteur automobile

Anick Baud, Bruellan

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L’impact de l’arrêt momentané de la production en Chine sera bref. Mais que dire du changement structurel que traverse le secteur?

La Suisse, on le sait, ne fabrique pas de voitures.

Ce que l’on sait peut-être moins en revanche, c’est qu’un grand nombre de nos entreprises sont des fournisseurs privilégiés de cette industrie.

S’il existe peu de sociétés dépendant presque exclusivement de ce secteur, à l’image d’Autoneum, concepteur de solutions pour l’isolation thermique et phonique des véhicules, ou de Komax, fabricant de machines de câblage, il y a en revanche beaucoup d’autres acteurs, plus diversifiés, mais pour lesquels les ventes au secteur automobile représentent néanmoins un débouché important.

Pour le conglomérat industriel créé il y a 200 ans à Schaffhouse, Georg Fischer, et bien que ce dernier ait cherché ces dernières années à diversifier ses activités vers des secteurs moins cycliques, l’automobile représente par exemple toujours un quart des revenus. En effet, sa division «Casting Solution», conçoit et fabrique des composants en alliage léger pour les systèmes de transmission, les châssis et les structures de carrosserie vendus essentiellement aux constructeurs allemands.

Pour le spécialiste de la logistique et des techniques d’assemblage, Bossard, l’industrie automobile représente environ un tiers des ventes. Aujourd’hui, chaque Tesla fabriquée possède environ 80% d’éléments de fixation fournis par la petite société de Zoug.

L’émergence du coronavirus font à nouveau trembler
les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants.

Chez Sensirion, le spécialiste des capteurs environnementaux, le secteur automobile compte également pour un tiers des revenus. On estime d’ailleurs qu’une voiture sur trois fabriquée dans le monde est équipée avec un senseur Sensirion qui permet notamment de mesurer l’humidité à l’intérieur de l’habitacle.

La liste est encore longue mais on peut encore citer Sika, dont les techniques de collage sont également utilisées dans l’industrie automobile, Daetwyler qui fabrique des composants en élastomère pour le système de réduction catalytique des voitures fonctionnant au diesel ou encore le spécialiste chimique EMS dont plus de la moitié des ventes dépendent de l’automobile.

Toutes ces sociétés ont en commun d’avoir vu leurs résultats fortement impactés par la crise qu’a connu l’industrie automobile ces derniers mois. Cette traversée du désert a commencé en automne 2018 avec l’entrée en vigueur d’une nouvelle norme européenne antipollution qui a fait chuter brutalement les immatriculations de véhicules. Puis, par la suite, les différents commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine, d’une part, et la menace du Président Donald Trump de surtaxer les importations de voitures allemandes, d’autre part, ont encore un peu plus fragilisé un secteur déjà vacillant.

Alors que les choses semblaient s’apaiser et que la demande de véhicules avait retrouvé le chemin de la croissance ces dernières semaines, l’émergence du coronavirus et ses effets sur l’économie font à nouveau trembler les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants. S’il est encore trop tôt pour évaluer avec précision les conséquences du confinement des travailleurs du plus gros exportateurs du monde, on sait avec certitude que les interruptions dans la chaîne d’approvisionnement automobile chinoise aura un impact sur l’ensemble des acteurs de l’industrie.

A court terme, l’industrie automobile continue de faire face à
un certain nombre d’écueils, à moyen terme ce marché reste prometteur..

Le secteur automobile n’avait pas besoin d’une nouvelle déconvenue de ce type, alors que, en parallèle, il est en train de vivre une transformation structurelle majeure, avec l’émergence des voitures électriques et le désintérêt supposé des «millenials» pour ce type de locomotion. Si les effets liés à l’arrêt momentané de la production en Chine laissent une empreinte de courte durée dans les comptes des sous-traitants suisses, qu’en est-il du changement structurel que traverse le secteur? La réponse est bien entendu différente pour chacun d’eux mais ce qui est sûr c’est que tous entendent profiter des nouvelles tendances. Les voitures électriques représentent aujourd’hui une part infime de leurs ventes mais offrent de belles opportunités de croissance. Pour Komax, par exemple, le recours à l’automatisation pour le câblage des véhicules électriques sera plus systématique, car les câbles étant plus petits et plus nombreux, le travail manuel deviendra plus compliqué. Pour LEM et ses transformateurs de courant, l’e-mobilité représente aussi un formidable débouché alors que l’entreprise genevoise n’a jamais pu percer avec ses produits dans l’automobile conventionnelle par manque d’avantage compétitif. Même constat chez Autoneum, puisque contrairement à ce que l’on pourrait penser, un véhicule électrique n’est pas totalement silencieux et les mousses isolantes continuent d’avoir une utilité.

S’il est vrai qu’à court terme, l’industrie automobile continue de faire face à un certain nombre d’écueils, à moyen terme ce marché reste prometteur. Il lui faudra par contre savoir s’adapter aux changements imposés par la société civile. Les entreprises suisses, fournisseurs par excellence de produits à haute valeur ajoutée, savent mieux que quiconque que l’innovation et la flexibilité sont la clé pour maintenir leur part de marché. Elles sont donc probablement bien mieux préparées aux changements qui attendent l’industrie que certains de leurs clients pour qui l’adaptation est longue et coûteuse.

Et puis comme le soulignait la direction d’EMS lors de la publication de ses résultats annuels ces derniers jours, les ventes de voitures conventionnelles ont malgré tout encore de beaux jours devant elles car si 95% des ménages américains et 68% des ménages allemands possèdent un véhicule, ce taux n’est que de 38% en Russie, 23% au Brésil, 18% en Chine et 4% en Inde.

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