La réforme de l’AVS n’est pas inégalitaire

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

2 minutes de lecture

Le référendum annoncé par les syndicats est inutile, dangereux et infondé.

Les deux Chambres du Parlement fédéral ont voté la stabilisation de l’AVS, dite AVS 21. Cette réforme comportait trois volets, dont seuls les deux premiers ont été acceptés: une révision de l’AVS proprement dite, l’augmentation de la TVA pour financer l’AVS et l’affectation des intérêts négatifs à l’AVS. Le peuple aura de toute façon le dernier mot, la votation aura sans doute lieu à la fin de 2022.

Le fond de la réforme peut être résumé ainsi: l’âge de la retraite des femmes sera relevé d’un an, en quatre étapes. Cela devrait permettre d’économiser environ un milliard par année. Une compensation est prévue: pendant une période transitoire de 9 ans, les femmes qui partent à la retraite bénéficieront d’un supplément de rente, dégressif selon leur revenu annuel déterminant, ou pourront prendre une retraite anticipée avec une rente moins réduite. Cette compensation coûtera environ un tiers des prestations économisées. Le relèvement de la TVA de 0.4% générera quant à lui jusqu’à 1.4 milliards de recettes supplémentaires pour l’AVS. Ce sont ainsi près de 2 milliards de recettes annuelles qui seront assurées pour l’AVS, selon les perspectives financières qui viennent d’être publiées par l’OFAS.

On rappellera que dans le cadre de la réforme fiscale de l’imposition des entreprises (RFFA), les cotisations à l’AVS ont été augmentées de 0.3%, ce qui devait aussi rapporter 2 milliards de recettes supplémentaires. Cela a d’ailleurs contribué à ce qu’en 2020, le résultat de répartition de l’AVS (recettes moins dépenses) cesse d’être négatif pour plus d’un milliard, mais présente un excédent de 579 millions (cf. les statistiques de l’AVS). Pourtant, même AVS 21 n’empêchera pas le résultat de répartition de l’AVS d’être négatif pour plus de 4 milliards dès 2031, selon les calculs de l’OFAS, puisque le nombre de rentiers continue de croître beaucoup plus vite que celui des actifs. On peut ne pas l’aimer, mais la réalité de la démographie est plus forte que les idées politiques.

Pour défendre sa position, la gauche prétend que les femmes touchent des rentes globalement inférieures d'un tiers à ce que perçoivent les hommes.

Dans ce contexte, le référendum annoncé par les syndicats contre AVS 21 est un non-sens. D’abord, il est inutile, puisque le peuple votera de toute façon sur cette réforme, l’augmentation du taux de TVA impliquant une modification de la Constitution fédérale, et cette hausse étant liée à la modification de la loi sur l’AVS. Ensuite il est dangereux, parce qu’il repousserait une stabilisation (temporaire) des finances de l’AVS; la gauche ne veut-elle pas garantir le versement des rentes AVS? Enfin, l’argument que la réforme se ferait «sur le dos des femmes» ne tient pas debout.

La gauche critique d’abord le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans. Il faut rappeler, comme l’a fait Avenir Suisse il y a un an, que cet âge a d’abord été fixé à 65 ans en 1948, puis à 63 ans en 1957 et à 62 ans en 1964, avant d’être remonté à 64 ans en 1997 lors de la dernière révision de l’AVS. Au sein de l’OCDE, à part la Suisse, il n’y a plus que la Hongrie, Israël, la Pologne et la Turquie qui n’ont pas égalisé l’âge de la retraite! A moins de considérer que les femmes sont moins aptes à travailler (ce qu’elles ne sont bien sûr pas), il n’y a pas de raison qu’elles ne partent pas à la retraite au même âge que les hommes, d’autant qu’elles ont une espérance de vie de quelques années supplémentaires.

Pour défendre sa position, la gauche prétend que les femmes touchent des rentes globalement inférieures d'un tiers à ce que perçoivent les hommes. Cette critique concerne avant tout le 2e pilier (la LPP). Selon les statistiques de l’AVS pour 2020, les femmes représentent 46% des cotisants à l’AVS, mais 53% des bénéficiaires, et si elles cotisent sur 34% des revenus soumis à l’AVS, elles reçoivent 55% de la somme des rentes. L’OFAS a aussi calculé que les femmes seules (veuves, divorcées, séparées) touchent en moyenne au maximum 50 francs de moins que les hommes seuls, les femmes célibataires touchant même 28 francs de plus que les hommes célibataires. Il n’y a donc aucune inégalité dans l’AVS qui devrait être corrigée par un âge de la retraite différent.

Enfin, le Conseil des Etats a su résister à l’idée de financer l’AVS avec les intérêts négatifs prélevés par la Banque nationale suisse, car cette mesure serait à la fois insuffisante et temporaire. La stabilité de l’AVS ne peut dépendre de la politique monétaire de la BNS. Cela n’empêche pas l’UDC de considérer le lancement d’une initiative populaire pour reprendre cette idée. L’Union syndicale suisse veut faire de même, en réattribuant aussi à l’AVS une partie des distributions de la BNS aux cantons. Paradoxalement, ces deux extrêmes défendent qu’il s’agit de «l’argent du peuple», alors que ce sont surtout les entreprises et les personnes très fortunées qui paient des intérêts négatifs.

A lire aussi...