La réforme de l’impôt anticipé ne coûtera rien

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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Les craintes des socialistes par rapport aux effets de la réforme de l’impôt anticipé sont infondées.

Les deux Chambres du Parlement fédéral ont résolu leurs divergences et voteront à la fin de la semaine la réforme de l’impôt anticipé proposée par le Conseil fédéral, avec quelques modifications. Je ne vous parlerai pas des détails techniques de cette réforme, mais souhaite vous exposer pourquoi les arguments avancés par le parti socialiste pour s’y opposer ne tiennent pas la route.

Il s’agirait tout d’abord d’une réforme commandée par les banques et les grandes entreprises. Puisque les socialistes y voient un crime, examinons à qui il va profiter. L’essence de la réforme est d’abolir l’impôt anticipé sur les obligations suisses. Ce sont donc les porteurs de ces obligations, des investisseurs suisses ou étrangers, qui ne verront plus les intérêts qu’ils perçoivent grevés de 35% à la source. Cela ne concerne absolument pas les impôts des banques et des grandes entreprises suisses. Le seul avantage de ces dernières sera de pouvoir rapatrier en Suisse l’émission de leurs obligations, actuellement émises à l’étranger justement pour éviter l’impôt anticipé à ceux qui leur prêtent de l’argent. La Suisse est en effet un des derniers pays à connaître une retenue à la source sur les intérêts. La réforme de l’impôt anticipé va stimuler le marché des capitaux étrangers en Suisse, générant ainsi de nouveaux emplois et de nouvelles recettes fiscales.

Les chiffres fournis par l’administration fédérale des contributions (AFC) permettent aussi de réduire à néant les craintes de soustraction fiscale.

Pour les socialistes, cette réforme serait la porte ouverte à la soustraction fiscale, puisque l’impôt anticipé est là pour garantir la déclaration correcte des revenus qu’il grève. Depuis l’introduction de l’échange automatique en 2017, cela n’est plus vrai pour les résidents étrangers, puisque leurs revenus bancaires sont transmis à leur autorité de taxation. Restent donc les contribuables suisses, étant précisé que rien ne changera pour les comptes d’épargne, qui seront toujours soumis à l’impôt anticipé s’ils produisent plus de 200 francs d’intérêts. Faut-il en conclure que la soustraction de moins de 200 francs d’intérêts (par compte) ne dérange pas les socialistes? Et ont-ils protesté en juin dernier lorsque les intérêts des obligations convertibles des établissements financiers d’importance systémique, bien mieux rémunérées, ont été exonérés d’impôt anticipé pour cinq ans de plus?

Les chiffres fournis par l’administration fédérale des contributions (AFC) permettent aussi de réduire à néant les craintes de soustraction fiscale. Sur les 170 millions d’impôt anticipé qui ne seraient plus conservés par l’AFC, 160 proviennent d’investisseurs étrangers qui pour une raison ou une autre ne demandent pas le remboursement (complet) de l’impôt anticipé sur leurs intérêts de source suisse. Seuls 10 millions de francs sont attribués à des résidents suisses, qui a priori pourraient en demander le remboursement, mais ne le font pas. Avec une retenue de 35%, il est peu probable que l’incitation à la soustraction de revenus d’intérêts soit grande, tout comme il est peu probable que les taux d’intérêts remontent beaucoup, vu l’endettement massif des Etats européens. Les centaines de millions de pertes fiscales qu’agitent les socialistes ne sont donc que pure fiction.

La stimulation du marché suisse des capitaux de tiers générera de nouvelles recettes fiscales.

Il est vrai que la réforme de l’impôt anticipé prévoit aussi la suppression du droit de timbre de négociation sur les obligations suisses, afin d’encourager non seulement leur émission, mais aussi leur commerce en Suisse. A nouveau, les 25 millions de recettes fiscales qui disparaîtront ne finiront pas dans les poches des banques ou des grandes entreprises, mais iront aux investisseurs qui achètent et vendent ces obligations. Cette diminution de 2% des recettes du droit de timbre de négociation était déjà prévue lorsque le Conseil national a renoncé à l’unanimité, en septembre dernier, à supprimer d’autres droits de timbre que celui d’émission.

Par ailleurs, les quelque 200 millions de recettes fiscales annuelles que supprimera la réforme de l’impôt anticipé ne doivent pas être vues comme une perte, mais comme un investissement. D’après une étude mandatée par l’AFC, la stimulation du marché suisse des capitaux de tiers générera de nouvelles recettes fiscales et la réforme pourrait être autofinancée après environ 5 ans. «Globalement, le rapport entre les coûts et l’utilité de la réforme peut être considéré comme très favorable» indique l’AFC sur son site.

Au final, cette réforme ne provoquera aucune augmentation d’impôts – ce sont au contraire ses opposants qui cherchent toujours plus de rentrées fiscales pour l’Etat. La réforme ne changera rien au fait que ce seront toujours quelques centaines de sociétés qui paient l’essentiel de l’impôt sur le bénéfice (par exemple à Genève en 2018, 63% des entreprises n’ont pas versé d’impôt sur le bénéfice, tandis que 0,5% des entreprises ont assuré 71% de cet impôt). Les socialistes feraient mieux de percevoir l’utilité de la réforme pour la société, alors que le Conseil fédéral a annoncé vouloir encourager la durabilité en émettant des emprunts fédéraux verts. Quel investisseur étranger y souscrira s’ils sont grevés d’impôt anticipé?

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