La hausse du dollar devrait ralentir

David Rees, J. Safra Sarasin Asset Management

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Nombre des facteurs qui ont alimenté sa hausse l’année dernière commenceront probablement à perdre de leur influence.

© Keystone

Le dollar US pourrait encore augmenter à court terme mais nombre des facteurs qui ont alimenté sa hausse l’année dernière commenceront probablement à perdre de leur influence. Nous doutons que les variations soient importantes et l’appréciation de l’euro devrait être très limitée. Le regain de tensions commerciales pourrait raviver la crainte de dévaluation du renminbi, mais nous restons convaincus que la devise s’appréciera à l’approche de 2020.

Le dollar US, une monnaie anticyclique

Le dollar US s’est apprécié d’environ 10% l’année dernière, confortant son statut de devise anticyclique. En d’autres termes, le billet vert se porte généralement bien lorsque l’économie américaine surperforme le reste du monde et que les taux d’intérêt augmentent ou lorsqu’un choc mondial déclenche un repli sur les valeurs refuge.

Le dollar US s’est apprécié malgré la crainte que la Fed ait trop durci sa politique

Sources: Bloomberg, J. Safra Sarasin 07.05.2019  

L’année dernière, l’économie américaine a largement surperformé le reste du monde et les flux vers les actifs américains ont soutenu le dollar. Celui-ci s’est à peine essoufflé lorsque les marchés se sont inquiétés des conséquences du durcissement de la politique de la Fed et que les risques politiques sont réapparus. Il est impossible de savoir sur quel scénario déboucheront au cours des prochains mois les nombreux risques politiques mondiaux actuels, en particulier la guerre commerciale. Toute mauvaise nouvelle s’accompagnera probablement d’une appréciation du dollar. Par ailleurs, nous sommes convaincus que le marché obligataire fait fausse route en intégrant dans ses cours des baisses des taux d’intérêt. Selon nous, les rendements obligataires vont globalement augmenter au cours des prochains mois. Les rendements américains recèlent davantage de potentiel de hausse que ceux d’autres pays, ce qui pourrait doper à nouveau le dollar à court terme.

Le dollar pourrait s’essouffler

Le revers de la médaille de la nature anticyclique du dollar US est qu’il tend à se déprécier lors des reprises cycliques mondiales: les investisseurs tablent alors sur de meilleurs rendements dans d’autres pays si bien que les sorties de capitaux pèsent sur le taux de change. Par conséquent, notre scénario pour l’économie mondiale donne à penser que les récents soutiens au dollar commenceront à faiblir à court terme.

Les prévisions économiques de la zone euro ont été nettement revues à la baisse l’année dernière et ont probablement atteint le stade où les données effectives ne peuvent être que supérieures aux attentes. Parallèlement, nous restons convaincus que l’économie chinoise surmontera tout trou d’air en milieu d’année et verra sa croissance accélérer au second semestre 2019 et début 2020. Par conséquent, la surperformance relative de l'économie américaine devrait s'estomper, ce qui finira vraisemblablement par inciter les investisseurs à sortir des sentiers battus pour chercher de meilleures performances. Les données de positionnement indiquent clairement que les participants du marché sont fortement investis en dollar US, et que s’ils commencent à dénouer leurs positions, les sorties de capitaux risquent de provoquer une baisse généralisée de la devise.

Cela étant, nous ne prévoyons pas de variations majeures à ce stade. Ainsi, si l’euro finira par bénéficier d’un resserrement du différentiel de croissance, à court terme, les écarts de taux d’intérêt devraient peser sur la devise. Par conséquent, nous prévoyons qu’elle finira l’année à environ 1.14/$.

Tout rebond de l’euro sera limité

Sources: Bloomberg, J. Safra Sarasin 07.05.2019

Du fait de l’incertitude relative au retrait du Royaume-Uni de l’EU, l’évolution de la livre britannique reste une inconnue. Sur le plan des perspectives macroéconomiques, la croissance et la hausse des salaires plaident en faveur de taux d'intérêt plus élevés et d’une appréciation de la devise. Toutefois, comme ce fut le cas depuis deux ans, la livre sterling restera stable jusqu’à que ce que la trajectoire du Brexit soit plus claire. Nous pensons que l’on s’acheminera lentement vers un accord, ce qui serait favorable à la devise. Toutefois, l’issue des élections européennes pourrait remettre en cause cette dynamique si les partis favorables au Brexit en sortent victorieux.

La dépréciation du renminbi pourrait ne pas durer longtemps

La persistance de tensions entre les USA et la Chine pourrait raviver la crainte que Beijing transforme la guerre commerciale en guerre des devises et dévalue le renminbi. Cette théorie avait dominé les marchés à la mi-2018. Cependant, tout comme l’année dernière, nous pensons que les craintes de dévaluation majeure ne sont pas justifiées.

Le renminbi chinois pondéré des exportations s’est apprécié en 2019

Sources: Datastream, J. Safra Sarasin 07.05.2019

Rien ne montre clairement que les autorités chinoises ont activement «dévalué» le renminbi l’année dernière. La banque centrale a plutôt mis fin à ses mesures de lutte contre l’appréciation du dollar US après l’échec des négociations commerciales. Le renminbi s’était apprécié sur une base pondérée des échanges commerciaux et un scénario très semblable s’est reproduit cette année. Nous avons déjà anticipé une certaine dépréciation du renminbi, à 6,90/$ au T3, en raison de la divergence des politiques monétaires. Le renminbi pourrait dépasser cet objectif, mais nous restons d’avis que les autorités hésiteront à le laisser franchir la barre des 7/$. À plus long terme, la devise pourrait recommencer à s’apprécier à mesure que la reprise économique s’amorcera.

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