La Fed veut affaiblir le marché du travail

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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Il semble impossible de réduire les tensions sans en passer par une hausse du chômage.

Après une envolée au printemps 2020, le taux de chômage est vite revenu à son niveau prépandémie (<4%). A ce niveau-là, les tensions du marché du travail sont trop fortes pour satisfaire l’objectif de stabilité des prix de la Fed. Les gains salariaux n’accélèrent plus depuis le printemps mais restent élevés, à +5% sur un an, contre 2,7% entre 2015 et 2019. De leur côté, les créations d’emploi ont ralenti. Au quatrième trimestre 2021, elles progressaient de +5% en rythme trimestriel annualisé, soit près de 650’000 par mois. Dernièrement, ce rythme est passé à 3%, soit 350’000 par mois. C’est encore à peu près le double de la tendance passée.

Une thèse séduisante

Dans ces conditions, la Fed ne fait pas mystère de ses intentions: durcir la politique monétaire, peser sur la demande et faire monter le chômage afin d’obtenir un recul de l’inflation. Les dernières projections centrales du FOMC envisagent une hausse du taux de chômage vers 4,5% à l’horizon 2024. Cela paraît modeste en comparaison du bond du chômage observé lors des récessions de 2001, 2008 ou 2020. Mais, est-ce un scénario crédible? La réponse tient au nombre exceptionnel d’emplois vacants. Selon la Fed, si les entreprises réduisaient leurs offres d’emplois, cela calmerait la surchauffe sans qu’il soit nécessaire de licencier en masse. Cette thèse est séduisante mais doit passer le test de la réalité. En attendant, si l’emploi reste dynamique et le chômage bas (attendus respectivement à +250’000 et 3,7%), la Fed pourrait à nouveau monter ses taux de 75pb à la réunion du 2 novembre.

Dans un scénario idéal pour la Fed d’atterrissage en douceur, le marché du travail se normaliserait par la baisse des offres d’emploi mais sans destructions de postes.

Il y a actuellement deux postes vacants par nombre de chômeur (historiquement, ce rapport était inversé). Dans un scénario idéal pour la Fed d’atterrissage en douceur, le marché du travail se normaliserait par la baisse des offres d’emploi mais sans destructions de postes. En pratique, il semble impossible de réduire les tensions sans en passer par une hausse du chômage. Les créations d’emploi freinent depuis des mois mais le marché du travail reste trop tendu pour atténuer les pressions inflationnistes. La Fed juge qu’une hausse du chômage est inéluctable.

Le silence des colombes

Quant à la Banque Centrale Européenne, la décision de monter les taux directeurs de 75pb à la réunion du 8 septembre a été unanime. Les «colombes» – s’il en reste encore à la BCE – n’osent même plus exprimer la moindre nuance dans les délibérations du Conseil des gouverneurs. Depuis lors, le ton de la BCE a continué de se durcir laissant envisager une nouvelle hausse de 75pb à la prochaine réunion du 27 octobre, d’autant que l’inflation a inscrit un nouveau record en septembre (+10% sur un an).

Les estimations préliminaires étaient médiocres, le PMI-services tombant un peu plus en territoire de récession. Hausse des taux d’intérêt, hausse des prix de l’énergie, incertitude géopolitique, tout contribue à la morosité des firmes européennes, en Allemagne plus qu’ailleurs.

En effet, Le secteur industriel allemand subit de plein fouet la crise énergétique, et les branches énergivores telles que la chimie, la métallurgie, le papier, le verre sont encore plus durement touchées. Les indices des directeurs d’achat comme l’indice IFO, démontre que la confiance dans l’industrie baisse. Pour le moment, les prises de commandes vont rester sur une forte tendance baissière.

En France, les enquêtes de l’Insee et de S&P-Markit ont donné des signaux divergents en août (croissance pour l’une, contraction pour l’autre). Un rebond temporaire après la chute de juillet est possible mais la tendance reste baissière. La confiance des ménages européens va d’un record de faiblesse à l’autre cette année, dessinant un climat peu propice aux dépenses discrétionnaires.

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