La Fed réagit enfin

Axel Botte, Ostrum AM

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La Réserve fédérale prévoit des taux à 2% en fin d’année; accalmie sur les marchés.

©Keystone

La guerre en Ukraine entre dans sa quatrième semaine. Les bombardements s’intensifient, y compris à l’ouest sur les bases militaires proches de la frontière polonaise utilisées par l’Otan. Ces attaques et la communication erratique de la Russie ne semblent pas laisser de place à un cessez-le-feu et de réelles négociations avec l’Ukraine. Les Américains ont accru leur aide militaire à l’Ukraine et mis en garde la Chine quant aux conséquences d’un éventuel soutien à la Russie. Joe Biden devrait se déplacer à Bruxelles et une visite en Ukraine est évoquée.

Toutefois, l’heure est à l’accalmie sur les marchés financiers. Les indices actions ont repris le chemin de la hausse. Les autorités chinoises ont rassuré sur plusieurs points: la stabilité financière est une priorité, un dialogue avec les autorités américaines au sujet de la cotation des firmes chinoises est engagé, le tour de vis réglementaire visant les grandes entreprises de technologie touche à sa fin et le soutien aux promoteurs immobiliers est réaffirmé. Ces déclarations ont engendré de forts rachats de positions vendeuses, mettant un terme à la spirale baissière des géants technologiques chinois. Le soutien de la Banque populaire de Chine devrait aussi s’accentuer, malgré le statu quo observé la semaine passée.

L’indice des prix devrait encore accélérer probablement vers 9% au printemps.

Sur le plan conjoncturel, les données disponibles reflètent la situation qui prévalait avant l’invasion de l’Ukraine. Les publications américaines demeurent solides. Les ventes au détail ont bondi de 4,9% en janvier et progressaient encore de 0,3% en février. La hausse des prix (7,9% en février) est néanmoins le principal facteur pesant sur la confiance des ménages. L’indice des prix devrait encore accélérer probablement vers 9% au printemps. Le marché du travail est très tendu, de sorte que l’ajustement des salaires se poursuivra. La Fed privilégie clairement l’inflation, très supérieure à l’objectif.

La banque centrale a donc procédé à un premier relèvement de taux de 25 points de base. Un total de 150 points de base supplémentaires, soit probablement une hausse de 25 points de base à chaque réunion du comité fédéral d’open market, constitue le scénario privilégié. Les Fed funds se situeraient à 2% en fin d’année.

La décision du 16 mars n’est pas unanime. James Bullard du comité aurait préféré un mouvement de 50 points de base et 6 autres participants au comité projettent des hausses de 50 points de base cette année. L’asymétrie à la hausse des taux perdure. En revanche, le taux terminal a été abaissé à 2,25%. Cette révision a contribué à raviver la tendance à l’aplatissement de la courbe des taux. La Fed craint peut-être un redressement trop rapide de la prime de terme une fois enclenchée la réduction du bilan. Cette réduction devrait débuter en mai ou en juin.

Les minutes du comité fédéral d’open market présenteront des simulations. Un scénario possible est une diminution des actifs de 100 milliards de dollars par mois, pour un total de 1500 milliards de dollars. L’inversion de la courbe des taux témoigne des risques perçus sur l’activité et l’effet attendu sur l’inflation future, compte tenu de la politique monétaire plus restrictive. Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre a également procédé à une hausse de 25 points de base, son troisième mouvement depuis décembre. L’absence de vote en faveur d’un mouvement de 50 points de base réduit néanmoins la probabilité d’une surprise haussière à court terme. A l’inverse, la Banque du Japon a surpris en encourageant la faiblesse du yen.

Les marchés s’apaisent

La volatilité des marchés financiers semble s’atténuer quelque peu. Le T-note s’échange autour de 2,15%. La courbe américaine revient sur les niveaux les plus serrés de 2022 à 20 points de base sur le 2-10 ans. L’appétence pour le 30 ans américain réduit le spread 10-30 ans de près de 10 points de base sur la semaine. L’abaissement du taux terminal, la baisse anticipée de l’inflation à terme et les craintes liées à l’activité entretiennent la demande de titres du Trésor à long termes.

Les flux de couverture des portefeuilles hypothécaires devraient contribuer à l’écartement des swap spreads à long terme.

Parallèlement, les taux hypothécaires se tendent à près de 4,30% au plus haut depuis 2019. Les flux de couverture des portefeuilles hypothécaires devraient contribuer à l’écartement des swap spreads à long terme. En zone euro, le Bund oscille autour de 0,35%. La tendance reste à la pentification de la courbe, surtout sur le segment 2-10 ans. Les swap spreads se sont détendus, tout en restant environ 15 points de base plus larges que les niveaux d’avant-crise. Les obligations sécurisées, et autres proxy-swaps, bénéficient du resserrement. Les dettes périphériques semblent aussi avoir digéré l’annonce de la fin du quantitative easing. L’Italie comme la France ont pourtant prolongé leurs plans de soutien à l’économie.

Le marché du crédit reste tendu, sous l’effet des rachats sur les fonds de crédit. Le marché primaire s’est raréfié, depuis février. On observe une réduction des maturités émises sur l’IG et une hausse des primes à l’émission. Le niveau des spreads (147 points de base) semble désormais suffisamment attrayant pour atténuer les pressions à l’élargissement, d’autant que le niveau de trésorerie des fonds est élevé. Les spreads du high yield (440 points de base contre Bund) montrent des signes de stabilisation. L’effet de convexité négative (réduction de la flexibilité financière des emprunteurs) avait amplifié l’élargissement des spreads. Les flux de couverture (achat de protection sur l’iTraxx) s’inversent désormais avec l’amélioration du sentiment. La revente de ces couvertures a réduit le spread du XO de 427 points de base en séance le 7 mars à environ 345 points de base.

La volatilité des actions européennes a diminué. Les flux de capitaux étrangers se réduisent, les prix de l’énergie refluent et les échéances des Banques centrales sont digérées. L’aplatissement profite à la croissance et, à un degré moindre, la qualité/visibilité sur les bénéfices redevient un critère gagnant au détriment des valeurs offrant du rendement et celles du secteur de la consommation.

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