La BCE surprend

Axel Botte, Ostrum AM

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La BCE accélère le tapering et la volatilité est extrême sur tous les marchés.

La guerre en Ukraine entre dans sa troisième semaine. Le bombardement constant du pays est effroyable. La rencontre, organisée à Antalya, entre le ministre des Affaires étrangères russe Sergei Lavrov et son alter-ego ukrainien Dmytro Kuleba n’a pas produit d’avancées. Côté russe, Vladimir Poutine reste, de toute façon, le seul maître à bord, de sorte que tout effort diplomatique en son absence a peu de chances d’aboutir. La neutralité de l’état ukrainien n’est pas comprise de la même façon par les deux parties. La non-participation de l’Ukraine à l’OTAN constitue néanmoins un point de convergence, mais la Russie exige que l’Ukraine n’adhère jamais à l’Union européenne.

Energie et inflation, le double défi européen

Parallèlement, les tensions sur l’énergie engendrent un réchauffement inattendu des relations entre les États-Unis et le Venezuela et des avancées à Vienne pour un accord avec l’Iran sur la question nucléaire, alors que les Émirats jettent un pavé dans la mare en évoquant une hausse de la production de pétrole de l’OPEP+. L’Arabie Saoudite observe sans doute avec attention les négociations entre l’UE, les États-Unis et le voisin iranien. Les sanctions envers la Russie s’accentuent et Poutine y répond en établissant une liste de 200 produits interdits à l’exportation, dont les fertilisants, à l’exclusion évidemment des matières premières. Aux États-Unis, le budget américain de 1500 milliards de dollars finalement voté inclut 13,6 milliards de dollars d’aide à l’Ukraine, dont la moitié de dépenses militaires. En Europe, la nécessité de développer une défense européenne et une politique d’indépendance énergétique fait désormais consensus. L’objectif est de réduire des deux-tiers la dépendance au gaz russe. La stratégie de l’UE à cet égard sera communiquée prochainement.

Cette nouvelle dette de l’UE donnera de la profondeur à un marché qui devrait s’imposer, à terme, comme la référence en euros. La BCE fait aujourd’hui face à un problème d’inflation immédiat amplifié par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine. L’inflation annuelle ressort à 5,8% en février. La hausse des prix va continuer de s’accélérer. La BCE a annoncé une rapide diminution de ses achats d’actifs. Les achats du PEPP, qui se terminent fin mars, ralentissent déjà depuis plusieurs mois. L’APP sera calibré à 40 milliards d’euros en avril, 30 milliards d’euros en mai, puis un dernier mois à 20 milliards d’euros en juin. La BCE conservera une emprise considérable sur les marchés, compte tenu de la taille des réinvestissements à venir, mais ce tournant plus restrictif n’était pas attendu par les marchés. Christine Lagarde, par ailleurs pressentie comme possible prochaine Première ministre en France, insiste sur la nécessité de maintenir toutes les options de politique monétaire ouvertes. La Banque étudie ainsi des scénarios alternatifs et la politique de taux reste incertaine. La hausse attendue interviendra peut-être plusieurs mois après la fin du quantitative easing.

Concernant les marchés, la volatilité reste très élevée et largement dépendante des informations en provenance d’Ukraine.
Des marchés volatiles et sous pression

Concernant les marchés, la volatilité reste très élevée et largement dépendante des informations en provenance d’Ukraine. La surprise d’une sortie accélérée du QE de la BCE a constitué une autre source de volatilité propulsant le Bund vers un sommet hebdomadaire à +0,31%. Les spreads souverains, qui avaient bien accueilli le projet de plan européen en début de semaine, se sont retendus à l’annonce de la réduction des achats d’actifs. Le spread sur le BTP italien remonte à 160 points de base environ contre Bund. La tendance reste néanmoins au resserrement des spreads sur l’ensemble de la semaine. L’inflexion dans le discours de la BCE a engendré un retournement de la tendance récente de pentification de la courbe. Le 2-10 ans allemand avait en effet pris le contrepied de l’aplatissement de la courbe constaté aux États-Unis.

L’inflation atteint un sommet depuis 40 ans à 7,9% en février et toutes les catégories de biens et services enregistrent des hausses incompatibles avec l’objectif de prix de 2%. Les anticipations de prix des ménages augmentent en mars à 5,4% à l’horizon d’un an. Le point mort à 10 ans s’échange désormais à près de 300 points de base. La Réserve fédérale devrait donc procéder à un relèvement des taux le 16 mars, probablement de 25 points de base, qui coïncidera avec la fin du QE. Le resserrement quantitatif pourrait aussi être anticipé et mené conjointement au cycle de hausses des Fed funds. L’objectif du QT sera de limiter les pressions à l’aplatissement. La hausse du dollar et les tensions naissantes sur les marchés interbancaires retiendront cependant l’attention des banquiers centraux. Cela étant, les risques liés à la croissance américaine restent mesurés à ce stade, compte tenu notamment de l’excédent de la balance énergétique.

Le marché des actions est déconnecté des fondamentaux et ne semble dépendre que de la perception des risques immédiats par les investisseurs. Le manque de visibilité sur les bénéfices 2022 requiert une prime de risque. Les rachats de positions vendeuses sont souvent violents au cours des marchés baissiers et la séance de mercredi (+7% sur l’Euro Stoxx 50) en est l’exemple. L’exposition à la Russie (bancaires, distribution alimentaire) est évidemment pénalisante, mais il est frappant de constater l’homogénéité des performances sectorielles sur la semaine. Les rachats sur les fonds d’actions européennes sont massifs depuis le début de l’invasion russe. L’Euro Stoxx 50 s’inscrit en baisse de 16% en 2022.

Le marché du crédit est sous pression, à l’instar des actions. Aux États-Unis, une transaction attirait néanmoins 90 milliards de demande, signe que les marchés fonctionnent. En Europe, les spreads IG se situent autour de 150 points de base contre Bund. L’iTraxx XO s’est toutefois détendu d’environ 50 points de base par rapport à ses plus hauts récents. Le marché du high yield (456 points de base) reste vendu.

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