La Fed face aux politiques, une longue histoire

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Depuis Trump, les pressions politiques se sont renforcées sur la Fed. Le second mandat de Powell ne fera pas exception à la règle.

Les pressions politiques sur la Fed sont une tradition. En avril 1942, pressé par l’entrée en guerre des Etats-Unis et par des débuts militaires difficiles – l’armée américaine vient d’évacuer les Philippines, battant en retraite devant le Japon – le Secrétaire d’Etat au Trésor demande à Marriner Eccles, le Président de la Fed, nommé dès 1934 par Roosevelt, de renoncer à son objectif de stabilité des prix pour financer l’effort de guerre. 

S’ensuivront neuf ans de taux artificiellement bas et de monétisation de la dette, jusqu’au «compromis de 1951», ouvrant la voie à un fonctionnement plus autonome, et malgré un déficit budgétaire qui explose en raison de la guerre de Corée.

Désireux de remplir son mandat de stabilité des prix, Powell remonte par quatre fois les taux en 2018, s’attirant l’ire de Trump.

Le mandat de Donald Trump a renoué avec fracas avec cette tentation du politique de peser de tout son poids sur la banque centrale du pays pour faciliter l’atteinte de ses objectifs économiques. Quelques mois après avoir refusé de prolonger Janet Yellen, trop proche du parti démocrate pour lui plaire malgré une approche monétaire très accommodante donc favorable à ses projets de relance fiscale massive, les pressions se sont multipliées sur le nouveau président Jerome Powell.

Il faut dire qu’à son arrivée, en février 2018, l’inflation semble repartir. En juillet l’indice CPI, porté par la hausse du pétrole, atteint 2,9%, bien au-dessus de la cible de 2%, et ne reflue que lentement vers 1,9% en décembre.

Désireux de remplir son mandat de stabilité des prix, Powell remonte par quatre fois les taux en 2018, s’attirant l’ire de Trump, furieux devant les coûts de financement qui remontent et le risque de refroidissement d’une croissance dont il fait son premier argument électoral. Sans compter les marchés qui dévissent brutalement en décembre conduisant à la baisse du Dow Jones de près de 3% le 24 décembre, une journée traditionnellement très calme! 

Cette fois-ci, ce sont les pressions inflationnistes et leurs conséquences sociales qui sont au cœur des préoccupations des politiques.

Ces attaques incessantes finissent par porter leurs fruits: en janvier 2019, Powell cède et replace publiquement la croissance et l’emploi au sommet de ses priorités, devant la stabilité des prix. Son soutien à une politique de taux bas et de conditions de financement favorables pour le Trésor et les marchés ne se démentira plus tout au long de ce premier mandat.

Le second mandat de Powell va commencer début 2022 sous les mêmes auspices, mais à front renversé. Cette fois-ci, ce sont les pressions inflationnistes et leurs conséquences sociales qui sont au cœur des préoccupations des politiques.

Avec un indice CPI supérieur à 6%, au plus haut depuis 30 ans, les inquiétudes de l’administration de Joe Biden se font de plus en plus vocales, d’autant plus que certains secteurs très sensibles comme le logement, font face à des tensions encore plus importantes. 

Powell devra donc trouver un modus videndi avec son actionnaire. Le moindre des paradoxes n’étant pas que l’émergence d’un nouveau variant, avec son cortège d’incertitudes sanitaires, puisse lui accorder ce luxe si prisé par les banquiers centraux de la planète: du temps pour décider.

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