La COP15 a envoyé un signal sans ambiguïté sur le besoin urgent de valoriser la nature

Peter Harrison, Schroders

3 minutes de lecture

Le monde mobilise plusieurs milliards en faveur de la biodiversité aujourd'hui, mais ce sont des milliers de milliards qui sont nécessaires, et rapidement.

©Keystone

En ce début d'année 2023, la nature et la biodiversité sont plus que jamais sous le feu des projecteurs. La COP15, le sommet des Nations Unies sur la biodiversité, a abouti à une véritable percée pour stopper le déclin mondial de la nature d'ici 2030.

Mais pour que cette ambition devienne une réalité, cela doit également se traduire par un tournant pour l'investissement dans la nature. Nous mobilisons peut-être des milliards aujourd'hui, mais nous avons besoin de milliers de milliards, et rapidement. Le financement privé aura un rôle essentiel à jouer, déployé de manière équitable et efficace, en parallèle des fonds publics. Ceci n'est pas négociable pour un monde qui cherche à tracer la voie vers un avenir positif pour la nature.

Bien que certains commentaires aient rapporté le «peu d’attention» portée à la COP15 par rapport à son équivalent climatique, la COP27, le cadre convenu envoie un signal indiquant que les entreprises et les acteurs de la finance ne peuvent ignorer.

Le risque naturel fait partie intégrante du risque et des rendements d'investissement.

L'espoir était celui d'un «Accord de Paris pour la nature» et il ne fait aucun doute que cette entente constitue une étape majeure dans les efforts de protection de la nature, avec des résultats incluant l’objectif de protéger 30% de la nature sur Terre d'ici 2030.

Comme l'a dit notre responsable mondial de l'investissement durable Andy Howard, qui a assisté à la conférence mondiale au nom de Schroders, les investisseurs n'ont pas d’autre choix que de s'exposer ou de s'engager dans cette voie.

En d'autres termes, le risque naturel fait partie intégrante du risque et des rendements d'investissement, et les entreprises transnationales et les institutions financières seront de plus en plus tenues de communiquer les risques, les dépendances et les impacts sur la nature.

Bien qu'il reste encore beaucoup à faire, une chose est claire: le changement est à prévoir, et il dépendra des données sur notre monde naturel et des impacts de l'économie réelle.

Par exemple, en Afrique, une équipe d'universitaires de Natcap Research, entreprise dans laquelle Schroders a investi l'année dernière, utilise les données satellitaires et l'apprentissage automatique pour identifier les domaines à fort potentiel de séquestration et de stockage du carbone au Ghana et en Sierra Leone.

Pour les sites prioritaires, ils ont effectué des évaluations détaillées des unités de carbone potentielles à un niveau de précision supérieur à celui qui était auparavant disponible. Cette approche innovante offre aux investisseurs une plus grande certitude quant à leur rendement carbone et permet aux projets fondés sur la nature de maximiser les résultats pour le climat et la nature.

Au Royaume-Uni, leurs scientifiques ont mis au point un moyen de modéliser le carbone stocké dans les sols à une profondeur de 30 cm et établi des échelles spatiales très précises sur cinq mètres carrés. Cette modélisation à distance peut être utilisée pour guider la collecte de données sur les marchés du carbone et réduire le besoin d'effectuer un échantillonnage sur le terrain coûteux. Il s'agit d'une avancée scientifique majeure qui, combinée aux autres efforts de recherche, permet d'ouvrir de nouvelles possibilités de valorisation de la nature.

Quels arbres ou mangroves doit-on planter, et où? Comment connecter les espaces verts pour favoriser un développement exponentiel de la biodiversité? Quelle quantité de carbone les sols peuvent — et pourraient-ils — stocker avec des pratiques agricoles régénératives? Quel est l'intérêt à soutenir les pollinisateurs et les risques à ne pas le faire?

Ces questions — et les données qui permettent d’y répondre — sont essentielles, une fois les objectifs politiques définis et les engagements financiers pris, pour générer un impact réel sur le terrain, partout dans le monde. Les efforts collectifs des chercheurs ont commencé à apporter des réponses à ces questions.

Le cadre convenu à Montréal doit se concrétiser par un alignement rapide et en profondeur sur les politiques et les mesures incitatives.

Cela soulève également des questions relatives à la responsabilité fiduciaire pour les investisseurs comme Schroders, qui détiennent des actifs et des participations dans des entreprises ayant un impact sur la nature. L’investissement dans la nature peut générer à la fois des rendements et de l'impact, tandis que le fait de ne pas tenir compte du risque naturel engage la responsabilité des entreprises et de leurs investisseurs. Cette question est importante pour les entreprises. C'est pourquoi chez Schroders, nous avons lancé un plan pour la nature à l'échelle de l'entreprise, et nous sommes déterminés à mieux mesurer, rendre compte et améliorer l'impact de nos investissements sur le capital naturel.

Des données améliorées nous permettent de faire le lien entre la science et la pratique, entre la politique et le déploiement du capital. Cela peut se traduire par une communication plus sophistiquée sur les impacts, un dialogue plus actif avec les entreprises et de nouveaux produits et solutions de soutien du capital naturel dans les actifs privés.

Les normes de reporting en matière de nature et de biodiversité pour refléter ces informations progressent également à un rythme rapide. Les entreprises ont commencé à tester l'utilisation des méthodologies du Groupe de travail sur la publication d'informations financières relatives à la nature (TNFD) et de l’initiative Science Based Targets for Nature (SBTN) — équivalents des cadres climatiques largement adoptés — et l’International Sustainability Standards Board (ISSB) s'appuiera sur ces efforts pour aider à établir des normes internationales en matière de perte de capital naturel.

Soyons clairs : la réalité est qu'aujourd'hui, nous sommes loin de disposer des financements nécessaires pour préserver le monde naturel qui soutient notre économie et notre société. L'accord de la COP15 vise à combler l'écart de financement d'environ 700 milliards de dollars entre ce que nous dépensons pour protéger la nature chaque année et ce que nous devons dépenser d'ici 2030.

L'appétit des investisseurs est bien réel. L'enquête Global Investor Survey de Schroders publiée le mois dernier a montré que 63% des investisseurs souhaitent que les gérants de fonds se concentrent sur l'engagement en faveur du capital naturel et de la biodiversité auprès des entreprises, soit plus que le climat (59%).

Pour atteindre réellement l'ampleur des flux financiers requis, le cadre convenu à Montréal doit se concrétiser par un alignement rapide et en profondeur sur les politiques et les mesures incitatives (et dissuasives) — comme ce qui se produit de plus en plus pour le changement climatique. Et cela favorisera un meilleur partage des données, y compris la communication d'informations de la part des entreprises.

A lire aussi...