La Chine sous le contrôle des Xi-men

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

2 minutes de lecture

La poursuite de la croissance chinoise ne peut reposer sur le commerce extérieur.

Il y a longtemps que plus personne n’adhère à la thèse selon laquelle l’intégration de la Chine à l’économie mondiale amènerait le régime politique à s’assouplir. Son adhésion à l’OMC aurait dû la placer dans le moule des «dragons asiatiques». En fait, la Chine n’est pas devenue plus coopérative. C’est un compétiteur autant sinon plus qu’un débouché pour les pays développés. Depuis que Xi Jinping est au pouvoir, elle n’a cessé d’affirmer sa prétention à dominer les domaines géopolitique, militaire et technologique.

Le développement économique relégué au second plan

Pour confirmer que l’économie n’est plus la priorité des autorités chinoises sous le règne de Xi Jinping, la mésaventure récente subie par les statisticiens chinois est assez parlante. L’ouverture du 20e Congrès du Parti Communiste Chinois (PCC) coïncidait avec la publication des données de PIB, de production industrielle, de ventes au détail, de chômage, de commerce extérieur, etc. Mais personne ne s’était avisé à l’avance que le haut dignitaire chargé de donner son feu vert à cette publication ne serait pas disponible avant une semaine. Ces chiffres sont sortis une fois le Congrès terminé.

Par ailleurs, des data-crunchers ont noté que depuis 2012, date d’accession de Xi Jinping à la tête du PCC, l’office statistique national publiait de moins en moins de statistiques. Certes des milliers de ces séries n’avaient pas grande valeur, traduisant des cibles politiques plutôt que la réalité, mais ce travail d’offuscation est typique de la volonté des autorités chinoises de ne pas se conformer aux standards internationaux des économies de marché. Le communisme il est vrai n’a jamais fait bon ménage avec la vérité. Le 20e Congrès ayant renforcé le contrôle du président Xi et de ses hommes, on doute que les choses changent.

Le potentiel de rattrapage avec les pays développés est large mais l’histoire du développement montre que la convergence économique n’a rien de garanti.
Quelle est la situation de l’économie chinoise?

Au printemps dernier, une bonne partie du pays étant confinée après la découverte de nouveaux foyers de virus, le PIB réel avait baissé de 2,7% t/t. Au troisième trimestre, les restrictions sanitaires étant moindres, le PIB réel a rebondi de +3,9% t/t. La croissance annuelle sera malgré tout décevante, au voisinage de 3-3,5%, très au-dessous des 5,5% visés par le gouvernement en début d’année. Cette mauvaise performance tient surtout aux contraintes pesant sur la mobilité des personnes et sur le secteur de la construction.

En 2020, presque tous les pays au monde avaient répondu au virus de la même manière en fermant leur économie lors des vagues de contamination, pour la rouvrir ensuite. Seule la Chine a continué de pratiquer ce «modèle» de stop-and-go jusqu’à aujourd’hui à la demande expresse du président chinois. L’élévation au rang de numéro 2 du régime de l’ancien chef de Shanghai, l’une des métropoles les plus durement frappées par les confinements, montre qu’il n’a aucun regret d’avoir voulu cette politique – sans manquer d’en souligner la supériorité par rapport à l’Occident dans le respect de la vie humaine. La politique zéro-Covid bride les déplacements et la consommation de masse et pèse directement sur la demande intérieure. A ces restrictions-Covid s’ajoute la purge du secteur immobilier qui s’est accélérée depuis un an avec les déboires du promoteur Evergrande.

Une marge de progression limitée

Alors que Xi Jinping entame un troisième mandat de cinq ans, ce qui est inédit depuis la fin de l’ère Mao, quelles sont les perspectives économiques? En 2022, le PIB chinois par tête est estimé autour de 14’500 dollars par tête. En comparaison, l’Inde, l’autre géant démographique, est à 2'500 dollars, le Japon et la Corée du Sud au voisinage de 34'000 dollars, l’Union européenne à 39'000 dollars et les Etats-Unis à plus de 75'000 dollars. Le potentiel de rattrapage avec les pays développés est large mais l’histoire du développement montre que la convergence économique n’a rien de garanti. Le cas est fréquent de pays passant de la pauvreté à un revenu médian, mais ne parvenant pas à s’extraire de cette zone. Sur la dernière décennie, la Chine n’est pas tombée dans ce piège, continuant de combler du terrain par rapport au niveau de vie américain. La progression toutefois est très lente, au mieux linéaire. Le FMI projette que le PIB par tête chinois passerait de 18% du niveau américain aujourd’hui à seulement 22% en 2027.

En termes d’enrichissement relatif, la Chine est dans la situation où, par le passé, des pays tels que le Japon, Taiwan ou la Corée du sud avaient connu une vive accélération de leur croissance par rapport aux Etats-Unis. Rien de tel ne se profile dans le cas chinois. Le succès du Japon puis des «dragons asiatiques» est venu des exportations. Le Japon pesait 4% du commerce mondial en 1961; la Corée 2% en 1987. Ces pays pouvaient alors gagner d’importantes parts de marché. La Chine pèse déjà 15% des échanges, ce qui limite sa marge de progression. La poursuite de la croissance chinoise ne peut reposer sur le commerce extérieur mais plutôt sur l’approfondissement de son marché intérieur. La question-clé est de savoir si le régime politique rend possible cette évolution. On peut avoir quelques doutes. En outre, le basculement démographique a déjà eu lieu.

A lire aussi...