L-QIF: un nouveau véhicule de droit suisse

Julien Dif, The Governance Law Firm

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Le Limited Qualified Investor Fund est une structure apte aux placements alternatifs et à la détention de patrimoine.

Depuis plusieurs décennies, la Suisse bénéficie d’un renom considérable en tant que lieu de distribution de fonds de placements collectifs, tandis que sa performance en termes de production de telles structures demeure modeste. Afin de mieux se positionner envers la concurrence internationale à ce sujet, elle a modifié sa législation des marchés financiers, notamment en vue de créer de nouveaux instruments d’investissement.

Parmi ces efforts, force est de mentionner le L-QIF, qui est disponible dès mars 2024. Il s’inspire explicitement du fonds d'investissement alternatif réservé (FIAR), véhicule luxembourgeois qui connaît un succès remarquable depuis son introduction en 2016. Le fonds suisse ressemble aussi à d’autres structures, dont le Qualifying Alternative Investment Fund et le Notified Alternative Investment Fund, prévus par les lois irlandaise et maltaise, respectivement. L’idée sous-jacente commune à ces véhicules consiste à compenser l’absence d’une surveillance directe en surveillant l’entité chargée de leur gestion et en les réservant aux seuls investisseurs sophistiqués. De toute évidence, une telle atténuation réglementaire réduit de manière non-négligeable tant le temps que les coûts d’établissement du fonds.

Ainsi, le L-QIF n’est pas sujet à l’obligation d’obtenir une autorisation et une approbation de la part l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). En contrepartie, il est soumis à deux restrictions.

D’une part, le cercle des investisseurs éligibles se limite aux investisseurs qualifiés au sens du droit suisse. Ceux-ci comprennent les investisseurs professionnels, qui incluent les investisseurs institutionnels (p.ex. intermédiaires financiers, entreprises d’assurance suisses, clients étrangers soumis à une surveillance équivalente) ainsi que les institutions de prévoyance professionnelle, les entreprises disposant d’une trésorerie professionnelle, les grandes entreprises et les structures de placements privés ayant une trésorerie professionnelle instituées pour les clients fortunés. Sont également classés comme investisseurs qualifiés les clients fortunés et les structures de placement privées créées en faveur de ceux-ci qui ont déclaré qu’ils souhaitent d’être considérés comme des clients professionnels (opting-out). Enfin, ils comportent les clients privés à qui un intermédiaire financier suisse ou étranger fournit, dans le cadre de relations de gestion de fortune ou de conseil en placement établies sur le long terme, des services de gestion de fortune ou de conseil en placement. D’autre part, conformément au principe de surveillance indirecte, le L-QIF ne peut être géré que par des institutions financières qui sont surveillées par la FINMA.

Le nouveau véhicule suisse est singulièrement adapté à des investissements alternatifs et à des stratégies innovatives. En effet, sous réserve du respect de l’ordre juridique, il peut effectuer tous les placements possibles. Les techniques d’investissement ne sont soumises à aucune restriction. Pouvant être librement combinés, les actifs éligibles sont quasiment illimités. Ainsi, ils comprennent des objets aussi divers que des valeurs mobilières, des parts de placements collectifs, des produits structurés, des biens immobiliers, des projets d’infrastructure, des cryptomonnaies, du vin, des œuvres d’art ou des voitures de collection. De surcroît, le L-QIF ne fait pas l’objet de la moindre limitation quant à la répartition des risques, dépassant en cela son précurseur luxembourgeois. Exempté de l’obligation de produire un prospectus et d’une feuille d’information de base, il doit cependant divulguer son approche à l’investissement dans la documentation de fonds.

Dans la mesure où, contrairement à la version initiale du texte législatif, les investisseurs n’ont pas besoin d’être indépendants, le L-QIF se prête aussi à la détention des patrimoines familiaux par le biais des family offices. Il aura également vocation d’intervenir dans des situations de succession. Par exemple, en cas d’héritage, certains actifs, tels qu’un immeuble ou un portefeuille d’actions, résistent, du fait de leur nature, à un partage aisé. En revanche, leur transfert dans un placement collectif, comme le L-QIF, permet aux héritiers de recevoir une part du patrimoine intéressé.  

La nouvelle structure suisse ne peut revêtir que l’une des trois formes légales qui suivent: le fonds contractuel et la société d’investissement à capital variable (SICAV), pour des fonds ouverts, ainsi que la société en commandite de placements collectifs (SCmPC) ) s’agissant des fonds fermés. Comme dans le cas du FIAR, le L-QIF peut être ultérieurement converti dans un véhicule réglementé soumis à surveillance, notamment en vue d’ouvrir le placement pour les clients de détail.

Fortement attendu par la communauté financière, y compris par ceux désireux de rapatrier des fonds offshore, le L-QIF constitue une innovation importante pour le marché helvétique. Il est susceptible d’y promouvoir les domaines des placements alternatifs et des family offices.

Cela dit, le nouveau véhicule ne saurait pas supprimer les autres obstacles auxquels les fonds suisses font face, notamment l’accès limité au marché unique ainsi que certaines particularités du droit relatif à l’impôt anticipé.

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