La pandémie peut-elle favoriser l’égalité?

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

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Il est possible que la crise actuelle contribue à une nouvelle ère plus égalitaire. Un premier test sera l’élection présidentielle aux USA en novembre.

Les statistiques de l’emploi américain pour le mois d’avril, publiées le 8 mai dernier, dépeignent la situation dramatique des ménages à faible revenu. L’emploi dans le secteur de l’hôtellerie et des loisirs a chuté de 47% et représente 38% des 20,5 millions d’emplois perdus en avril. Ces travailleurs se trouvent en règle générale dans la partie basse de la fourchette des revenus. Leur disparition du calcul a entrainé une poussée du revenu horaire moyen, en hausse de presque 8% par rapport au même mois en 2019, traduisant la destruction des emplois les moins rémunérés. Le taux de chômage total s’élève à 16,4%, mais à 21,2% pour les personnes non-diplômés de l’enseignement secondaire.

Plus la crise dure, plus la probabilité que les licenciements
temporaires deviennent permanents est importante.

Ces statistiques ont également révélé que près de 80% des 20,5 millions d’emplois perdus sont temporaires. Il se peut que ces personnes retournent rapidement au travail une fois les mesures de confinement levées. Mais, il se peut aussi que ces licenciements temporaires touchent notamment les personnes à faible revenu travaillant dans l’hôtellerie et les loisirs, auquel cas le risque que leur employeur fasse entre temps faillite est élevé. Plus la crise dure, plus la probabilité que les licenciements temporaires deviennent permanents est importante.

A la lecture de ces chiffres, il n’y a qu’un pas pour conclure que l’inégalité augmente aux Etats-Unis. L’inégalité de la distribution des revenus, souvent mesurée par le coefficient Gini (où 1 signifie une distribution parfaitement inégale et 0 une distribution parfaitement égale) a connu une hausse importante aux Etats-Unis à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, marquant un plus haut en 1929, au début de la Grande dépression. Puis, le coefficient a atteint un plus bas en 1945 et s’est ensuite à nouveau élevé jusqu’à atteindre pratiquement son plus haut niveau aujourd’hui. On se demande, alors, ce qui a pu provoquer l’amélioration constatée entre 1929 et 1945. Une réponse est donnée par Walter Scheidel, historien, qui dans son ouvrage «The Great Leveller» énonce quatre manières de réduire les inégalités: guerre, révolution, échec de l’Etat, et pandémie.

Aux Etats-Unis, les «New Deals» ont placé le parti démocrate
à la Maison Blanche pour sept des neuf mandats présidentiels entre 1933 et 1969. 

Franklin Delano Roosevelt, a pris ses fonctions entre deux guerres, suite à une pandémie, et faisant face à l’échec de l’Etat devant la Grande dépression qui s’est abattu de 1929 à 1939 sur le pays. La révolution, c’est plutôt lui qui l’a créée. Les «New Deals», car il y en a eu plusieurs, ont été implémentés entre 1933 et 1939. Des réformes profondes ont été mises en place, incluant la création du système de sécurité sociale, et la protection des dépôts en banque, pour n’en nommer que deux. Le système de transferts fiscaux entre les Etats a également vu le jour à cette époque. Les New Deals étaient une extension très importante de l’Etat providence qui se résume en trois piliers: protection pour les chômeurs, soutien en faveur d’une reprise de l’activité économique, et réforme du système financier. Très appréciées par la population qui avait énormément souffert, ces réformes ont placé le parti démocrate à la Maison Blanche pour sept des neuf mandats présidentiels entre 1933 et 1969. 

L’histoire ne se répète pas toujours, certes, mais il est possible que la crise actuelle contribue à une nouvelle ère plus égalitaire, après un premier effet négatif. Un premier test sera bien sûr l’élection présidentielle aux Etats-Unis en novembre. Après les multiples plans de relance et de soutien, il est temps pour un Real Deal, et pour des solutions réels et durables.

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