L’Italie est revenue au centre du jeu européen. Par ses maux mais aussi par ses atouts et ses efforts, elle symbolise à elle seule les espoirs et les craintes du Vieux Continent.
Le Brexit et l’affaiblissement du couple franco-allemand remettent l’Italie au centre du jeu politique en Europe. L’Allemagne, avec une coalition déchirée par le coup de tonnerre en Ukraine, n’est plus cette locomotive admirée et résiliente capable d’emmener toute l’Europe centrale, orientale et septentrionale derrière elle.
La France est empêtrée dans les affres d’une assemblée divisée qui menace de paralyser tout programme de réformes. Quant au Royaume-Uni, il ne peut plus jouer les médiateurs entre les deux voisins du Rhin. Reste donc l’Italie
Depuis l’arrivée au pouvoir de Mario Draghi, en février 2021, le pays a retrouvé de la stabilité et de la crédibilité internationale. Il est régulièrement en première ligne dans les efforts diplomatiques européens pour maintenir les fils du dialogue avec la Russie.
L’ambigüité de ses relations avec la Russie est le premier volet de l’exemplarité européenne de l’Italie. A l’origine très dépendante du gaz russe (40% de ses approvisionnements énergétique), l’Italie a progressivement réduit ce chiffre à 25% pour ses besoins en énergie, grâce essentiellement à un accord avec l’Algérie annoncé le 24 juin dernier, et à l’acquisition mi-mai et début juin de deux terminaux méthaniers flottants.
Par ailleurs, les liens d’affaires avec la Russie sont tels que l’impact des sanctions pourrait générer selon Confindustria une contraction de 1,2% cette année. En outre sur un patrimoine de 10 milliards d’euros des oligarques visés par des sanctions, près de 20% se trouverait en Italie. Quant à la Sardaigne, elle estime à 40 millions d’euros par an le chiffre d’affaires généré par les russes dans cette région pauvre. Comme ses partenaires, l’Italie doit donc tracer son chemin entre sanctions et pragmatisme.
Le second volet de l’exemplarité italienne est économique et monétaire. Le «spread» italien, cet écart de taux entre le 10 ans de la Péninsule et son homologue allemand, est le symbole des fragilités de la zone euro et de la «prime de désintégration» qui pèse en permanence sur elle et contraint l’action de la BCE.
C’est lui qui l’oblige à envisager une acrobatie périlleuse: dissocier l’outil conventionnel de sa politique monétaire, le niveau des taux d’intérêt, des outils non conventionnels, comme les achats d’actifs. C’est bien ce que prévoit le futur dispositif «anti-fragmentation»: poursuivre les achats de dettes tout en remontant progressivement les taux d’intérêt: audacieux et inédit !
Reste l’aspect purement économique, autant porteur de défis que générateur d’espoirs. L’Italie vit, encore plus que le reste de l’Europe, une grave crise démographique et pourrait perdre 20% de sa population en 50 ans selon l’Istat. Il lui faut donc investir sur son avenir.
Sur les 750 milliards d’euros du plan «NextGen EU», 191,5 lui sont destinés dont 123 milliards d’euros de prêts, trois fois plus que la totalité des autres pays de l’Union. La crédibilité de Mario Draghi et son tandem avec le président Sergio Mattarella ont permis de structurer une approche par grands thèmes pour accroître la croissance potentielle du pays. A l’image de l’Europe, elle n’a pas le droit d’échouer. Les regards, et les espoirs de ses partenaires, sont désormais tournés vers Rome.