L’intelligence artificielle: potentiel et dérives

Kirsty Gibson, Baillie Gifford

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Les investisseurs ont de bonnes raisons de se réjouir du potentiel à long terme de cette technologie.

La progression de l’IA est exponentielle, au point que ce qui paraissait extraordinaire hier devient banal aujourd’hui. En 2012, lorsque Google a développé une IA capable de reconnaître les chats présents dans des images vidéo, l’avancée avait été qualifiée d’historique. A présent, n’importe quel smartphone peut identifier automatiquement toutes sortes d’animaux domestiques dans des images enregistrées. Mais en juillet 2022, une nouvelle percée était annoncée par DeepMind. Cette société sœur de Google dédiée à l’IA affirmait avoir développé une IA capable de prédire la structure de presque toutes les protéines connues.

L’élément le plus intéressant pour les investisseurs est que des entreprises très diverses utilisent l’IA à des fins commerciales. Grâce à l’explosion du nombre de données qui s’est produite au cours des dix dernières années, cette technologie est susceptible de bénéficier à tous les secteurs de l’économie, du commerce électronique à la publicité en passant par l’industrie.

L'IA dope la biotech

Le secteur de la santé a été un précurseur dans l'utilisation de l'IA. De fait, la biologie humaine compte parmi les systèmes les plus complexes qui existent et elle peut être considérée comme un problème de «grands nombres», un champ d’application parfait pour une IA capable de repérer des structures au sein d’ensembles de données gigantesques. Et grâce à ses récents progrès, il devient possible de développer des outils de diagnostic plus précis ainsi que de nouveaux médicaments à partir de la structure des protéines responsables d’une maladie.

Le vaccin contre la Covid mis au point par Moderna en est un excellent exemple. L’entreprise a utilisé l’IA pour optimiser la conception de son ARN messager, porteur de toutes les informations nécessaires pour indiquer à l’organisme comment se protéger contre le virus. Par ailleurs, l’entreprise a utilisé l'IA pour automatiser les contrôles de qualité, ce qui lui a permis de réduire les contrôles manuels lorsque la rapidité était essentielle. Enfin, elle recourt également à l’IA pour prédire les mutations du virus, ce qui lui donne une longueur d’avance dans le développement d’un nouveau vaccin.

Dans l’industrie pharmaceutique traditionnelle, la mise au point d’un nouveau médicament prend en général plus d’une décennie et exige des milliards de dollars d’investissements et ce, alors que les chances de succès ne sont que d’environ 10% (les effets secondaires étant souvent trop importants). Les entreprises pharmaceutiques pratiquent donc des prix élevés pour compenser ces risques. Mais l’IA pourrait permettre de réinventer totalement ce modèle économique.

Prenons l’exemple d’Exscientia. Cette entreprise pratique l’ingénierie de précision pour élaborer des médicaments dont les molécules ont été conçues grâce à l’IA. Cette approche lui permet d’optimiser ses nouveaux remèdes tant sur le plan de leur efficacité que sur celui de la sécurité des patients.

Vers le sur-mesure

La biotech n’est pas le seul secteur à puiser dans le potentiel de l’IA. «The Trade Desk», une entreprise spécialisée dans la programmation marketing en temps réel utilise l’IA pour proposer des publicités spécifiques aux différentes personnes qui regardent un même programme télévisé à partir de supports connectés. Ce ciblage personnalisé n’est possible que parce que l’IA est en mesure de traiter 12 millions de publicités à la seconde!

Un autre exemple intéressant est celui de Lemonade. Cette entreprise opère une disruption au sein du secteur de l’assurance en recourant à des données auxquelles ses concurrents historiques n’ont pas accès et en utilisant une IA pour en tirer des conclusions. Cette IA pose généralement 13 questions à un client et recueille ainsi environ 1700 données, dont le temps de réponse du client aux différentes questions ou encore le fait qu’il ait lu ou non les conditions générales. A partir de toutes ces informations, l’IA établit le montant de la prime. Ainsi ce dernier n’est plus calculé à partir d’un échantillon de personnes aux profils similaires, mais il est basé sur les caractéristiques propres à un individu.

Considérations éthiques

Au-delà des réflexions portant sur le potentiel disruptif de l’IA, il est important de prendre en compte les éventuels usages abusifs de cette technologie. La question du «biais algorithmique» se manifeste lorsque cette dernière favorise injustement un groupe par rapport à un autre. Ce biais pourrait par exemple amener à octroyer des taux préférentiels ou au contraire à appliquer des tarifs plus élevés à certaines personnes, en raison de leur race ou de leur sexe, sans que ces facteurs aient été délibérément ciblés par les programmeurs.

En tant qu’investisseurs, il est important de prendre en considération ce type de problématiques et de savoir poser les bonnes questions lorsque nous engageons un dialogue avec les entreprises. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous parlons avec des experts comme la professeure Shannon Vallor, spécialiste des données et de l’IA au sein du «Futures Institute» de l’université d’Edimbourg. Elle nous aide à identifier les angles morts éventuels des champs d’application de l’IA.

À long terme

Certains futurologues ont comparé l'IA à l'électricité, la décrivant comme une technologie révolutionnaire qui va changer de nombreux aspects de la vie et entraîner une vague d’innovations. Même si une certaine prudence s’impose vis-à-vis de ce constat, les investisseurs ont de bonnes raisons de se réjouir du potentiel à long terme de cette technologie, tant sur le plan du changement que sur celui de la croissance. L’IA transforme déjà des industries entières et de nombreux développements sont encore à venir: les opportunités sont donc considérables.

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