L’inflation, un retour durable? – Perspectives 2022 selon Indosuez WM

Vincent Manuel, Indosuez Wealth Management

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L’économie mondiale pourrait caler en raison des contraintes d’offre et d’approvisionnement.

En l’espace d’une année, quel renversement de perspective! Les gouvernements, banquiers centraux, économistes et investisseurs sont passés de la peur du vide créé par une récession auto-infligée à la crainte des déséquilibres d’une reprise presque trop rapide. L’économie mondiale pourrait caler en raison des contraintes d’offre et d’approvisionnement, avec un risque de devoir vivre avec une inflation – modérément - plus élevée, et de manière moins temporaire que prévu. 

L’ironie du sort veut que ce soit précisément l’auteur de la thèse de la «stagnation séculaire» (Larry Summers) qui ait été l’un des premiers à tirer la sonnette d’alarme, en début d’année, sur le risque de surchauffe des plans de relance dans un contexte de reprise déjà très forte. Le risque serait donc que nous soyons en train de nous tromper de logiciel, comme ce fut le cas par le passé: conserver des mesures keynésiennes de soutien monétaire et budgétaire à la demande face à une crise de l’offre.

INFLATION: VERS UN CHANGEMENT DE PARADIGME?

Là aussi, le renversement de perspective avec la décennie précédente est frappant: après avoir passé une décennie à tenter sans succès de raviver les anticipations d’inflation, avec des programmes d’achats d’actifs qui ont eu davantage pour effet de faire monter le prix des actifs, les banques centrales du monde entier cherchent maintenant à concilier le soutien à une reprise encore chaotique et le besoin de normaliser leur politique monétaire face à une inflation supérieure à la cible. Cela, tout en devant de facto maintenir une dette publique soutenable. Nous voilà revenus dans l’équation des banques centrales des années 1960, à l’époque de  la fiscal dominance. La thèse de la «japanification» de l’économie européenne semble désormais bien loin!

Au-delà des enjeux d’inflation propres à ce moment du cycle, une autre thèse est aujourd’hui fortement débattue parmi les économistes: le maintien ou non de facteurs structurellement déflationnistes dans nos économies. 

Pendant trois décennies, le triptyque vieillissement/mondialisation/digitalisation - amplifié aussi par l’individualisation des conditions de travail ainsi que par un excès d’épargne et un investissement faible - s’est traduit par une inflation autour de 1% en Europe. Si certains de ces facteurs devraient perdurer (digital et démographie en tête), il est possible que le facteur mondialisation, et notamment la concurrence par les bas salaires, s’atténue.

DE NOUVEAUX MARQUEURS À PRENDRE EN COMPTE

L’inflation revêtant une dimension politique, sociale et émotionnelle forte, en raison de la mémoire collective de pays européens ou latino- américains marqués au fer rouge par l’hyperinflation, il est logique que cette résurgence de tensions sur les prix conduise à des craintes excessives de retour à une inflation non contrôlée. Le danger consisterait donc à décréter un retour définitif et durable de l’inflation, thèse à laquelle nous ne souscrivons pas.

Le plus probable est plutôt que cette poussée de fièvre retombe progressivement au cours de l’année 2022, mais que l’inflation se stabilise à un niveau plus haut que lors de la décennie précédente. In fine, il se pourrait bien que l’inflation porte la marque de fabrique des préférences sociales et des contraintes politiques de cette nouvelle décennie : une conscience plus aiguë du caractère non soutenable des inégalités, du dérèglement climatique, ajoutée au besoin d’alléger les ratios d’endettement sans recourir aux politiques de rigueur. Une équation sans doute favorable à un régime d’inflation un peu plus élevé.

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