L’euro est-il trop bas face au dollar?

Alexandre Baradez, IG Bank

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En cette fin 2021 marquée par une poussée continue des prix en Europe et aux USA, le niveau de l’euro interroge.

L’inflation aux Etats-Unis a atteint 6,8% en novembre soit la plus forte poussée des prix depuis 1982. La zone euro n’est pas en reste avec un inflation de 4,9%, soit son plus haut niveau depuis…1991!

Le président de la Fed a reconnu récemment qu’on ne pouvait plus qualifier ce phénomène de transitoire même s’il pense qu’une décrue des prix sera visible au second semestre 2022, un horizon de temps évidemment repoussé par rapport à ses prévisions initiales. Du côté de la BCE il faudra attendre jeudi pour connaître la position officielle de l’institution monétaire même si certains de ses membres comme Isabel Schnabel ont estimé que le pic d’inflation serait atteint au cours de ce trimestre.

Même si la poussée des prix est plus que conséquente en zone euro, le différentiel avec les Etats-Unis a propulsé le dollar face à l’euro et à plusieurs devises majeures. Le Dollar Index qui suit l’évolution du dollar face à un panier de devises majeures a atteint fin novembre son plus haut niveau depuis juillet 2020 avec un progression de 8,7% depuis le point bas de cette année.

La forte poussée des prix aux Etats-Unis cette année est également accompagnée depuis plusieurs mois par une progression des salaires, activant ainsi la fameuse boucle prix-salaire qui fait habituellement réagir les banquiers centraux. L’inflation devient également un sujet très politique aux Etats-Unis, le président américain ayant fait comprendre qu’il s’agissait d’une priorité depuis plusieurs semaines. Cette hausse des prix n’a pour l’instant pas de conséquences sur la consommation mais le faible niveau de confiance des consommateurs américains peut toutefois faire planer un doute pour les mois à venir, même s’il peut être aussi influencé par l’évolution de la situation sanitaire (variants Delta/Omicron) et pas seulement des prix. L’indice de confiance des consommateurs mesuré par l’Université du Michigan est dernièrement ressorti à 70, très loin des niveaux de 2018 et 2019 où il évoluait entre 90 et 100.

Le bilan de la BCE représente désormais près de 80% du PIB de la zone euro alors que le bilan de la Fed représente tout juste 40% du PIB américain.

La crainte d’un impact à venir sur la consommation, si la progression des prix ne se calme pas rapidement, est bien là et la Fed va devoir ajuster sa politique monétaire en conséquence et ce, même si certains items influençant l’inflation se sont repliés ces dernières semaines comme les cours du pétrole ou du gaz aux Etats-Unis.  

L’ajustement agressif des Futures Fed Funds depuis 2 mois (probabilités de 60% pour une hausse de taux en mai et de 80% pour une hausse de taux en juin) et la hausse du dollar traduisent ce sentiment d’une action à venir de la Fed, ajustement qui pourrait être relativement «dynamique». Plusieurs membres de la Fed ont indiqué être favorables à un tapering qui prendrait fin en mars, ouvrant donc la voie à une première hausse de taux au second trimestre.

Mais cette surveillance de la Fed ne doit pas faire oublier la BCE: même si elle ne parle pas de tapering, le recalibrage des achats d’actifs est déjà en route et la fin du programme d’urgence PEPP est prévu en mars. Il est possible que le marché ait déjà bien «joué» la normalisation à venir de la Fed avec la hausse du dollar, il y a donc un risque de «sell the news» dans les semaines qui viennent et un pivotement possible de l’attention sur la BCE.

Il est important de rappeler que le bilan de la BCE représente désormais près de 80% du PIB de la zone euro alors que le bilan de la Fed représente tout juste 40% du PIB américain. L’expansion du bilan de la BCE ne va donc pas pouvoir se poursuivre à un rythme aussi effréné et les taux souverains en zone euro ne vont pas pouvoir rester aussi bas, avec une situation économique qui s’est largement améliorée depuis la première vague de Covid.

La baisse de l’euro semble donc relativement limitée désormais et le contact avec un niveau technique important pourrait générer quelques réactions des investisseurs pour des repositionnements haussiers face au dollar.

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