L’espoir d’un atterrissage en douceur fait grimper les actions

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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L’indice S&P 500 a récemment bondi grâce aux chiffres de l’inflation et de la consommation des ménages aux Etats-Unis.

©Keystone

Il y a dix jours, l’indice S&P 500 a progressé de 6,6%. En effet, les chiffres de l’inflation et de la consommation des ménages aux Etats-Unis ont fait renaître l’espoir d’un atterrissage en douceur de l’économie.

L’indice a ainsi mis un terme à sa plus mauvaise série (sept semaines consécutives dans le rouge) depuis l’éclatement de la bulle Internet en 2000. Le Nasdaq, qui fait la part belle aux valeurs technologiques, a terminé la semaine en question en hausse de 6,8%. Lundi passé, les actions ont poursuivi sur leur lancée en Europe, où l’Euro Stoxx 50 s’est adjugé plus de 1%.

Consommation des ménages en hausse

L’humeur des marchés s’est nettement améliorée depuis le 20 mai, lorsque l’indice S&P 500 a flirté avec l’entrée dans un marché baissier, avec un repli supérieur à 20% sur une base intrajournalière par rapport à son sommet historique de début janvier. Les résultats meilleurs que prévu des principales enseignes de la grande distribution aux Etats-Unis, depuis Dollar Tree jusqu’à Macy’s, ont éloigné le spectre d’un ralentissement de la consommation des ménages.

Ce regain d’optimisme s’est confirmé après l’annonce d’une augmentation de 0,9% de la consommation des ménages en avril, supérieure à l’estimation de 0,7%, conjuguée à une révision à la hausse du chiffre du mois de mars. Ces résultats remettent en question la fiabilité des chiffres tirés des enquêtes auprès des ménages, dont le moral serait au plus bas depuis 2011. Ces sondages semblent de plus en plus biaisées par des considérations politiques.

Faible progression de l’inflation

Les nouvelles sur le front de l’inflation ont également été encourageantes. L’indice des dépenses de consommation personnelles (Personal consumption expenditures – PCE), le baromètre de l’inflation préféré de la Réserve fédérale américaine (Fed), est ressorti en hausse de seulement 0,2% en glissement mensuel en avril. Il s’agit de sa plus faible progression depuis novembre 2020 après le bond de 0,9% enregistré en mars.

L’indice «core PCE», qui exclut les prix volatils de l’alimentation et de l’énergie, est ressorti en hausse de 0,3% lors des trois derniers mois. En glissement annuel, la hausse est de 4,9%, au plus bas depuis décembre.

Relèvements des taux moins rapides que prévu

De plus en plus optimistes quant à la possibilité que l’inflation ait déjà atteint son point culminant, les investisseurs tablent désormais sur un resserrement monétaire moins marqué aux Etats-Unis. Les contrats à terme sur les Fed funds (fonds déposés par les institutions financières qui ont des exigences de réserves obligatoires auprès des Réserves fédérales régionales) impliquent désormais un relèvement d’environ 253 points de base (pb) des taux directeurs en 2022, contre 265 pb la semaine dernière et un sommet de 285 pb début mai.

La publication du procès-verbal de la dernière réunion de la Fed suggère que ses responsables seraient prêts à espacer, voire suspendre, les relèvements de taux d’ici quelques mois. De nombreux participants ont estimé qu’un relèvement des taux en début d’année pourrait permettre au comité de politique monétaire d’être bien placé, plus tard dans l'année, pour évaluer les effets du resserrement.

Perte de vitesse du dollar

Le regain de confiance a enrayé le repli des investisseurs vers les valeurs refuge qui profite au dollar américain. Après avoir atteint son plus haut niveau depuis près de vingt ans au début du mois de mai, l’indice DXY a cédé 1,2% il y a dix jours et se situe désormais à environ 3% de son récent sommet.

Pendant ce temps, les indices élargis de matières premières ont retrouvé leurs sommets du mois de février. Le baril de brut Brent a atteint les 120 dollars.

A quoi faut-il désormais s’attendre?
  • Une décrue de l’inflation

Les récentes évolutions sont encourageantes et elles confortent dans l’idée que l’inflation enregistrera une décrue tout en demeurant supérieure aux objectifs des banques centrales, que l’activité économique ralentira tout en restant en expansion et que les marchés termineront l’année plus haut qu’à l’heure actuelle.

Néanmoins, il en faudra plus pour prédire la fin de la récente période de volatilité. Il est vrai que l’indice VIX, qui mesure la volatilité implicite des actions américaines, est retombé à 26,1 – un niveau cohérent avec des fluctuations journalières du S&P 500 d’environ 1,6% – après avoir culminé à 35 le mois dernier. Mais il reste au-dessus de sa moyenne de long terme. L’incertitude continue donc d’être forte quant à l’évolution des taux, du risque de récession et des tensions géopolitiques.

  • Un resserrement plus lent de la politique monétaire

S’agissant des taux d’intérêt, les récents développements indiquent que la modération de l’inflation et de la croissance permettra certainement à la Fed de resserrer plus lentement sa politique monétaire dans quelques mois. Les marchés semblent prendre confiance dans la capacité de la Fed à contenir l’inflation, à en juger par la baisse des points morts d’inflation à dix ans à 2,6%, contre 3,0% il y a quelques semaines.

Les données de l’indice PCE au mois d’avril démontrent également que l’inflation a, sans doute, déjà atteint son point culminant, d’autant que les goulets d’étranglement liés à la pandémie s’atténuent et que les comparaisons en glissement annuel deviennent plus favorables.

  • Une crainte persistante d’une spirale salaires-prix

Toutefois, la crainte d’une possible spirale salaires-prix devrait perdurer jusqu’à ce que les investisseurs décèlent une détente du marché de l’emploi. Les premières inscriptions au chômage ont commencé à augmenter et les données à haute fréquence relatives aux offres d’emploi suggèrent un fléchissement des créations de postes.

Cependant, la hausse du salaire médian en moyenne mobile sur trois mois est ressortie à 6% en avril, contre 3,2% il y a un an, selon le baromètre des salaires de la Fed d’Atlanta.

  • L’éloignement du spectre de la récession

Les récentes données sur les risques de récession sont également encourageantes. Les derniers chiffres relatifs à la consommation confirment que la contraction du PIB des Etats-Unis de 1,4% au premier trimestre était une anomalie statistique, largement imputable à l’augmentation du déficit commercial. Une nouvelle déception sur le front du PIB semble improbable dans la mesure où le déficit commercial des Etats-Unis s’est resserré de 15,9%, à 105,9 milliards de dollars en avril à la faveur d’une diminution des importations.

Les chiffres encourageants de la consommation des ménages en avril devraient éloigner le spectre de la récession. Néanmoins, le moral des ménages pourrait rester fragile, d’autant que le coût de la vie augmente avec l’inflation. Les ménages semblent puiser dans leur bas de laine pour consommer, à en juger par le taux d’épargne qui est tombé à 4,4% en avril, son plus bas niveau depuis septembre 2008, contre 5% en mars.

  • Des risques géopolitiques toujours présents

Enfin, les risques géopolitiques subsistent. La guerre en Ukraine semble de plus en plus s’inscrire dans la durée. Elle risque donc de perturber plus fortement l’approvisionnement en matières premières énergétiques et alimentaires, avec des prix plus élevés à la clé.

Il y a dix jours, la commissaire européenne à l’Energie, Kadri Simson, a prévenu qu’aucun pays de l’Union européenne (UE) n’était à l’abri d’une rupture d’approvisionnement en énergie en provenance de Russie. La compagnie russe Gazprom a déjà coupé le gaz à la Pologne, à la Bulgarie et à la Finlande.

Les dernières nouvelles en provenance de Chine suggèrent une poursuite de la levée des restrictions de déplacement. A Shanghai, les autorités ont annoncé la levée de nombreuses restrictions à l’activité économique dès le 1er juin, ainsi que des mesures de relance. Du côté de Pékin, certaines lignes de transport public ont rouvert et davantage d’activités récréatives sont autorisées.

Comment investir?

Même si les récents développements confortent dans l’idée que les marchés peuvent terminer l’année à un niveau plus élevé qu’aujourd’hui, la Recherche d’UBS est d’avis que le moment est bien choisi pour privilégier les stratégies d’investissement qui résistent mieux à la volatilité des marchés. Tour d’horizon.

1. Se préparer à la volatilité

Les fluctuations marquées sont inévitables car les anticipations des marchés évoluent à chaque fois qu’un indicateur est publié, accréditant tel ou tel scénario économique. Il convient de recourir aux options pour améliorer les structures de rendement et de s’intéresser aux stratégies de gestion du «drawdown» (écart enregistré entre le point le plus élevé et le plus bas d'un placement sur une période donnée).

Un pic de volatilité, notamment sur le marché des changes, peut également servir à améliorer le rendement des liquidités excédentaires. Il est conseillé de profiter de la vigueur du dollar américain pour vendre son potentiel d’appréciation en échange d’une prime.

Les monnaies matières premières (le dollar australien, le dollar néo-zélandais, la couronne norvégienne et le dollar canadien) présentent probablement le meilleur profil risque/rendement pour ce type de stratégies.

2. Investir dans les stratégies axées sur la valeur

Dans l’ensemble, la Recherche d’UBS estime que le scénario d’une inflation plus élevée est plus probable que celui d’une récession. Or, les valeurs décotées surperforment traditionnellement lorsque l’inflation dépasse 3%. Ainsi, elles surperformeront certainement les valeurs de croissance. Il convient donc de privilégier des secteurs comme l’énergie ou la santé.

3. Mettre en place des stratégies défensives

On peut préconiser d’investir dans les titres qui génèrent des revenus de qualité, dans les actions qui versent des dividendes et dans les valeurs de la santé. Autant de segments qui devraient surperformer en cas de récession et protéger les portefeuilles de la volatilité.

La Recherche d’UBS avait également recommandé le dollar américain mais elle considère désormais que sa valorisation reflète déjà en bonne partie le cycle de relèvement des taux de la Fed. Après des années de rendements faibles, voire négatifs, on décèle désormais quelques opportunités sur les marchés obligataires, notamment dans les titres investment grade à duration plus courte, qui peuvent aider un portefeuille à résister à une éventuelle récession.

4. Investir dans l’optique de l’avènement de l’ère de la sécurité

Alors que la guerre en Ukraine se poursuit, les gouvernements et les entreprises s’adaptent à cette ère de la sécurité sur plusieurs plans (énergie, cyberdéfense, défense nationale et approvisionnement en denrées alimentaires).

A court terme, l’accent mis sur la sécurité alimentaire et énergétique crée des tensions sur plusieurs marchés de matières premières, dont les cours devraient grimper dans les mois à venir. Il convient donc de se positionner sur les matières premières dans leur ensemble.

A plus long terme, la demande pour les systèmes d’automatisation et de robotique, ainsi que pour les solutions zéro carbone, de cybersécurité et d’amélioration des rendements agricoles, devrait être stimulée dans ce nouvel univers.

5. Se diversifier à l’aide des actifs alternatifs

Les investissements susceptibles d’améliorer la qualité d’un portefeuille indépendamment du scénario qui se matérialisera ne sont pas légion. Mais une allocation diversifiée aux actifs alternatifs pourrait en faire partie. Des actifs, tels que les infrastructures, l’immobilier et les actifs non cotés, peuvent améliorer la résistance d’un portefeuille à l’inflation.

Par ailleurs, certaines stratégies de hedge fund, notamment celles qui tiennent compte de l’environnement macroéconomique, peuvent bien se comporter en cas de récession et atténuer la volatilité d’un portefeuille si la corrélation entre les actions et les obligations augmente.

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