Après plusieurs années de forte croissance, l'Espagne pourrait subir un ralentissement. Toute la question est de savoir s’il sera temporaire ou non.
Après la crise financière et dès 2012, l’Espagne et le Portugal se sont distingués pour la rapidité et l’efficacité de la mise en place de leurs réformes structurelles. Après plusieurs années de forte croissance, la première pourrait néanmoins subir un ralentissement. Toute la question est de savoir s’il sera temporaire ou non.
Coup sur coup deux statistiques sont venues assombrir le ciel ibérique. Au deuxième trimestre, la croissance du PIB espagnol s’est légèrement affaiblie: elle est revenue à 0,6% contre 0,7% au trimestre précédent. En rythme annuel, le taux de croissance économique a également reculé pour passer de 3 à 2,7%. Les exportations, moteur essentiel du dynamisme de l’économie espagnol, sont à l’origine de ce ralentissement: bien qu’elles aient encore progressé de 1,2% sur une année au deuxième trimestre, ce taux est inférieur de deux points à celui du trimestre précédent.
toute une série d’importantes réformes structurelles.
Ce fléchissement peut être en partie imputé au tourisme qui, rappelons-le, est inclus dans le poste des exportations de services? En effet, pour la première fois depuis 2009, le nombre de touristes étrangers a diminué en juillet de cette année: s’établissant à 10 millions, il a été inférieur de 4,9% à celui de l’année précédente. Et parmi les destinations espagnoles favorites des touristes, c’est la deuxième, la Catalogne, qui vient après les îles Baléares, qui a subi le plus fort recul: cette année, elle a accueilli 6,7% de vacanciers de moins qu’en juillet 2017. Cette évolution peut, pour l’essentiel, être attribuée à deux facteurs. Le premier est le recul des touristes en provenance de Grande-Bretagne, lesquels ont souffert de la dépréciation de la livre sterling par rapport à l’euro. Le second est la concurrence toujours accrue de destinations meilleur marché telles que la Turquie ou la Tunisie.
Au vu de ce ralentissement, faut-il craindre que le modèle espagnol ne s’essouffle? Depuis la crise financière, le gouvernement espagnol a mis en place toute une série d’importantes réformes structurelles. Elles ont amené à une réduction des coûts de production, au redressement de la profitabilité des entreprises et à leur modernisation.
Globalement, la réforme du marché du travail est venue parachever le mouvement de modération salariale qui était déjà à l’œuvre en raison du taux de chômage élevé. De ce fait, l’Espagne a gagné en compétitivité. Cela lui a permis de jouer la carte des exportations, passées de 20 à 30% du PIB, à un moment où la demande européenne repartait. Le pays a gagné des parts de marché et, dans certains secteurs comme l’automobile, elle est devenue l’un des leaders européens.
L’économie espagnole a également connu un rebond cyclique qui a succédé à plusieurs années de récession dues à l’explosion de la bulle immobilière. Enfin, des facteurs conjoncturels, tels que la baisse conjuguée de l’euro, des taux d’intérêt et du prix de l’énergie, ont aussi contribué à cette reprise.
a le plus souffert depuis 25 ans.
Aujourd’hui, quelques nuages viennent cependant assombrir le ciel espagnol. Au plan politique, l’absence de majorité au parlement est problématique. Ainsi, fin juillet Pedro Sanchez a vu son projet de budget rejeté par la chambre basse, du fait de l'absence de soutien de plusieurs de ses partenaires de coalition (rappelons que le Parti socialiste (PSOE), parti du chef de l’exécutif, ne contrôle que 84 des 350 sièges du Parlement). De plus, on peut se demander quel sera l’impact de nouvelles velléités d’indépendance des responsables catalans, le président de la Généralité de Catalogne Quim Torra venant d’appeler à nouveau à l'organisation d'un nouveau référendum sur l’indépendance ainsi qu’à une série de manifestations.
Au plan socio-économique, l’Espagne est l’un des pays où la classe moyenne a le plus souffert depuis 25 ans. Elle s’est effondrée sous le poids du chômage et de la précarisation de l’emploi. Et alors que la France, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas enregistraient une augmentation du nombre de familles appartenant à cette catégorie sociale, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie et la Finlande connaissaient une évolution inverse.
Enfin, sur le front de l’emploi, le chômage reste toujours trop élevé. Bien qu’il ait fortement diminué, il se situe toujours à plus de 15% et culmine même à 33,4% chez les jeunes culmine à 33,4%. De plus, les emplois à mi-temps sont en constante progression et ils viennent d’atteindre un niveau record au deuxième trimestre 2018.
et l’économie espagnole pourrait se stabiliser en 2019.
Il existe, malgré tout, des raisons d’espérer. Le ralentissement actuel devrait être temporaire et l’économie espagnole pourrait se stabiliser en 2019. En effet, les réformes engagées (marché du travail, secteur bancaire, insolvabilité…) n’ont pas encore porté tous leurs fruits. En outre, si l’euro ne prend pas le chemin de l’appréciation, il est possible de tabler sur un regain de compétitivité et un renforcement des secteurs exportateurs. De plus, l’amélioration progressive de la situation financière des entreprises est également un atout, tout comme l’est la qualité des infrastructures. Enfin, le potentiel touristique qui est important reste un avantage de taille, pour autant que l’industrie ne s’endorme pas sur ses lauriers car la sanction pourrait être immédiate.
En terme de «richesse» (parité de pouvoir d’achat), l'Espagne est passée devant l'Italie puisque sa richesse par habitant dépasse légèrement les 40’000 dollars (contre 39'500 pour l’Italie). Il s’agit d’une véritable «remontada» puisqu'il y a 10 ans, la richesse des Italiens de 10% plus supérieure à celle des Espagnols. Le pays parviendra-t-il à garder ce cap en dépit du fait que la fin de l’année 2018 s’annonce assez difficile pour son économie? Au-delà des incertitudes liées à la conjoncture dans l’Union européenne et à l’évolution de l’euro, tout va dépendre de la capacité du gouvernement de continuer sur la voie des réformes et de gérer les tensions politiques en Catalogne. Le défi est de taille.