Sieste printanière à Wall Street

John Plassard, consultant pour Mirabaud Securities chez Cambridge Securities

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Les indices américains sont en mode «pause».  En cause l’incertitude sur le dollar, le cycle économique et le futur de la technologie.

Les entreprises américaines ont publié des résultats trimestriels meilleurs que prévu alors que les attentes des analystes étaient déjà très élevées. Pourtant, les flux sortant du marché américain sont élevés et les indices stagnent. Est-ce le début de la fin du cycle d’expansion ou seulement un phénomène passager? Cette question paraît éminemment pertinente au sortir d’un mois d’avril où l’indice S&P 500 n’a progressé que de 0,27% alors que l’Euro Stoxx 50 gagnait 5,20%. Et ce qui est plus étonnant encore, le S&P 500 a reculé de 1,3% depuis le début de la saison de publication des résultats des entreprises alors que 80% de celles qui le composent ont dépassé les attentes des analystes. Il s’agit d’une proportion historiquement élevée puisque la moyenne se situe à 67%.

«Les investisseurs individuels ont vendu massivement
le marché américain à un niveau jamais atteint depuis 2009.»

Différentes raisons peuvent néanmoins expliquer l’apathie actuelle des indices boursiers américains. L’une d’entre elles concerne les flux de capitaux. Alors que les investisseurs américains avaient pour habitude de vendre à découvert les marchés européens pour couvrir leurs positions, on observe un phénomène inverse depuis plusieurs semaines. Les fonds en actions américaines ont enregistré des sorties nettes de l’ordre de trois milliards de dollars alors que les fonds en actions européennes entamaient leur septième semaine consécutive d’achats nets.

Par ailleurs, les investisseurs individuels ont vendu massivement le marché américain depuis environ trois mois, à un niveau jamais atteint depuis 2009. Et, du fait de l’accroissement de la volatilité, ils ont adopté une position attentiste.

A cela vient s’ajouter le fait que le consensus, et en particulier les hedge funds, sont actuellement positionnés de manière identique, à savoir longs sur les valeurs technologiques. Cela signifie que lors de la publication des résultats des entreprises du secteur technologique, la moindre information susceptible de décevoir les attentes des investisseurs est directement sanctionnée. Ce secteur représentant environ 24% de l’indice, chacun de ses mouvements a des répercussions immédiates sur la performance globale de l’indice.

«Le dollar pourrait très probablement
aller rapidement tester le niveau des 1,16.»

L’évolution du billet vert représente un autre facteur explicatif de l’atonie de la bourse américaine.  En avril, sans que grand monde n’y prête attention, le dollar a gagné du terrain vis-à-vis d’un certain nombre de devises. Il est donc allé dans le sens inverse à celui attendu par  le consensus qui tablait sur le fait que la politique expansionniste du gouvernement américain pousserait  le billet vert dans ses derniers retranchements. Or après avoir récemment franchi la limite des 1,20 par rapport à l’euro, ce qui représente une appréciation de plus de 3% sur un mois, le dollar pourrait très probablement aller rapidement tester le niveau des 1,16.

De plus, la progression du dollar s’étant faite en parallèle avec les rendements américains, l’historique des marchés tend à suggérer que la hausse des actions pourrait être temporairement plafonnée.

Une troisième raison explicative de la pause boursière tient au cycle économique. Les investisseurs sont de plus en plus nombreux à craindre que la phase d’expansion du cycle actuel n’arrive à son terme. Démarrée en juillet 2009, elle dure en effet depuis 107 mois. Or, sur les 33 cycles d’expansion  recensés par le National Bureau of Economic Research (NBER) depuis 1854, le cycle actuel est déjà le deuxième plus long, après celui de 1991-2001, qui avait duré 120 mois (le 3e par sa durée s’était étendu sur 106 mois entre 1961-1969).  Or, en moyenne,  la durée des phases d’expansion aux Etats-Unis a été de 38,7 mois depuis 1854 et de 58,4 mois depuis 1945. En outre, le cycle actuel est caractérisé par une croissance économique particulièrement lente: à 2,2% en moyenne annuelle, elle est l’une des plus faibles de l’après-guerre.

«La phase récessive de 2001, la plus modérée depuis 1954
a succédé à l’expansion la plus longue de l’histoire.»

Ceci dit, il convient de rappeler que la longueur et l’amplitude d’une phase d’expansion ne préjuge en rien de celles de la phase de récession qui la suit. Par exemple, la récession la plus importante d’après-guerre, survenue entre 2007 et 2009, a succédé à une phase d’expansion relativement modérée puisqu’elle a duré 73 mois et affiché une croissance annuelle moyenne de 2,8%. A l’inverse, la phase récessive de 2001, la plus modérée depuis 1954 a succédé à l’expansion la plus longue de l’histoire.

Tout comme l’hirondelle ne fait pas le printemps, la pause actuelle du marché américain ne doit pas être nécessairement interprétée comme la prémisse de l’entrée du cycle dans une nouvelle phase.

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