La nouvelle politique chinoise menace le secteur européen du luxe

Peter Garnry, Saxo Bank

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La Chine réoriente son économie vers un nouveau modèle axé sur le respect de l’environnement, la réduction des inégalités et l’autonomie en matière de technologies clés.

Les nouvelles dispositions réglementaires chinoises se sont récemment traduites par des directives de comportement à l’intention des célébrités du pays, qui ne doivent plus faire publiquement étalage de leurs richesses, ni faire preuve d’hédonisme ou d’individualisme exagéré. Notre crainte est que cette injonction influe sur l’ensemble de la population, et notamment sur la classe supérieure, ce qui pourrait avoir un impact sur la demande en produits de luxe. Le risque d’avertissement sur les résultats augmente pour le secteur européen du luxe et pourrait impacter les performances du secteur depuis le pic de juin dernier.

Nous avons récemment accru l’attention que nous portons à la Chine, en raison de son récent ralentissement combiné à un début de crise du logement et à un phénomène de pénurie d’électricité entraînant une baisse de la production d’acier. A ces vents s’ajoutent une campagne de mesures de restrictions menée par le gouvernement chinois au nom de la «prospérité commune» envers le secteur technologique: jeu vidéo, soutien scolaire privé, contrôle des données utilisateurs sont désormais contrôlés. De lourdes amendes pénalisent également les sociétés se servant de leur position dominante pour limiter la concurrence.

Notre panier de marques européennes de luxe les plus exposées à la Chine a gagné 126% depuis début 2016, contre seulement 56% pour le STOXX 600.

La réorientation culturelle de la société chinoise semble elle aussi s’inscrire dans cette idée de «prospérité commune», les autorités chinoises ayant récemment mis en place une nouvelle réglementation du comportement des célébrités qui entend leur faire abandonner leurs goûts vulgaires et provocants et veille à ce qu’elles s’opposent publiquement aux idées décadentes de culte de l’argent, d’hédonisme et d’individualisme outrancier. En d'autres termes, il faut être moins américain dans l'expression de sa personnalité. Il n’est désormais plus acceptable pour les célébrités d’étaler au grand jour leur richesse et leurs biens de consommation de luxe comme leurs voitures, leurs vêtements ou leurs bijoux, ce qui va directement influencer les habitudes de l’ensemble de la population chinoise.

Il en résulte un risque pour ce le secteur du luxe, qui a profité d’une décennie de forte croissance du marché de la consommation en Chine, dont la classe supérieure est assoiffée de produits de luxe européens. Notre panier de marques européennes de luxe les plus exposées à la Chine a gagné 126% depuis début 2016, contre seulement 56% pour le STOXX 600. Mais ce panier a perdu presque 12% par rapport à son pic de juin dernier, avant la nouvelle série de réglementations chinoises et l’insistance des autorités pour une «prospérité commune».

Le tableau ci-dessous montre les 12 fabricants européens de luxe. Remy Cointreau et BMW sont moins nettement des marques de luxe, mais elles se placent toutes deux à l’extrémité supérieure des gammes de prix et du prestige en matière de spiritueux et d’automobiles. Les 10 autres marques concernent la mode vestimentaire et les montres. Le secteur européen du luxe avait déjà souffert en 2013 lorsque le ralentissement économique chinois avait incité le gouvernement à prendre des mesures contre les cadeaux luxueux dans le cadre d’une campagne anticorruption. Nous pensons que la population montrera un soutien identique à celui dont elle avait fait preuve à l’époque de cette campagne. Notre sentiment est que l’horizon des biens de luxe va s’assombrir sur le marché chinois, et que des avertissements sur résultats guettent les fabricants européens.

La Chine réoriente son économie vers un nouveau modèle axé sur le respect de l’environnement, la réduction des inégalités et l’autonomie en matière de technologies clés pour gagner la course contre les États-Unis. Ces changements vont probablement se poursuivre jusqu’au Congrès du Parti communiste qui aura lieu en octobre de l’année prochaine. Nous recommandons donc aux investisseurs de sous-pondérer les sociétés technologiques chinoises du commerce en ligne, des réseaux sociaux, des plateformes de contenu et des jeux vidéo, tout en surpondérant les sociétés de produits de consommation non fondées sur des données et les sociétés technologiques pour lesquelles la Chine cherche à se rendre autonome.

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