L’économie circulaire incontournable, mais la motivation des pays diffère

Tim Genecand, Coninco

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La transition doit tenir compte de nombreux facteurs, y compris les éléments politico-économiques, culturels et environnementaux, à des niveaux nationaux, territoriaux et locaux.

L'économie circulaire est devenue une thématique incontournable dans la recherche sur le développement durable et la gestion des ressources. En offrant un cadre prometteur, ce modèle aide à solutionner les problématiques environnementales et sociales de notre époque. Cette recherche reconnaît l'importance cruciale des pays comme agents de changement dans la transition vers une économie circulaire, non seulement en tant que régulateurs, mais aussi en tant qu'investisseurs substantiels et coordinateurs supranationaux.

Toutefois, la motivation des pays à adopter et à conduire une économie circulaire diffère considérablement. Que ce soit pour créer une économie nationale plus compétitive, combattre la pénurie de ressources et garantir la sécurité de l'approvisionnement, atteindre des objectifs de réduction des émissions ou répondre aux besoins d'une population croissante. La transition vers une économie circulaire est un processus complexe qui doit tenir compte de nombreux facteurs, y compris les éléments politico-économiques, culturels et environnementaux, à des niveaux nationaux, territoriaux et locaux.

L'Accord de Paris  s'inscrit comme un pivot central dans la transition vers une économie circulaire. Il incite à une réorientation des modes de production et de consommation, en particulier dans les pays riches, en adoptant les principes de l'économie circulaire: utiliser moins de ressources, privilégier des matériaux durables et recycler ceux déjà utilisés. En effet, l'économie circulaire s'avère indispensable pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux, y compris l'objectif central de l'Accord de Paris, qui consiste à limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5°C d'ici la fin du siècle.

A la suite de cela, entre 2016 et 2022, 20 Etats européens ont adopté des nouvelles lois nationales en matière d'économie circulaire, révélant une prise de conscience croissante de la nécessité de créer un espace écologiquement sûr et socialement juste. Ces mesures sont encourageantes: elles incluent des objectifs clairs, un suivi et une évaluation des progrès, ainsi que la possibilité de réajustement et de remise en question. Cependant, l'accent mis sur des secteurs très spécifiques tels que la construction, le textile et les plastiques représente clairement une limitation. Une approche plus contraignante et inclusive maximiserait l’impact de ces mesures sur la transition vers une économie circulaire.

Illustre l'augmentation progressive du nombre d'Etats membres de l'UE ayant adopté des politiques nationales d'économie circulaire, en réponse aux encouragements de l'Accord de Paris en 2015. https://www.eionet.europa.eu/etcs/etc-ce/products/draft-report-for-dg-env_final.pdf

 

Cadre réglementaire

Les Etats-Unis et la Chine, en tant que deux des plus grandes économies du monde, ont adopté des approches divergentes en matière d'économie circulaire et de développement durable. Aux Etats-Unis, l'accent est mis sur l'innovation technologique et le marché libre pour stimuler la durabilité, sans aucune stratégie à l'échelle nationale. La Chine, en revanche, a pris des mesures proactives en matière d'économie circulaire. Dès 2008, elle avait déjà adopté sa première loi en faveur de l'industrie du recyclage. Une stratégie de dimension nationale est posée par le biais des plans quinquennaux, le premier à parler de l'économie circulaire étant le 11e, couvrant la période de 2006 à 2010.

Lancé en 2019, le Pacte Vert Européen (Green Deal) de l'UE établit des normes novatrices pour une économie durable, visant la neutralité carbone en Europe d'ici 2050 . Il incite à une réglementation plus rigoureuse, encourageant la durabilité et l'économie circulaire. Dans ce contexte, l'Union européenne a introduit un nouveau plan d'action pour l'économie circulaire en mars 2020. Bien ambitieux, son caractère non contraignant a généré des incertitudes quant à sa mise en œuvre et son impact. Néanmoins, il promeut des produits plus durables, réparables et recyclables, et préconise l'utilisation de matériaux recyclés. Ce plan aborde des enjeux cruciaux comme le gaspillage alimentaire et l'obsolescence programmée, et met l'accent sur l'importance d'une communication transparente et de l'intégrité du marché intérieur de l'Union.

Poursuivant sur cette voie, l'UE a ciblé la conception des produits. La directive 2009/125/CE, axée sur les produits énergétiques, a permis d'économiser 120 milliards d'euros en dépenses énergétiques en 2021, réduisant ainsi l'utilisation annuelle d'énergie de 10%. A la suite de ce succès, l'UE a annoncé une proposition élargissant l'écoconception à presque toutes les catégories de produits, inscrivant la circularité au centre de son plan pour une économie plus durable. Toutefois, sept années se sont écoulées depuis l'accord de Paris sans aucune proposition d'élargissement jusqu'en mars 2022. Une situation qui révèle une inertie préoccupante, marquée par une réaction tardive et sans même arriver à une mise en vigueur concrète.

Depuis novembre 2021, la Commission européenne a exprimé une volonté de réviser le Règlement (CE) n° 1013/2006, qui régit l'exportation et l'importation de déchets dans l'UE et vers des pays tiers. Cette révision répond à l'augmentation de 75% des exportations de déchets de l'UE depuis 2004, atteignant 32,7 millions de tonnes en 2020.  La démarche vise à interdire explicitement les transferts au sein de l'UE de tous les déchets destinés à être éliminés, qui ne pourront être autorisés que dans certains cas. Adoptée par le Parlement le 17 janvier 2023, cette démarche offre une perspective décentralisée sur la gestion des déchets tout en étant contraignante, évoquant ainsi une approche autrefois privilégiée.

 

Taxonomie  

La Taxonomie de l'UE, approuvée par le Parlement européen en juin 2020, représente un outil central pour combattre le greenwashing. Il s'agit d'un système de classification pour les activités en lien avec le changement climatique et l'impact environnemental. Le but de cette classification est triple : réorienter les marchés de capitaux vers des investissements durables, faciliter l'identification des produits financiers durables sur le plan environnemental et prévenir le greenwashing.

Plus spécifiquement, la Taxonomie de l'UE soutient la transition vers une économie circulaire (objectif 4), comme le montrent les Articles 27 et 28. Ces articles établissent qu'une activité économique peut contribuer de manière substantielle à la transition vers une économie circulaire par divers moyens, tels que:

  • L’augmentation de la durabilité, de la réparabilité, de l'évolutivité
  • La réutilisabilité des produits
  • La réduction de l'utilisation des ressources par la conception et le choix des matériaux.

En établissant des normes claires pour évaluer la durabilité des activités économiques, elle contribue à créer une transparence et une compréhension partagée de ce que signifie contribuer à une économie circulaire, facilitant ainsi la prise de décision éclairée des investisseurs et des parties prenantes.

Perspectives  

La réglementation future de l'économie circulaire devrait très probablement voir un renforcement des lois et des normes internationales plus restrictives, à l'instar de ce qui se passe dans le domaine des émissions de gaz à effet de serre, depuis le protocole de Kyoto. Un espoir réside également dans l'introduction de lois et politiques favorisant la technologie verte. L'«Inflation Reduction Act» (IRA) aux Etats-Unis illustre cette tendance, ayant déclenché une vague historique d'investissements dans les technologies propres depuis sa mise en vigueur par l'administration Biden en 2022. Alors que l'UE a perdu du terrain, investissant deux fois moins que les Etats-Unis dans les technologies vertes depuis l'IRA, ce modèle législatif met en évidence l'importance d'une réglementation proactive. Il pourrait inspirer de futures réglementations pour combattre les défis de l'économie circulaire et stimuler la croissance verte à l'échelle mondiale.

Les six objectifs environnementaux pour bénéficier du label «vert» au sens de la taxonomie. https://france.representation.ec.europa.eu/informations/taxonomie-verte-mode-demploi-2022-01-13_fr

 

 

Lire également la première partie L’économie circulaire est devenue un outil incontournable

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