L’économie circulaire à l’épreuve du COVID

Damien Contamin et Leila Khammari, Coninco Explorers in finance

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Les entreprises qui ont pris le virage de l’économie circulaire ont inégalement réagi à la crise du coronavirus.

Les résultats sont nuancés et leurs explications relèvent principalement de l’analyse sectorielle, bien plus que de l’adoption en soi du modèle d’affaires circulaire.

L’économie circulaire est un modèle économique induisant une refonte de la chaîne de valeur. L’objectif poursuivi est de maximiser la durée de vie des produits et des matériaux qui les composent, selon la logique que tout déchet constitue une ressource potentielle. Ayant vocation à s’appliquer à l’ensemble des secteurs économiques, investir dans l’économie circulaire ne constitue pas un choix ciblé comme le seraient les thématiques du solaire, de l’eau ou de l’hydrogène.

Les propos tenus dans cet article émanent des premiers enseignements tirés de l’approche adoptée au travers du Tracker AMC BCV EcoCircularity, émis le 5 octobre 2020. Il représente un portefeuille diversifié aussi bien au niveau sectoriel que géographique. Son analyse révèle à quel point la crise du COVID a impacté les entreprises sélectionnées et les secteurs auxquels elles sont rattachées, de manière différenciée. 

La dimension environnementale a tendance à être reléguée
au second plan au profit de la priorité du moment.

Précisons au préalable que prendre le virage de l’économie circulaire relève de l’acte pionnier. En effet, selon les statistiques de Circle Economy1, seul 8,6% de l’économie mondiale est circulaire. Par conséquent, les coûts générés pour faciliter cette transition peuvent constituer, à court terme, un obstacle compétitif. Cet inconvénient est accentué par la situation conjoncturelle liée à la crise du COVID. Dans ce type de contexte, la dimension environnementale a tendance à être reléguée au second plan au profit de la priorité du moment: endiguer la pandémie et préserver l’économie.

Par conséquent, les entreprises rattachées au secteur de la «consommation de base» et qui ont investi dans un modèle circulaire ont subi les conséquences du COVID. Face à l’incertitude, les consommateurs se replient sur les entreprises traditionnelles privilégiant le choix purement financier à l’éthique. Le titre Danone a ainsi enregistré une correction d’environ 25% depuis la mi-février 2020. Les mesures de confinement ont lourdement pesé sur cette société implantée au niveau international. Si les produits laitiers ont fait preuve de résilience, la filière «eau et boissons», qui fournit les hôtels et restaurants, a souffert. Malgré l’avènement du vaccin, les incertitudes liées au COVID continuent à peser sur le cours de ces actions tandis que le secteur regroupant majoritairement des concurrents ayant conservé un modèle d’affaires linéaire, semble progressivement sortir la tête de l’eau. Il n’en demeure pas moins qu’à long terme, sous l’impulsion d’un cadre réglementaire de plus en plus accommodant, la levée des doutes liés au COVID devrait profiter aux entreprises circulaires qui ont eu le courage d’investir dans la transition économique.

A l’opposé, les sociétés rattachées au secteur de la consommation discrétionnaire ont nettement plus que comblé l’écart induit par la correction boursière de mars 2020. Des sociétés comme Magna International2 ont pleinement bénéficié du rebond des commandes de véhicules survenu au cours du troisième trimestre 2020. Les solutions qu’elles offrent en matière de sécurité, de matériaux innovants, minimisant à la fois les sources de pollution ainsi que la surexploitation des ressources naturelles, les positionnent dans leur secteur comme les leaders de l’«ecodesign» et de l’«écologie industrielle». Elles ont pu ainsi pleinement profiter de la forte croissance de la demande en voitures électriques enregistrée en 2020. 

Le thème d’économie circulaire n’exclut pas une approche diversifiée.

Dans le secteur de la santé, les titres sélectionnés dans le portefeuille concentrent leurs activités sur les technologies de pointe en matière de soins, permettant entre autres d’affiner la pertinence des diagnostics. Une société comme Thermo Fisher rassemble une offre inégalée de produits, de technologies et de services pour les acteurs des sciences de la vie dans le but d’améliorer l’agilité, l’efficacité et la productivité de ses clients. Cela explique en grande partie leur forte résilience lors de cette période de tension induite par la crise du COVID, surperformant même les entreprises du secteur. Face à une croissance démographique exponentielle, elles apportent l’espoir de solutions innovantes et respectueuses de l’environnement dans un secteur qui, en période de pandémie, est la préoccupation première de tout être humain: la santé.

Dans le secteur des technologies de l’information, nous trouvons des sociétés qui développent des composantes électroniques de haute précision et des matériaux et procédés innovants permettant un usage optimisé, en termes de coûts financiers et environnementaux, des produits auxquels elles sont destinées. Le spectre des secteurs qu’elles couvrent étant suffisamment large (de l’automobile au secteur médical, en passant par l’énergie et les systèmes de communication), elles sont porteuses d’un modèle d’affaires solide, à la hauteur des défis de demain.

Au travers de l’analyse du Tracker AMC BCV EcoCircularity, il ressort que le thème d’économie circulaire n’exclut pas une approche diversifiée. Il peut même permettre de faire coïncider des choix tactiques et stratégiques. Cette configuration, renforcée par un critère financier ne retenant que les sociétés les plus robustes (rentables et peu endettées), permet de se prémunir contre les soubresauts d’une crise comme le COVID.

A terme, le renforcement du cadre réglementaire, favorable à l’émergence du modèle d’économie circulaire, réserve à cette approche un avenir prometteur.

 

1 ONG spécialisée dans la promotion et l’implémentation du modèle d’économie circulaire.
2 cf. article «L’écologie industrielle appliquée à l’automobile», 12 janvier 2021.

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