Historiquement, les taux longs ne sont pas encore très élevés

Yves Hulmann

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Coninco n’anticipe pas un changement fondamental de trajectoire de la part des banques centrales, BNS comprise, même si une pause est envisageable.

Comment naviguer au mieux dans un environnement économique caractérisé à la fois par une inflation toujours élevée et un risque de récession qui ne peut pas être écarté ? C’est l’un des thèmes abordés par Coninco Explorers in finance SA, à l’occasion d’une présentation à Lausanne à la mi-mars. Revenant sur les principales tendances qui ont marqué l’année 2022 et les premiers mois de 2023, Sabahudin Softic, conseiller institutionnel chez Coninco à Vevey, a rappelé que la hausse des taux qui s’est mise en place à partir de la fin de 2021 a, certes, marqué un tournant important par rapport à la situation qui a prévalu durant les années précédentes. Il faut toutefois replacer ce mouvement de hausse dans une perspective à plus long terme: « D’un point de vue historique, les taux longs ne sont pas si élevés que cela. Il y a encore de la marge par rapport à la situation qui a existé au cours des décennies précédentes », a-t-il rappelé. Il souligne aussi que ce sont surtout les taux courts qui sont fortement remontés depuis un an, les taux longs nettement moins.

Un marché du travail toujours sous tension

Côté conjoncture, seule la Chine s’inscrit actuellement dans une phase de reprise, après avoir mis fin en décembre dernier aux restrictions anti-Covid. « Ailleurs, la tendance est plutôt à un ralentissement », observe-t-il. Cette phase de décélération de la conjoncture n’a toutefois eu, jusqu’ici, que peu d’impact sur le marché du travail. Aux Etats-Unis, le taux de participation sur le marché du travail reste encore très éloigné des niveaux affichés au début des années 2000. Même s’il est un peu remonté par rapport au plus bas point touché en 2020, au plus fort de la pandémie, on est encore très loin des niveaux qui prévalaient avant le Covid-19. « Les gens qui ont quitté le marché du travail durant la pandémie ne sont pas tous revenus », constate l’économiste. C’est aussi un des facteurs qui fait que le marché du travail reste tendu dans de nombreux secteurs d’activité et qui soutient les salaires à des niveaux élevés.

Les banques centrales devront réadapter leurs objectifs

L’inflation va ainsi continuer à se maintenir à des niveaux sensiblement plus élevés que les un peu moins de 2% visés par les banques centrales, anticipe-t-il. «Nous pensons que les banques centrales ne vont pas arriver à faire revenir l’inflation à ce niveau. Elles vont devoir changer leurs objectifs et accepter une inflation plus élevée», anticipe Sabahudin Softic.

Et qu’anticipe l’expert en matière de politique monétaire à l’occasion de la réunion de la BNS ce jeudi ? «Au vu des récents évènements liés aux problèmes du secteur bancaire aux États-Unis puis ceux liés au sauvetage du Credit Suisse, les banques centrales se retrouvent dans une situation délicate concernant leur politique de resserrement monétaire. Cependant, nous nous attendons malgré tout à ce que la BNS annonce une nouvelle hausse de taux lors de sa réunion du 23 mars en raison des derniers chiffres d’inflation qui restent élevés et au vu de la hausse de 0,50% opérée par la BCE la semaine passée », commente-t-il. Les difficultés autour de Credit Suisse pourraient-elles faire dévier la BNS de sa trajectoire, du moins momentanément ? « Avant le sauvetage du Credit Suisse, nous anticipions une hausse du taux directeur de la BNS de 0,50%, mais il est possible qu’elle se contente finalement d’une hausse plus modeste de 0,25% pour éviter de trop choquer le marché dans cette situation difficile – soit le début de crise bancaire et le sauvetage du Credit Suisse -, en mettant momentanément la lutte contre l’inflation au second plan », esquisse-t-il en guise de scénario.

Possible ralentissement du rythme de resserrement des taux

Si l’on se projette à plus long terme, la Fed et la BCE vont-elles poursuivre cette année leur trajectoire de resserrement de leur politique monétaire comme initialement prévue - ou est-ce que les tensions récentes affectant le secteur bancaire pourraient les amener à faire une pause ce printemps, voire mettre fin à la hausse des taux pendant une plus longue période ? «Lors de sa réunion du 15 mars 2023, la BCE a haussé son taux directeur de 0,50% comme c’était attendu avant déjà les tensions affectant le secteur bancaire. Néanmoins, suite au rachat du Credit Suisse annoncé le dimanche 22 mars, et suivi par l’annonce d’une coordination des banques centrales pour calmer les tensions sur le secteur bancaire, il est assez probable que ces dernières ralentissent leur resserrement monétaire, voire le mettent en pause pour celles qui ont été les plus agressives jusqu’ici, à l’instar de la Fed. La situation récente sur le secteur bancaire nous conforte dans nos vues, à savoir que les banques centrales vont lutter contre l’inflation jusqu’à ce que cela devienne trop problématique au niveau de l’économie ou des marchés financiers», poursuit-il.

Actions : les entreprises ont su s’adapter à un contexte de prix plus élevés

S’agissant des perspectives de placement, Coninco attribue actuellement une recommandation à «neutre» pour la plupart des catégories d’actifs. Parmi les exceptions figurent notamment les obligations indicielles, recommandées à «sous-pondérer». Quant aux actions, elles sont recommandées à «neutre» même si l’expert se montre légèrement plus positif envers cette classe d’actifs. «Les entreprises ont plutôt bien réussi à s’adapter à l’environnement marqué par la hausse des prix. Elles ont plutôt bien réussi à répercuter l’inflation à leurs clients», observe Sabahudin Softic.

Surperformance par rapport aux indices grâce à une gestion active

Dans l’ensemble, le conseiller juge qu’il vaut la peine de continuer à adopter une gestion active. «Nous n’avons jamais renoncé à gérer notre portefeuille de manière active, même si c’est parfois en utilisant aussi des instruments passifs», souligne-t-il. Avec des résultats qu’il juge très satisfaisants pour l’année 2022, pourtant caractérisée par une baisse simultanée à la fois des marchés des actions et des obligations.