Inflation en zone euro: le risque reste haussier

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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La porte est ouverte à un arrêt des achats d’actifs et à une possible hausse de taux de la part de la BCE.

Il y a ceux qui attendent Godot et ceux qui attendent un reflux de l’inflation européenne. Dans les deux cas, leurs espoirs sont déçus, ni l’un ni l’autre ne se manifestent. En novembre 2021, l’inflation en zone euro avait dépassé les attentes des prévisionnistes de 0,4 point; puis en décembre de 0,2 point; puis en janvier de 0,7 point pour atteindre un nouveau record dans ce cycle à 5,1% sur un an. Près de la moitié de cette hausse est due à la composante «énergie». L’inflation sous-jacente n’est que de 2,3% sur un an, ce qui n’est pas un niveau alarmant en soi, si ce n’est qu’elle aussi tend à se renforcer. La forte hausse des prix de l’énergie se diffuse un peu plus fortement qu’il y a quelques mois dans les prix des biens intermédiaires et dans certains prix de détail. Sur les marchés de l’énergie, il n’y a eu aucune accalmie en février et la guerre en Ukraine ajoute un fort risque haussier à court terme. 

L’inflation continue de grimper

En France et en Belgique, deux pays ayant déjà publié leur indice des prix à la consommation pour février, l’inflation a continué d’accélérer, respectivement +0,8pt et +0,5pt. Si cela continue ainsi, l’inflation en zone euro pourrait bien se diriger vers 6%. En Allemagne, les prix de l’énergie continuent d’augmenter, ce qui alimente l’inflation totale dans le pays. Sauf choc négatif sur certains autres prix volatils, comme le prix des voyages organisés par exemple, aucun apaisement ne semble se dessiner pour l’instant. De quoi donner un peu plus le vertige à la BCE, qui se trouve déjà dans une position inconfortable. En effet, cette dernière se retrouve face à une inflation qui dépasse allègrement sa cible de 2% et dont les causes se situent, pour la majeure partie, en dehors de la sphère d’influence de la politique monétaire. 

L’embarras de la BCE n’a pu qu’être renforcé par la guerre en Ukraine, au vu notamment du risque baissier sur la croissance et du risque haussier sur l’inflation.

Politique qui reste par ailleurs inchangée, même si Christine Lagarde a causé la surprise suite à la réunion du 3 février en signalant qu’un changement était sans doute imminent et ouvrant ainsi la porte à un arrêt anticipé des achats d’actifs et à une possible hausse des taux. Vu la forte inflation et les bonnes conditions sur le marché du travail, le Conseil des Gouverneurs considère la politique actuelle trop accommodante . L’embarras de la BCE n’a pu qu’être renforcé par la guerre en Ukraine, au vu notamment du risque baissier sur la croissance et du risque haussier sur l’inflation. 

L’attention autour de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes ne va sans doute pas se relâcher à court terme. Les derniers commentaires venant de la Fed et de la BCE se montrent prudents, même si la Fed reste positionnée pour une première hausse de taux le 16 mars. La BCE, quant à elle, prévoit une interruption de ses achats d’actifs au cours de l’année.

Feu vert pour la Fed

Aux Etats-Unis, les rapports du Bureau of Labour Statistics sur l’emploi sont difficiles à interpréter d’un mois à l’autre tant les résultats sont volatils et, souvent, sujets à des révisions. Le dernier rapport avait dépassé les attentes les plus optimistes, alors que les deux précédents avaient déçu. Globalement parlant, cependant, l’image paraît plutôt positive pour la Fed:  le chômage est retombé à un niveau encore inespéré il y a quelques mois, le rythme des créations d’emploi est solide et les pressions salariales sont fortes sur fond de pénurie de main d’œuvre. Toutes les conditions sont ainsi réunies sur le marché du travail pour donner le feu vert à un relèvement des taux directeurs.

L’indice ISM des services, lui, bénéficie du reflux de la vague Omicron avec une confiance qui remonte et pourrait même effacer sa faiblesse récente. Son équivalent manufacturier aussi a rebondi, avec des indices régionaux globalement solides pour le mois de février, et devrait se maintenir à un niveau élevé voire même progresser en approchant la barre des 60 points. Le rebond des ventes dans le secteur automobile américain, extrêmement fort en janvier (+21%), laisse présager en revanche une correction baissière.

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