Fed: décollage dans un mois… ou avant?

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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Un relèvement des taux, sans préavis, de la part de la Fed pourrait avoir de lourdes conséquences.

A sa réunion du 15 décembre, la FOMC avait signalé son intention d’avancer le début du cycle de hausses de taux. Le marché des futures tablait alors sur un démarrage en juin. A la réunion du 26 janvier, le pivot restrictif était confirmé, augurant un décollage en mars. Depuis, les anticipations se sont emballées suite à la publication d’un nouveau record d’inflation à 7,5% sur un an et au commentaire «hawkish» du président de la Fed de St.Louis James Bullard.

La prudence est de mise pour les banques centrales 

Le débat est maintenant de savoir si la Fed ne risque pas de monter ses taux sans attendre la réunion du 16 mars. Jusqu’au début des années 1990, modifier les taux en intermeeting était assez courant. Cette pratique s’est raréfiée à mesure que la communication de la Fed se donnait pour but de piloter les attentes des investisseurs. En cas de crise de liquidité, la Fed a certes pu être amenée à réduire ses taux sans préavis (1998, 2007-2008, 2020) mais la dernière hausse de taux en intermeeting date d’avril 1994 et avait provoqué un krach obligataire. L’histoire ne plaide pas en faveur d’un geste similaire qui risquerait d’effrayer les marchés sans atténuer en quoi que ce soit l’inflation courante. La Fed veut ancrer les anticipations d’inflation de moyen terme. Sérénité et constance ont plus de chance d’y parvenir qu’un emballement sous la pression des marchés. Même une hausse de taux de 50bp ne va sûrement pas de soi pour la majorité du FOMC.

Philip Lane et Christine Lagarde ont rappelé qu’une banque centrale n’était pas armée pour répondre à un choc d’inflation dus à des goulets d’étranglement.

Plusieurs membres du Conseil des Gouverneurs de la BCE ont tenté de calmer les attentes du marché concernant les futures hausses (+10bp anticipé d’ici juin). Si la BCE n’exclut pas une hausse de taux en 2022, cette dernière aurait lieu plutôt en fin d’année. Philip Lane et Christine Lagarde ont rappelé qu’une banque centrale n’était pas armée pour répondre à un choc d’inflation dus à des goulets d’étranglement et qu’un resserrement monétaire pouvait, dans ce cas, se révéler contreproductif. 

La Banque d’Angleterre prévoit un pic d’inflation à 7% en avril prochain, contre 5,4% en décembre 2021, quand la hausse des prix de l’énergie aura été plus largement répercutée sur les ménages. Après deux hausses de taux en décembre et février, la BoE devrait poursuivre dans la même voie lors des deux prochaines réunions. Le chômage en Angleterre est presque retombé au niveau de 2019, après une envolée en 2020. Toutefois, il y a un manque de main-d’œuvre par la faute du cumul des effets du Brexit et du Covid. Dans ce contexte, la Banque d’Angleterre est attentive au risque salarial. C’est, semble-t-il, ce qui a justifié son positionnement monétaire plus restrictif au cours des deux derniers mois. 

En Chine, il y a maintenant plusieurs mois que les prix à la production ont commencé à se modérer.
Des prix qui fluctuent

Au sein de l’UE, les restrictions sanitaires commencent à être levées à mesure que la vague Omicron reflue. Ce facteur d’incertitude est moins inquiétant. A l’opposé, l’autre sujet-clé pour les ménages, à savoir le pouvoir d’achat, reste préoccupant alors que les prix de l’énergie sont bien plus haut que la normale et sont exposés à de nouvelles tensions en lien avec la situation géopolitique autour de l’Ukraine. La confiance des ménages avait reculé en zone euro en 2021, sans toutefois retomber dans les abysses du printemps 2020. Elle est à peu près revenue à son niveau pré-Covid.

En Chine, il y a maintenant plusieurs mois que les prix à la production ont commencé à se modérer. Le pic était à +13,5% sur un an en octobre. Il est attendu au-dessous de 10% en janvier. A rebours du reste du monde, il n’y a pas de tension des prix de détail. 

Quant aux Etats-Unis, au début de la vague Omicron, les ventes au détail avaient nettement corrigé (-1,9%). Peut-être aussi un contrecoup de la vigueur des mois précédents. Les premières informations disponibles pour janvier sont plus encourageantes avec un fort rebond des ventes automobiles et une hausse des transactions par cartes bancaires. Rappelons que les ventes au détail sont estimées en termes nominaux, donc intègrent un fort effet-prix.

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