France: mauvaises dépenses et mauvais impôts

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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La campagne présidentielle française bat son plein avec des promesses qui risquent d’être intenables.

Il y a longtemps que l’économie française ne s’était aussi bien portée. Le chômage baisse, les entreprises sont confiantes, l’investissement est dynamique. S’il n’y avait la hausse des prix de l’énergie, tout irait pour le mieux… ou presque. La pandémie a gelé le débat sur les sujets qui fâchent, la réforme des retraites ou la réduction des déficits budgétaires. La campagne de l’élection présidentielle fait naître de toutes parts des promesses généreuses, par exemple sur le pouvoir d’achat, que la réalité aura tôt fait de rendre intenables.

Un problème structurel

En 2017, Emmanuel Macron voulait ramener le déficit public au voisinage de l’équilibre en fin de mandat, soit un recul de 0,7 point par an. Les deux premières années, le déficit a suivi la bonne trajectoire. La pandémie l’a fait passer dans une autre dimension, plus de 9% du PIB en 2020, 7% en 2021 et 5% prévu cette année. La dette publique est passé de 100% à 115% en cinq ans. L’an prochain, il est possible que les critères de Maastricht soient revus ou interprétés plus souplement, mais quoi qu’il en soit, le prochain président français aura à revisiter le problème des finances publiques. Ce problème, à vrai dire, est moins celui du déficit que celui de la structure des dépenses et taxes.

En 2019, dernière année sans distorsions dues à la pandémie, les dépenses publiques en France dépassaient la moyenne de l’UE de 9 points de PIB. Cela concernait à peu près tous les domaines d’intervention de l’Etat: la santé, l’éducation, l’assurance-chômage, les aides au logement, les aides aux entreprises, mais surtout les retraites. La réforme des retraites suspendue en 2019 devrait être une des priorités de la prochaine législature. On peut comprendre qu’un pays fasse le choix éclairé d’avoir une politique de redistribution plus large que ses voisins à condition que les dépenses concernées remplissent leur fonction. Les classements internationaux sur la qualité de l’éducation ou l’état des hôpitaux durant la pandémie montrent que ce n’est pas le cas. Outre le fait que les dépenses publiques plus élevées en France qu’ailleurs, ces dernières seraient aussi moins efficaces. Aussi, du côté des recettes, l’écart par rapport à l’UE était de 6,3 points de PIB en 2019. Deux postes sont en cause: les charges sociales, ce qui renchérit le coût du travail, et les impôts de production, autrement dit des taxes sans lien avec la rentabilité des entreprises, pesant sur la compétitivité.

Sur l’horizon immédiat, les perspectives économiques restent soumises à deux types de risque, sanitaire et énergétique.
Deux types de risque à l’horizon

Au quatrième trimestre 2021, le PIB réel a augmenté à +0,7% en glissement trimestriel, soit 0,9 point au-dessus du niveau pré-Covid. En moyenne sur 2021, le taux de croissance annuel s’établit à +7%. Ce résultat exceptionnel est à comparer avec la chute qui avait précédé en 2020 (-8%). Après un fort rebond au troisième trimestre, qui reflétait la levée des restrictions sanitaires, la consommation des ménages a ralenti à un rythme plus ordinaire. Les dépenses d’investissement des entreprises ont continué de progresser plus vite que leur tendance pré-Covid. Elles sont 3,2% au-dessus de leur niveau de 2019. Les créations d’emploi du secteur privé ne montrent toujours pas de signes d’essoufflement, après un gain de près de 3% en 2021.

Sur l’horizon immédiat, les perspectives économiques restent soumises à deux types de risque, sanitaire et énergétique. Le premier tend à perdre en intensité avec la rechute du nombre de cas positifs au Covid. Si certaines dépenses ont été freinées en début d’année, il est probable, comme dans les précédentes vagues, qu’il y aura un rattrapage rapide. De fait, les dernières restrictions limitant l’affluence dans certains lieux de loisirs ont été levées. Le pass vaccinal pourrait lui-même être retiré en mars.

De son côté, la tension des prix de l’énergie ne s’apaise pas. Depuis l’automne dernier, le gouvernement a mis en place un «bouclier tarifaire» pour limiter la répercussion des prix de gros sur les prix de détail. Sans cela, le taux d’inflation serait de plus d’un point supérieur à son niveau de 3,1% sur un an (indice des prix à la consommation harmonisé), donc plus proche de la moyenne de la zone euro (5,1%). Le coût de la crise énergétique ne disparaît pas pour autant, il n’est que reporté sur les comptes de l’Etat ou des fournisseurs d’électricité. Dans la crise des «gilets jaunes» en 2018, il a souvent été dit qu’un facteur déclencheur avait été la hausse du prix de l’essence. A l’époque, le litre de diesel était monté à près de 1,55 euros, pour un Brent à 80 dollars le baril; il est aujourd’hui 15% plus cher. Début février, l’INSEE prévoyait une hausse du PIB réel de 0,3% en glissement trimestriel au premier trimestre, puis de 0,6% au second trimestre. Mais ces prévisions ne prenaient pas en compte, les derniers développements de la crise russo-ukrainienne, qui ne peuvent qu’attiser la tension des prix de l’énergie et introduire un risque à la baisse.

Le signal envoyé par les dernières enquêtes de climat des affaires est, en revanche, très positif. En février, la confiance des directeurs d’achat s’est améliorée dans l’industrie et plus encore dans les services. Le PMI-composite retrouve son pic de juin dernier et selon l’INSEE, la confiance rebondit également dans le commerce de détail et la construction. L’indice synthétique revient vers ses records de l’année passée, 12% au-dessus de sa moyenne historique. L’indice du climat de l’emploi inscrit un nouveau point haut depuis avril 2008, ce qui est prometteur pour prolonger la baisse du chômage. A 7,4% au quatrième trimestre 2021, ce dernier était déjà bien inférieur au niveau pré-Covid (8,2%).

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