Hors énergie, l’inflation continue de monter

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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Il ne faut pas s’attendre à ce que la BCE modère le ton, encore moins qu’elle stoppe le resserrement de sa politique.

©Keystone

Le taux d’inflation en zone euro est plus bas qu’il y a quelques mois. En octobre, il inscrivait un record à +10,6% sur un an. En janvier, il n’était plus qu’à 8,6%. En février, il devrait perdre encore quelques dixièmes. La désinflation est-elle engagée? La BCE répond par la négative car elle considère que ce reflux n’est dû qu’aux prix de l’énergie qui sont déterminés en large part par des éléments exogènes (géopolitiques, fiscaux) sur lesquels la politique monétaire n’a pas de prise directe. De plus, il y a un décalage temporel entre un choc touchant l’énergie et sa répercussion sur les prix des autres biens et services. En 2023, on voit encore se diffuser les tensions observées l’an passé à cause de la guerre en Ukraine. Si la rechute des prix de l’énergie se confirme, ce n’est sans doute pas avant 2024 que les ménages en verront la trace dans leurs factures.

La hausse des prix alimentaires continue de se renforcer.

En attendant, deux tendances ont de quoi inquiéter la BCE. Tout d’abord, la hausse des prix alimentaires continue de se renforcer. Or les ménages forgent leur perception de l’inflation sur la base des achats les plus fréquents. Dans ces conditions, cela pourrait altérer leurs anticipations d’inflation et leurs réclamations salariales. Ensuite, l’inflation se renforce aussi dans les services. Ces prix sont en général plus inertes que les prix de biens. La tendance haussière est donc plus difficile à inverser. L’objectif est d’abord de la stabiliser, ce qui peut sans doute prendre encore quelques mois. En attendant, il ne faut pas s’attendre à ce que la BCE modère le ton, encore moins qu’elle stoppe le resserrement de sa politique.

A la réunion du 2 février, le Conseil des Gouverneurs avait non seulement maintenu à +50pdb le rythme de hausse des taux directeurs mais avait signalé une hausse similaire pour la réunion du 16 mars. C’est dire combien les «faucons» ont la situation bien en main. Ils ne leur suffit pas que la politique monétaire soit désormais restrictive (taux dépôts >2%), il faut qu’elle le soit encore bien davantage à court terme. Le reflux du taux d’inflation depuis octobre est minimisé car il ne vient que des prix de l’énergie. Les risques haussiers sont au contraire mis en avant: persistance des pressions dans les services, hausse des salaires.

Désinflation plus lente que prévue aux États-Unis

Aux Etats-Unis, au-delà des variations d’un mois à l’autre, les commandes manufacturières (hors aviation et défense) sont désormais engagées sur une légère tendance baissière, en ligne avec l’affaiblissement des enquêtes de confiance. Pour ce qui est de l’immobilier, fin 2022, les données du secteur donnaient des signes de stabilisation à un bas niveau. Depuis lors, les taux hypothécaires ont rebondi, ce qui pourrait ajouter une pression baissière sur les ventes de logements. La baisse des prix des logements a semble-t-il ralenti à l’automne. Face à une demande comprimée par la hausse des taux, les vendeurs préfèrent se retirer du marché plutôt que de brader leurs biens.

Dans les services, les indicateurs préliminaires pour février sont plus encourageants que dans l’industrie.

Pour la confiance des ménages, ce sont des influences contraires qui prédominent. Les derniers chiffres parus indiquent un affermissement des conditions d’emploi mais une désinflation plus lente que prévue. La tendance récente est plutôt à l’amélioration. Les premières enquêtes manufacturières disponibles sur février ont été mitigées. L’indice des directeurs d’achat de Markit et l’indice Empire ont monté, le Philly Fed a rebaissé. L’ISM-manufacturier se situe depuis deux mois un peu au-dessous du seuil de 50pts, notamment à cause d’une forte chute des nouvelles commandes. Ce n’est pas un bon signal à court terme. L’indice des prix d’input avait enregistré le mois dernier une hausse après dix mois de reflux. Si ce rebond se confirmait, cela viendrait raviver les craintes inflationnistes. Dans les services, les indicateurs préliminaires pour février sont plus encourageants que dans l’industrie, peut-être à la faveur d’une météo clémente. L’ISM-services, quoiqu’en net repli de ses records de 2021, reste en territoire d’expansion.

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