Une BCE plus agressive que la Fed en 2023?

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

2 minutes de lecture

Les tenants d’une «orthodoxie» monétaire ont repris en main la Banque centrale européenne oubliant que le choc d’inflation était dû à des cause exogènes.

Grâce à la rechute des prix de gros du gaz et de l’électricité, on a tout lieu de penser que l’inflation énergétique a passé son pic en zone euro et engagé sa décrue. On ne peut en  dire autant ni des prix alimentaires, ni des prix de biens manufacturés, et encore moins des prix de services. Les entreprises défendent leurs marges, ce qui diffuse le choc en aval de la chaîne des prix. Les ménages défendent leur pouvoir d’achat en cherchant à obtenir des hausses de salaires. Chacun est dans son rôle. La BCE agit pour que ces ajustements soient ponctuels et non répétés. A ce jour, rien dans la balance des risques de la zone euro ne peut la convaincre de ralentir le rythme de hausse des taux.

Trois facteurs clés

Les évolutions économiques des deux derniers mois en zone euro peuvent-elles modifier la position de la BCE et la rendre plus souple dans la conduite de sa politique monétaire?

Ce que la BCE a pu observer, c’est une inflation toujours aussi persistante, même si elle est plus basse, et une économie réelle montrant une grande résistance aux chocs. La zone euro, sinon chacun des pays-membres, pourrait éviter une récession au sens technique du terme (deux trimestres de baisse du PIB réel).

Qu’en est-il des facteurs pouvant modifier les perspectives? Il y a trois sujets importants à considérer: l’évolution des prix de l’énergie, la transmission du resserrement monétaire  à l’économie réelle, la réouverture de la Chine. A première vue, les deux premiers facteurs sont désinflationnistes en 2023, la troisième joue dans l’autre sens.

Le changement récent le plus notable concerne l’énergie. Il y a encore quelque mois, la baisse des livraisons de gaz russe et les problèmes de maintenance des centrales  nucléaires françaises faisaient craindre des pénuries contraignant à des coupes  franches dans l’activité économique. A ce stade de l’hiver (hiver assez doux et venteux, ce qui est doublement bénéfique), rien de tel ne s’est produit et, ce qui est non moins important, ce risque de pénurie paraît moins probable l’hiver prochain car les efforts de substitution à la Russie auront alors encore avancé. C’est un soulagement pour les entreprises. Le redressement modeste des indices de climat des affaires en Europe, surtout en Allemagne, depuis octobre-novembre en est le signe le plus clair.

Le prix de gros du gaz cotait ces derniers jours à 55 euros/MWh environ, nettement au-dessous de l’hypothèse retenue dans les projections de la BCE en décembre (124 euros/MWh en moyenne sur 2023). La répercussion sur le client final, et donc sur l’inflation, est variable selon la durée des contrats. En décembre dernier, dans un scénario alternatif avec des prix de l’énergie 30% plus bas que dans le scénario central, la BCE estimait que l’impact sur l’inflation serait négatif à hauteur de 0,8 point (l’effet sur la croissance du PIB étant proche de zéro). Partant d’une inflation proche de 10%, cela ne change pas en profondeur les projections. Certes, l’apaisement des tensions sur les marchés du gaz et de l’électricité contribuera au reflux de l’inflation totale, mais sans effet visible sur l’inflation sous-jacente.

Le pic des taux à la mi-2023

Aussi, les tenants d’une «orthodoxie» monétaire ont repris en main les rênes de la BCE en 2022 oubliant (ou ne voulant pas reconnaître) que le choc d’inflation n’était pas lié à un excès de monnaie ou de crédit mais à des cause exogènes (pandémie, crise énergétique). Ils sont résolus à faire passer l’ère Draghi comme une aberration (taux négatifs, assouplissement quantitatif) – oubliant (ou ne voulant pas reconnaître) que Mario Draghi a, seul ou presque, sauvé l’euro, précisément en passant outre cette fameuse «orthodoxie». Le scénario central du moment est que le pic des taux directeurs de la BCE sera atteint à 3,50% à la mi-2023. S’il faut considérer un scénario alternatif, il y a plus de chances de voir la BCE poursuivre ses hausses de taux au second semestre qu’il n’y en a de la voir stopper le resserrement monétaire dès le printemps.

A lire aussi...