Hausse du cours du pétrole, prémisse de l’inflation?

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Après une longue période de stabilité, la remontée des prix du baril s’accélère et signale le retour de l’optimisme économique. Mais les risques inflationnistes ne sont plus très loin.

Le 20 avril 2020, le baril de brut léger américain plongeait en territoire négatif. -37,63 dollars en clôture! A l’époque, la saturation des capacités immédiates de stockage a été largement mise en avant pour expliquer cette cotation exceptionnelle. Mais ce phénomène n’aurait pas été possible sans les craintes d’un ralentissement économique prolongé malgré les plans de soutien budgétaires et monétaires qui s’encha-naient. 

Après avoir digéré cet épisode, le pétrole est resté encalminé jusqu’aux premiers jours de novembre dans un couloir étroit, autour de 40 dollars pour la référence américaine. Et encore était-il soutenu par la volonté implicite de l’Arabie Saoudite de jouer les stabilisateurs sur le marché en régulant sa production.

Depuis 9 novembre et l’annonce de l’arrivée prochaine des vaccins, la dynamique a totalement changé. Le cours du baril a enchainé les séances de hausse pour dépasser les 60 dollars le baril. Depuis le début de l’année 2021, c’est l’optimisme qui domine, avec plus de 8 dollars de progression depuis le 1er janvier pour le Brent comme pour le brut léger américain. Cette année marque le meilleur début d’année pour l’or noir depuis 2001.

La remontée des prix du pétrole est un signal positif pour l’économie mondiale. Elle signale que les craintes d’atonie prolongée pour l’activité s’éloignent, tout comme les risques de déflation, qui rendrait périlleuse la gestion de l’immense stock de dette accumulé depuis un an. 

Elle offre également une bouffée d’oxygène aux pays du Proche et du Moyen Orient dont le financement et l’équilibre budgétaire dépend des prix de l’énergie. Lorsque l’on sait l’importance pour l’Europe – et la France – de la stabilité sociale de l’Algérie, dont 80% des exportations sont liées au pétrole et au gaz, on ne peut être que soulagés.

Mais le tableau n’est pas idyllique pour autant. Tout d’abord parce que la remontée des prix du pétrole va peser sur le pouvoir d’achat des consommateurs des pays occidentaux, alors que le climat social pourrait encore se tendre avec la fin de la pandémie.

Même si, aux Etats-Unis, cet élément sera compensé par le retour à meilleure fortune du très important secteur pétrolier, le prix de l’essence reste un élément clé du moral du consommateur Outre-Atlantique. Et en France, personne n’a oublié que c’est une taxe carbone sur les carburants qui a été l’étincelle du mouvement des Gilets Jaunes en novembre 2018.

Plus généralement, cette progression rapide pourrait signaler une première étape dans le retour de pressions inflationnistes, et d’abord aux Etats-Unis. Déjà, les anticipations à cinq ans d’inflation ont nettement progressé depuis trois mois, dépassant le seuil des 2%. Et le nouveau plan de relance de 1’900 milliards de dollars annoncé par Joe Biden pourrait bien faire surchauffer l’économie, alors que les capacités de production excédentaires outre-Atlantique sont évaluées à 480 milliards par le Congressional Budget Office.

A ce stade, nous pensons toujours que les risques d’un emballement inflationniste sont limités par le comportement prudent des consommateurs face aux incertitudes. Notre scénario central reste celui d’une reflation progressive de l’économie, ce que reflète les prix du pétrole à ce jour. Mais l’or noir a souvent été annonciateur de changements majeurs dans les équilibres mondiaux.

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