Hausse de taux en pagaille

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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Peser sur les prix et continuer le resserrement monétaire sont désormais les mots d’ordre.

Sauf imprévu, la prochaine réunion du comité fédéral Open Market (FOMC) le 27 juillet devrait se solder par une hausse de 50 points de base. Il restera alors trois réunions d’ici la fin de l’année 2022. Jerome Powell s’est abstenu, au cours des précédentes réunions, de prendre position entre garder un rythme de +50 points de base par réunion ou ralentir à +25 points de base. Sa décision dépendra de l’inflation. En mai, la hausse de l’indice des prix à la consommation était de 8,6% sur un an, un nouveau record bien trop haut pour que la Fed lève le pied, ce d’autant que le marché du travail reste tendu. De plus, bien que les ménages subissent un choc d’inflation inégalé en plusieurs décennies, leur demande n’a pas flanché. Cela, grâce à un «effet» de richesse – épargne excédentaire accumulée durant la pandémie et recours accru au crédit jouent le rôle d’amortisseur.

Même s’il est souvent question du risque de récession dans les discussions de marché, il y a peu de signaux pointant vers une rechute imminente de l’économie états-uniennes. La récente proposition de Raphael Bostic, chef de la direction de la Fed d’Atlanta, de faire une pause dans la hausse des taux à partir de septembre, le temps de voir les premiers effets du resserrement monétaire, n’a pas eu d’écho positif parmi le reste des membres du FOMC. Pour l’instant, la Fed veut peser de tout son poids sur les prix. Pour cela, il lui faut influencer la demande et continuer de durcir sa politique monétaire.

Le risque de stagflation est élevé partout, comme l’a rappelé la Banque Mondiale, mais particulièrement au Royaume-Uni.

Côté industrie, la pression sur les chaines de production semble se détendre un peu mais ce mouvement est encore trop récent et trop modeste pour atténuer franchement les pressions sur les prix d’input. Par ailleurs, les prix de l’énergie restent tendus. Cependant, la production industrielle se redresse depuis deux ans. Pas de rupture en vue à court terme. Même si en avril, plusieurs indices de confiance régionaux ont fléchi. Toutefois, les contraintes restent fortes à cause de la hausse des coûts et des retards de livraisons.

Ainsi, la hausse des prix à la consommation est restée forte en mai. Même hors énergie, il n’y a pas de signes de modération à court terme, avec un indice des prix à la consommation à +0,6% comme en avril. Les ventes au détail étant affichées en termes nominaux, la hausse peut venir d’un effet-prix tandis que les volumes se replient. En mai, les ventes dans les stations-services ont bondi vu la tension sur les prix de l’essence. Par ailleurs, les ventes de véhicules ont chuté (-12,6% m/m) en raison des contraintes d’offre dans ce secteur. Au total, le rapport devrait signaler une modération des dépenses en réponse à la perte de pouvoir d’achat.

L’Europe n’est pas en reste

En Europe, les prix règlementés de l’énergie ont été fortement révisés à la hausse en avril, poussant le taux d’inflation à 9% sur un an (contre 7% en mars). Mais le pic n’est pas encore atteint. Les indices des directeurs d’achats étaient encore relativement élevés (58,2 pour le composite) avant de baisser en mai (53,1). L’activité britannique est attendue stagnante ou en baisse durant les prochains mois. La Banque d’Angleterre a un scénario central en récession en fin d’année. Le risque de stagflation est élevé partout, comme l’a rappelé la Banque Mondiale, mais particulièrement au Royaume-Uni (prévision de croissance nulle/négative et d’inflation à deux chiffres). En prévision, la Banque d’Angleterre a fait le choix de durcir sa politique monétaire pour peser sur les prix. C’est la 5e hausse de taux depuis décembre et sans doute pas la dernière. L’Organisation de coopération et de développement économiques prévoit une croissance de 0% en moyenne sur 2023. L’inflation devrait être confirmée au-dessus de 8% sur un an en mai, sans beaucoup d’espoir d’un repli à court terme.

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