France: quelle situation économique à six mois de la présidentielle?

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

2 minutes de lecture

Les efforts de consolidation budgétaire sont modestes à ce stade. Le sujet sera de toute évidence revisité après le résultat du scrutin de mai 2022.

©Keystone

Les élections allemandes sont passées. Leur résultat n’était pas anticipé il y a six mois. Dans six mois, ce sera au tour des Français de voter. Que va-t-il se passer? La réponse convenue il y a peu était que le second tour de l’élection présidentielle opposerait Emmanuel Macron à Marine Le Pen, avec au bout du compte le même vainqueur qu’en 2017. Ce pronostic est désormais mis en doute. Dernièrement, un élément perturbateur a surgi en la personne du journaliste Eric Zemmour. Il met au cœur de la campagne la question de l’identité et de l’immigration. Ce faisant, il fragmente un peu plus la droite (LR) et l’extrême-droite (RN). Six mois sont une éternité dans le champ politique, rien n’est acquis pour personne. On craignait une campagne plate et ennuyeuse, la politique française reprend de l’intérêt, alors même que le COVID est (presque) oublié et que l’économie poursuit sa reprise. 

Au début de l’automne, quelle est donc la situation économique de la France et quels seront les grands enjeux de ces prochaines élections?

La réouverture de l’économie a bénéficié ces derniers mois aux secteurs des services et du commerce.

En septembre, les enquêtes auprès des entreprises confirment que les perspectives d’activité restent positives dans les prochains mois. L’indice synthétique de l’INSEE accuse un modeste repli par rapport au pic post-pandémie touché en juin mais se situe 12% au-dessus de sa moyenne de longue période. La réouverture de l’économie a bénéficié ces derniers mois aux secteurs des services et du commerce. La confiance du secteur manufacturier a clairement passé son pic, même si, là encore, elle reste nettement en territoire d’expansion. Comme ailleurs dans le monde, les industriels notent de fortes commandes mais sont bridés dans leur capacité de production du fait des pénuries de certains inputs, génératrices de hausses de prix. 

Pendant longtemps (S2 2020 et début 2021), le moral des ménages est resté déprimé alors même que le climat des affaires avait déjà rebondi. Après un fort rebond au T2 2021, on a pu craindre que la 4e vague du virus et l’introduction du «passe sanitaire» aurait un effet déprimant. Ce n’est pas ce qui ressort de l’enquête INSEE en septembre. La confiance des ménages s’est améliorée. Elle est 2% au-dessus de sa moyenne de long terme. Les craintes de chômage sont en net recul, retombant à un niveau inégalé depuis avant la pandémie. Les intentions de dépenses sont revenues à la normale. Les dépenses en biens affichent une modeste progression cet été (+2% environ par rapport au T2). Les transactions par cartes bancaires, qui captent aussi les dépenses de service, sont en forte reprise depuis la fin du printemps.

L’un des éléments de risque pour la confiance des ménages concerne l’inflation. En septembre, la hausse du CPI est ressortie à 2,1% sur un an, après avoir été presque nulle au S2 2020. Comme ailleurs en Europe, ce rebond tient avant tout à l’évolution des prix de l’énergie. Cette composante du CPI a augmenté de 14,4% sur un an, un plus haut depuis 2011. Vu les perturbations affectant les prix de gros sur le marché du gaz et de l’électricité, cette hausse est amenée à se renforcer à court terme. Quand l’inflation en vient à faire la une des journaux télévisés, un gouvernement se doit de réagir, surtout à quelques mois d’une élection. 

Les hypothèses de croissance du PIB réel sont hautes mais n’ont rien d’irréaliste.

D’ores et déjà a été annoncée une mesure d’aide aux ménages à bas revenus (envoi d’un chèque-énergie de 100 euros à 5,8 millions de foyers). Le salaire minimum sera automatiquement relevé au 1er octobre. D’autres mesures suivront certainement. En février prochain, le nouveau calcul du tarif réglementé de l’électricité devrait aboutir à une forte hausse, de l’ordre de 10-15%. Le gouvernement pourrait alors dit-on réduire une des taxes grevant ce prix (la CSPE, qui sert à subventionner le coût de l’énergie renouvelable) pour que la pilule soit moins amère à absorber. A ce stade, même si les entreprises signalent des difficultés de recrutement, il n’y a pas de hausse généralisée des salaires. Le risque existe dans les secteurs en forte tension, par exemple l’hôtellerie-restauration. 

Le 22 septembre, le gouvernement a présenté son projet de budget pour 2022. Les hypothèses de croissance du PIB réel sont hautes mais n’ont rien d’irréaliste, bien au contraire. Elles supposent que l’économie ne sera pas reconfinée comme en 2020 et 2021. Le déficit public est amené à se réduire en lien avec le cycle économique et du fait de la fin de nombreux mécanismes d’urgence. A titre d’exemple, le nombre de personnes en chômage partiel est tombé à 482’000 en août 2021, un plus bas depuis la création du dispositif en mars 2020 (les pics étaient à 8,3 millions en avril 2020, 2,9 millions en novembre 2020 et 2,9 millions en avril 2021 lors des confinements).

A lire aussi...