Fleur d’été ou phénomène provisoire?

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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La reprise printanière ne pourrait constituer qu’un petit retrait du marché baissier, surtout au regard du nombre de jours fériés qui, cette année raccourcissent les sessions commerciales.

  • Sur les marchés financiers, l’ambiance s’est légèrement améliorée. Les perspectives de rendement du deuxième semestre devraient être meilleures à condition que les macro-tendances internationales ne fléchissent pas pendant l’été.
  • Les marchés des rentes semblent avoir surmonté les plus gros problèmes et offrent de nouveau quelques opportunités d’achat.
  • Sur les marchés des actions, les investisseurs devraient se concentrer avant tout sur les bénéfices des entreprises et les évaluations.
Tout cela risque de partir en fumée?

Récemment, les investisseurs ont pu de nouveau se réjouir des développements positifs enregistrés par les obligations et les actions. Les rendements obligataires ont continué à diminuer, les credit spreads ont baissé, les indices des obligations des pays émergents ont augmenté, et le S&P 500 a de nouveau dépassé les 4000 points. Il reste à savoir si ce développement est provisoire ou non. La reprise printanière ne pourrait constituer qu’un petit retrait du marché baissier, surtout au regard du nombre de jours fériés qui, cette année raccourcissent les sessions commerciales et entraînent une aggravation des conditions de liquidités déjà précaires. Sinon, rien de nouveau. Les investisseurs se sont habitués à la crise énergétique, à la guerre, au durcissement de la politique monétaire pratiqué par la Federal Reserve (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) ainsi qu’aux perspectives de ralentissement de la croissance d’ici 2023. Le fait est que les investisseurs disposent d’importantes liquidités et qu’ils les utiliseront un jour ou l’autre.

Nouvelle tendance à l’horizon

La majorité s’attend encore à ce que les développements de l’inflation et du taux d’intérêt arrivent à un pic au cours du deuxième semestre. La Fed va certainement légèrement assouplir son cycle d’augmentation des taux. Toutefois, le taux directeur devrait s’équilibrer entre 2,75 et 3,00 pour cent dans un an. Les rendements sur le long terme sont loin des pics d’avant la crise. Les spreads d’inflation Breakeven ont également diminué et sur les marchés du crédit, les primes de risque ont de nouveau baissé au cours de la semaine dernière.

Marges sous pression

Contrairement au début de la pandémie du Coronavirus, les défis se situent désormais au niveau des problèmes conjoncturels traditionnels. La forte croissance soutenue par les incitations politiques des années 2020 et 2021 a fait grimper l’inflation et entraîné une hausse des taux. Les avantages politiques diminuent (progressivement) et la hausse du coût de la vie exerce une pression sur les revenus des consommateurs. Ceci a pour conséquence une baisse des taux de croissance du produit intérieur brut (PIB). Dans ce contexte qui aura probablement des répercussions sur les recettes et les marges des entreprises, investir dans les actions constitue un véritable défi.

Actions et taux d’intérêt réels

Au cours des 18 mois derniers, les ratios cours/bénéfices (RCB) ont baissé d’environ six points de pourcentage. Cette évolution fut aussi marquée par une hausse des taux réels, la plus grande partie des mouvements ayant eu lieu au niveau des RCB et des taux réels des dix derniers mois. Si les rendements réels et les rendements nominaux ont atteint leur pic cyclique, il y a moins de raison pour que les marchés des actions continuent à baisser.

Les valeurs des Etats-Unis restent chères

Toutefois, le diable est dans les détails. Le S&P 500 continue à afficher une prime de valorisation par rapport aux autres marchés des actions développés. Ceci reflète la performance de croissance supérieure des actions des États-Unis. Toutefois, il y a désormais un peu moins de différence entre les Etats-Unis et le reste du monde. En comparant le RCB actuel aux bénéfices sur douze mois attendus, il apparaît que les Etats-Unis ont toujours cinq points de pourcentage en plus que la moyenne des marchés européens et asiatiques. Ainsi, il est retourné au niveau d’avant la pandémie du Covid.

Value ou Growth?

La surperformance des valeurs des actifs comparée aux valeurs de croissance semble également épuisée. L’écart entre les RCB des indices Growth et Value de S&P a diminué et se rapproche du niveau antérieur à la pandémie. Les tendances macro-économiques se sont répercutées sur la performance des secteurs. Ainsi, c’est le secteur des biens de consommation cyclique qui souffre plus particulièrement des effets de la hausse de l’inflation, ce qui apparaît dans les pronostics de croissance sur douze mois. Le secteur de la technologie de l’information a aussi subi une certaine pression. Mais pour le moment, les prévisions en matière de bénéfices y sont restées inchangées. D’autre part, les prévisions concernant les bénéfices ont été revues à la hausse et le RCB a diminué le moins pour les valeurs financières, l’énergie et les matières premières.

Certains secteurs sont soumis à de fortes attentes

Les évaluations ont été revues à la baisse et les attentes en matière de bénéfices ont diminué. Le développement des valeurs est principalement dû à l’énergie et aux valeurs financières. Quand les prix de l’énergie auront atteint leur pic, les résultats pourraient déjà correspondre aux attentes – le pronostic actuel de l’institut de sondage I/B/E/S concernant la croissance des bénéfices du secteur énergétique du S&P 500 est de 36 pour cent pour l’année à venir. Au regard des mouvements du marché et du ralentissement de la croissance, les perspectives des valeurs financières se sont probablement un peu assombries comparé aux deux années précédentes avec des taux d’intérêt bas, une liquidité importante et des évaluations supérieures des actifs.

Focus sur les bilans des entreprises

Bien entendu, tout dépend maintenant des bénéfices des entreprises. Le consensus actuel est d’avis que les bénéfices vont recommencer à augmenter l’année prochaine. Le risque est que les pronostics passent sous la barre du négatif étant donné que de plus en plus d’entreprises remettent en question la croissance du produit et les marges bénéficiaires. La qualité des portefeuilles d’actions va donc être importante. Même chose pour les obligations d’entreprise. Les rendements supérieurs permettent d’aller plus haut dans l’échelle de notation. Les obligations à haut risque avec notification BB des Etats-Unis rapportent aujourd’hui pratiquement autant que les obligations avec notification CCC il y a encore un an et autant que les obligations simples avec notification B au mois de février de cette année.

Les actions ne sont pas extrêmement bon marché

Les stratégies qui se concentrent sur une meilleure qualité, à savoir un faible risque de contrepartie pour les obligations et une croissance des bénéfices stable (supérieure au marché) pour les actions devraient afficher de bons résultats dans les six à douze prochains mois. Le risque est que la croissance globale, suite à la hausse des taux, la baisse des revenus réels et une moindre confiance des consommateurs s’affaiblisse davantage que prévu. Une autre baisse du marché des actions, de l’ordre de dix à 15 pour cent, ne peut être exclue.

Portefeuille diversifié et orienté vers la croissance

Cet environnement est (plus) favorable aux obligations et neutre pour les actions, l’accent devant être mis sur la croissance, si la reprise arrive. Pour le deuxième semestre, les actifs à longue duration, un engagement dans les crédits à haut rendement (obligations avec courte duration) tout comme les actions axées sur la croissance et la qualité sont intéressantes. Comme toujours, les résultats dépendent des données et des décisions politiques. Mais les évaluations sont plus favorables que l’année dernière.

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