Encore une preuve que 2020 est une année bien étrange!

François Savary, Prime Partners

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Le quatrième trimestre est l’occasion de confronter ses choix tactiques à la réalité de l’allocation stratégique.

Habituellement, l’entrée dans le quatrième trimestre marque le temps de la réflexion sur le positionnement d’une allocation d’actifs. On se penche sur les scénarios économiques et financiers qui se dessinent pour les prochains trimestres, afin de tenter de déterminer les axes «forts» d’une politique de placement.

On réévalue les éléments tactiques qui constituent un portefeuille pour établir si les choix malheureux méritent d’y conserver leur place et si les options gagnantes des derniers mois ont encore du «jus» pour le moyen terme.

D’une manière plus générale, parce que le passage à l’an nouveau est proche et que les grandes lignes des prévisions de moyen terme semblent se dessiner, le quatrième trimestre est l’occasion de confronter ses choix tactiques à la réalité de l’allocation stratégique; il n’y a pas de meilleure période pour se demander s’il faut ou non conserver une attitude «dynamique» par rapport à un indice de référence (stratégie)  - qui est construit pour atteindre un rendement sur une période de 3 à 5 ans.

Les conditions globales actuelles sont loin d’être «faciles» à appréhender.

Le dernier quart de l’année doit également (voire surtout) amener à réfléchir sur la pertinence de son benchmark pour atteindre l’objectif recherché; en d’autres termes, la stratégie existante est-elle en mesure de délivrer le rendement attendu sur la base des gains que l’on peut espérer sur les classes d’actifs qui la compose, en portant son regard au-delà des douze prochains mois?

Vous l’aurez compris, pour ceux qui pratiquent une gestion fondée sur l’allocation d’actifs, le dernier trimestre calendaire n’est jamais de tout repos. C’est encore plus vrai, lorsque la performance des comptes pour l’année en cours n’est pas au rendez-vous. A cet égard, en raison de certains choix tactiques importants sur l’or, le dollar ou encore notre exposition sectorielle en actions et parce que nous n’avons pas paniqué au printemps et saisi certaines opportunités, nous sommes relativement «sereins» sur ce front! Nous ne pouvons que nous en réjouir, car cela nous facilite la tâche pour gérer les éléments susmentionnés.

J’ai utilisé de manière automatique le verbe faciliter? Il n’est peut-être pas approprié!

Car il faut le reconnaître, les conditions globales actuelles sont loin d’être «faciles» à appréhender, qu’il s’agisse de l’économie, de la finance, de la géopolitique ou encore de la situation sanitaire. Trouver son chemin dans ce monde incertain est un défi qu’il n’est pas aisé de relever!

N’en déplaise à certains, la probabilité de voir Joe Biden conduire
l’Amérique sur le chemin du socialisme n’est pas très élevée…

Oublions le cas particulier de l’élection présidentielle américaine, qui trouvera très prochainement son issue. Cette incertitude est récurrente et nous saurons le 4 novembre si les américains donnent leur blanc-seing à une administration qui nous a habitué à une gestion erratique, parfois absurde et souvent virulente ou si, au contraire, les Démocrates prendront le contrôle de la Maison Blanche; n’en déplaise à certains discours, la probabilité de voir Joe Biden conduire l’Amérique sur le chemin du socialisme n’est pas très élevée… A bien des égards, l’élection présidentielle est une incertitude gérable.

En revanche, il en va autrement des interrogations que l’on peut avoir sur le comportement du cycle économique. Au même titre que l’on devait se montrer circonspects face aux déclarations alarmistes qui abondaient en mars, il faut se méfier de la condescendance sur l’idée que nous sommes revenus dans une situation normale et que les réflexions macroéconomiques sont désormais totalement inutiles. Au contraire, il nous apparaît erroné de prendre des décisions tactiques sans une définition claire des conditions économiques qui les justifient; en un mot comme en cent, les décisions d’allocation d’actifs n’ont peut-être jamais autant dépendu d’une approche «top-down» efficace!

Dans ce contexte, les choses changent rapidement, à l’image des grands institutions économiques mondiales qui ont toutes révisé leurs perspectives au cours des derniers mois; d’alarmistes au printemps, les prévisions pour la «super-récession» de 2020 se sont faites moins extrêmes. Remettre en cause ses hypothèses n’a peut-être jamais été aussi important qu’aujourd’hui, alors que le monde est confronté à la seconde vague de la Covid-19.

La crise que nous traversons réduit la «qualité» des benchmarks existants.

Juger sur pièce et au gré des informations est crucial. Certains diront que compte tenu de la difficulté que cela implique, la meilleure option est de renoncer à toute décision tactique dans la gestion d’un portefeuille et donc de coller à une stratégie (benchmark) qui est appelé à produire des résultats sur le long terme.

J’avoue que l’argument ne me convainc pas forcément, avant tout parce que la crise que nous traversons réduit la «qualité» des benchmarks existants.

Cela nous amène à la discussion sur la validité du fameux benchmark 60%-40% qui a dirigé les décisions de nombreux investisseurs au cours des dernières décennies.

Au regard des conditions «nouvelles» induites par le cycle de super-liquidité consécutif aux décisions monétaires et fiscales des derniers mois, faut-il le remiser aux oubliettes? La chute (durable?) des taux rend-elle les actifs à revenu fixe inutiles pour les prochaines années? Le renforcement de l’économie de bulle rend-il inéluctable une exposition durablement plus importante des actions dans un portefeuille, avec la nécessité d’accepter une volatilité plus forte de la performance de ce dernier? Un retour «annoncé» de l’inflation doit-il conduire à renforcer les actifs réels dans un indice de référence pour les années à venir?

Vous l’aurez compris, ce dernier trimestre 2020 est particulier à bien des égards par rapports à ceux que nous avons pu connaître depuis plusieurs décennies. Je ne suis pas enclin à penser que le terme «d’exceptionnel», que l’on nous rabat quotidiennement pour qualifier la période que nous traversons, soit réellement opportun; son caractère trop subjectif nuit à la prise de décision!  

Nous sommes à un tournant qui doit inciter à reconsidérer
en détail ce que nous avions tendance à considérer comme éternel!

Au moment où nous pouvons avoir le sentiment que nous sommes passés à côté d’une catastrophe majeure, au regard de la reprise des marchés actions en particulier, il ne faut pas relâcher la garde.

Face à des incertitudes importantes, faire des choix tactiques reste important. Si l’on est convaincu que la crise de la Covid-19 est un point de rupture pour les actifs financiers et les attentes de performance que l’on peut en espérer, il ne faut pas hésiter à en tirer les conséquences pour la définition d’une stratégie de placement orientée sur le moyen terme.

Voilà pourquoi ce dernier trimestre est bien étrange par rapport aux autres années. Rien de nouveau me direz-vous, c’est chaque année la même chose. Je n’en suis pas convaincu, car nous sommes peut-être bien à un tournant important qui doit inciter à reconsidérer en détail ce que nous avions tendance à considérer comme éternel!

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