L’or brille toujours de mille feux. Trop peut-être?

François Savary, Prime Partners

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Conserver une pondération sur l’or peut avoir le mérite de permettre à l’investisseur de «tenter» de profiter de la volatilité de manière tactique.

En ces temps tourmentés et face à des perspectives économiques et financières qui restent pour le moins incertaines, le métal jaune a une nouvelle fois tiré son épingle du jeu au cours des derniers mois. Tant les investisseurs traditionnels que les fonds alternatifs ont continué à accumuler des positions au cours des derniers mois, si l’on en juge par les données sur les flux spéculatifs et/ou ceux sur les ETF aurifères. On connait les vertus d’actif refuge de l’or, particulièrement dans les phases de risque extrême comme celle que nous traversons. Nous devrions donc être sereins sur les expositions en or que nous détenons, a priori.

Cependant, voir le niveau élevé des positions longues sur la relique barbare doit néanmoins susciter des interrogations sur la pérennité du mouvement haussier des cours; en d’autres termes, le prix du métal jaune n’a-t-il pas atteint des sommets insoutenables? 

Actif sans rémunération, l’or continuera à profiter de l’absence
de coût d’opportunité à sa détention dans les trimestres à venir.

Répondre à cette question suppose de prendre un peu de hauteur dans un environnement qui reste envahi pas les incertitudes. Si la Réserve Fédérale a semblé écarter la possibilité de taux négatifs aux USA lors du discours récent de J. Powell, il n’en demeure pas moins que le coût du capital demeurera bas dans un avenir non seulement proche mais aussi plus lointain. Actif sans rémunération, l’or continuera à profiter de l’absence de coût d’opportunité à sa détention dans les trimestres à venir. Il faut en effet s’habituer à l’idée que la reprise de la conjoncture sera graduelle au cours des 18 prochains mois même si l’on peut toujours miser sur un rebond de l’activité au second semestre de 2020, dans le sillage du déconfinement en cours.

Quant à l’évolution des prix à la consommation qu’un tel scénario implique, on peut partir de l’hypothèse que la stabilité de ces derniers est vraisemblablement la moins probable de toutes ; que l’on soit un déflationniste, un inflationniste ou que l’on opte pour une appréciation différenciée en fonction de l’horizon temps considéré, une stabilité de l’inflation n’est guère en vogue dans l’esprit des investisseurs. Un manque de visibilité sur le comportement de l’inflation est un scénario qui reste porteur pour les cours du métal jaune et le risque de déflation est loin d’être le moins prometteur. 

Dans un monde à taux zéro – contrairement à 2008 – il n’est pas
aisé de trouver des actifs de protection.

Il y a ensuite la question de la fuite devant la monnaie ou tout au moins le risque qu’un tel phénomène se développe. On le sait, les mesures monétaires et fiscales consenties par les banques centrales et les gouvernements ont atteint une ampleur historique, tant dans les pays développés que dans certains pays émergents. Face aux conséquences incertaines de telles injections de liquidités, il est légitime que les investisseurs s’interrogent, d’autant que la question du caractère soutenable des dettes est au cœur de nombreux doutes, à l’image des propos récents de l’OCDE. Dans un monde à taux zéro – contrairement à 2008 – il n’est pas aisé de trouver des actifs de protection; c’est encore moins le cas si l’on craint pour la qualité des monnaies dans lesquelles les dettes sont libellées. Un contexte qui peut conduire à des beaux jours pour le métal jaune.

Enfin, il ne faut pas se le cacher, la normalisation de la situation induite par le COVID-19 reste difficile à anticiper et elle a de quoi nourrir le maintien de la volatilité sur les marchés. A l’image des derniers mois, il y a fort à parier que le recherche d’opportunités tactiques sur ces derniers ne va pas être de tout repos - à moins d’être en mesure de «voir» juste à tous les coups… - dans un contexte plus volatil pour les actifs financiers. A contrario, demeurer passif sur son allocation voire opter pour le repli massif sur le cash pourraient s’avérer tout aussi dangereux. Les investisseurs qui ont vendu leur exposition actions au cours du mois de mars ont dû s’en rendre compte. Ainsi, conserver une pondération sur l’or peut avoir le mérite de permettre à l’investisseur de «tenter» de profiter de la volatilité de manière tactique et d’éviter une paralysie dans sa politique de placement.

Vous l’aurez compris, malgré un positionnement des investisseurs et des spéculateurs qui peut nourrir les interrogations, nous ne pensons pas qu’il est opportun de nous séparer des positions aurifères que nous avons constituées au cours des derniers trimestres.  

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