L’ampleur du bazooka monétaire doit nécessairement conduire à se demander si nous pouvons, cette fois, échapper à la résurgence de l’inflation.
La question peut paraître saugrenue, alors que l’économie mondiale sort à peine d’une récession historique. En revanche, se la poser relève du bon sens si l’on cherche à établir la meilleure allocation d’actifs possible en ces temps si particuliers.
Quelle mouche me pique de ressortir la question de l’inflation en ce milieu du mois d’août? La réponse est simple. Le problème de l’inflation est toujours dans un coin de ma tête, à tort jusqu’ici puisque cela fait plusieurs années que la «bête immonde» n’a pas fait sa réapparition sur le devant de la scène économique. Il n’empêche que l’ampleur du bazooka monétaire mis en œuvre par les grands argentiers depuis quelques mois doit nécessairement conduire à se demander si nous pouvons, cette fois, échapper à la résurgence de l’inflation.
est la crainte de l’inflation au sein de la communauté des investisseurs.
Autre raison de mes interrogations: le comportement de certains actifs financiers. Il ne vous aura pas échappé que l’or connaît une année étincelante, malgré sa consolidation récente; or, une des explications les plus souvent avancées pour justifier les développements sur les prix du métal jaune est justement la crainte de l’inflation au sein de la communauté des investisseurs. La «relique barbare» nous annonce-t-elle son retour?
Autre actif dont le comportement pourrait également préfigurer ce dernier: les obligations indicées ! Avez-vous remarqué leur excellente performance au cours des derniers mois?
Au-delà des marchés, il y a les statistiques économiques qui parlent d’elles-mêmes; certes, faire parler les chiffres est dangereux, si l’on y met trop de subjectivité dans l’analyse, mais il n’en demeure pas moins que nul ne peut nier l’évidence de la progression marquée des prix à la production, à la consommation et de ceux à l’importation aux Etats-Unis depuis 2 mois.
Etonnant tout de même de voir la hausse des prix s’emballer alors que l’économie demeure clairement en sous-utilisation des capacités de production! Certains phénomènes liés aux perturbations du COVID-19 peuvent (peut-être) expliquer le phénomène. A observer au cours des prochains mois! En effet si l’on veut faire parles les chiffres, comme je le disais ci-dessus, il est généralement plus prudent de se concentrer sur la tendance plutôt que sur un ou deux chiffres. D’où l’importance que revêtira la publication de ces données mensuelles au cours de l’automne; il ne faudra pas s’en désintéresser, même si nous allons tous être, évidemment, pris par la campagne électorale américaine.
on doit s’attendre à un retour au-delà des 2% du CPI américain.
Fondamentalement, je demeure convaincu que la reliquéfaction engagée par les grands argentiers et la combinaison de politiques bugdétaire et monétaire ultra accommodantes constituent des conditions propices à une accélération de l’inflation sur les biens et les services au cours des 18 prochains mois. Sans craindre, comme certains, une forte progression du niveau général de prix, je pense néanmoins que l’on doit s’attendre à un retour au-delà des 2% du CPI américain.
On pourra me rétorquer que je suis têtu et que l’inflation ne fera pas son retour, tout comme après la crise de 2008; on pourra même ajouter que l’inflation sera celle des actifs financiers et non financiers, à l’image des évolutions récentes, si l’on en juge par le cours des bourses ou de l’or, par exemple!
Je n’exclus rien et je concède aisément qu’il ne faut pas (encore) tirer des conclusions (hâtives) sur l’inflation des biens et services. Qui vivra verra!
Alors, ne me reste-t-il donc plus qu’à remiser, au fond de mon cerveau, cette question des prix qui n’en est pas une? Pas si vite! Une inflation «maîtrisée» est une clé essentielle pour permettre au système de sauvetage de l’économie mondiale qui s’est mis en place de fonctionner.
A bien des égards, un retour inattendu de l’inflation pourrait fragiliser le «bel édifice» construit par les gouvernements et les banquiers centraux pour soutenir l’économie mondiale! Il serait trop long d’aller dans le détail mais disons simplement qu’une progression marquée de l’inflation rendrait compliqué la gestion des endettements massifs consentis par les gouvernements, qu’il serait alors bien difficile de maintenir les taux nominaux à des niveaux aussi faibles et que l’inflation du prix des actifs serait sujette à des remises en cause.
des prix des biens et services ne doivent pas être raillées.
Ce qui se joue sur les prix des biens et services n’est pas anodin pour de multiples raisons. Un accord se dégage pour dire aujourd’hui que l’inflation est une variable difficile à pronostiquer; vous en voulez la preuve? Demandez-vous combien de fois le BCE a atteint son objectif sur cette variable depuis sa naissance! La réponse dit tout!
Alors oui je suis enclin à penser qu’une inflation plus forte est une réelle possibilité pour les prochains mois. Plus important encore, les interrogations que l’on doit avoir sur l’avenir des prix des biens et services ne doivent pas être raillées.
Du comportement de ces derniers au cours des 12 à 24 prochains mois dépendent beaucoup de choses, à commencer par la capacité de poursuivre le mouvement d’inflation sur le prix de certains actifs financiers.
Pour toute personne qui s’attèle à définir la meilleure allocation d’actifs pour son portefeuille, les interrogations sur l’inflation sont plus que jamais indispensables.
En fonction de la réponse que l’on apporte à celles-ci, un portefeuille ne sera pas constitué de la même manière; en outre, partir du postulat que le retour de l’inflation est un non-problème, revient à s’exposer à un risque d’avoir tort et de subir en conséquence une volatilité élevée des cours de ses placements. Gérer les risques est important, en tout temps, gérer celui de l’inflation est d’autant plus pressant que nul ne peut nier que la reliquéfaction massive des économies est «sans précédent»!